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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 21:40

Le tailleur de route

Dimanche, 17 août 2014La fin

 

empoisonner les rats !  

j’ai toujours à l’intérieur des fouilles de mon pardessus un paquet de pop‑corn une pomme de l’eau des carrés de chocolat une ou deux tranches de pain sec c’est la ration de survie on l’emportait avec mon vieux à chacune de nos descentes dans les galeries abandonnées des mines de Longwy

on l’a échappé belle ! ils ont imaginé de remplir d’ordures les galeries souterraines et puis de bétonner la sortie et l’entrée le feu ne couve plus ni en dessous ni au‑dessus les émaux bleus ont vitrifié l’oubli

armé d’un burin taillé dedans la peau d’acier des canons de 305 du Potemkine qu’un ouvrier aux aciéries du tsar a perdu dans la neige où luisent un certain dimanche à St Petersburg les grelots sanglants des chevaux cerise sur le poitrail qui étincelle des enfants sans tambours

je suis venu poser une question au grand enchanteur des rats

qu’est‑ce qu’on peut faire quand le monde n’est plus qu’une géante souricière quand il n’y a pas un type par ici enroulé à l’intérieur de sa misère rouge son haillon de chemise qui claque au vent qui dise de tailler la route

les héros de la marine il y a un siècle bouffeurs de vers d’Odessa hier ont redescendu l’escalier les vers dévorent leur chair bleutée tomates de Crimée sur les champs de Sébastopol par milliers leur peau est douce soldats marins paysans poussent entre mes doigts vos figures oubliées

parmi les manteaux blancs des affameurs d’Odessa on presse des tirailleurs à la peau d’ombre sang violet d’Afrik volé parfum d’orangers dans les soutes on crève notre sang est noir chantent les matelots du Jean Bart la houle remonte aux lèvres des esclaves utopie brèveQuais-a-Odessa.png

armé d’une linotype fondue dans l’acier des coucous cubains de la Playa Giron celle où Rirette corrigeait les bourdons des canardiers au turbin des marbres froids je suis venu et pourtant il n’y avait rien à dire

rien dire rien écrire rien faut comprendre le temps où je jurais d’enfoncer le fruit du sacrifice profond dans la gorge des fabricants d’offrandes et de pain d’or est mort

écrire sur notre chaos braillard notre décadence nos nécropoles à force ça devient obscène je déchire mes gants et je les jette à tous les voyeurs d’encre plus de doigts entaillés pour rechercher à la casse la première lettre de leur blaze

on a griffuré tant de pages pour nous rendre dociles déchargé dans les marges nos ombres de tortues ravaudées à l’absence le vieux poète nègre sait sur le fil qu’il avance à l’envers de leur culte du bruit coulé comme des dalles au terrier des oreilles

pour l’angoisse des lapins chapeau ! et pour la mort qui avance à pas futiles de visiteur de l’aube dans la goulée ardente du four à combustion des volcans je vous tire mon chapeau !Potemkine.jpg

 

empoisonner les rats !

les ouvriers du labeur n’ont pas appris que la seule issue qui vaille au travail c’est d’avoir les bons outils et du bois de nulle part pour tailler la route au fond ils vous ont jetés avec l’éclat tanguant des pivoines orange comme un fracas cabré

pas de fuyards dans les galeries d’ambre noir au creux des veines obscures le salaire est un caillot une berceuse au poumon le rat de votre courage est friand de pain rassis ils ont versé dessus vos corps l’or livide de leurs consciences aux petits cristaux fondus gelés de mort rose

empoisonner les rats ! 

tous ceux qui errent dessous la terre camarades généreux partageant pour d’autres la chair ardente de la vieille cavale désaltérés à sa sueur boivent à la source splendide de l’espoir commun l‘amertume et la grandeur fragile de la lutte

une moisson d’incendies à commencer sitôt sortis des corridors d’Anubis où les charriots de l’enfer roulent tout seuls chargés des dépouilles de paysans et d’ouvriers privés de sépulture dans la salle des pendus une récolte de chaussures que personne ne mettraLa-Fensh-Vallee.jpg

empoisonner les rats ! 

tant qu’il y aura un homme nous veillerons à ce qu’ils aient un bol d’eau pure et de lumière fertile sur la margelle du jour tant qu’il y aura un homme nous veillerons

armé d’une pierre prise sur vos tombes fraîches où poussent déjà la menthe et le lin je suis venu cogner à la porte des soutes des frigos des réserves

eh là‑dedans ! vous êtes encore vivants ?

canailles ils n’ont jamais eu la parole c’est l’enchanteur qui parle pour eux du fond des flûtes ripaille !

comment dire désormais au grand maître des rats de creuser une sortie de secours et de tailler la route au large des soutes des galeries des existences misère sans costume de rechange des pointeuses qui mettent au point la mort à petits coups de douleur rose

empoisonner les rats !

depuis le temps qu’ils ne rêvent que de ça tous les échappés des bagnes à poussière le savent leurs noms s’allument à la porte rougie de Babylone après que l’aube ait cerné de rimmel suie leurs paupières lourdes tailler la route c’est la seule façon de déjouer le sort maudit des hommes rats

dynamiter les bétaillères faire chauffer les casseroles de songes tremper mes doigts dans de la poudre de lune et laisser nos empreintes laiteuses sur les murs blafards pas dire pas écrire filer en douce la toile d’un désastre éclair juste me farcir un tronçon furtif pas tarifé

défricher le bitume à la houe d’acier bleu d’une piste qui trace dehors du ghetto affiché complet sa mitraille et ses explosions placardées dessus nos vitres oracles pagaille ! on attend que le petit jour s’accroupisse frissonnants

empoisonner les rats ! la nourriture est le meilleur moyen de mettre le monde au pas mais il nous pisse un monde violet d’agaves hérissé de craquements on tiendra le temps qu’il fleurisse et nous ravitaille

soudeurs d’arc‑en‑ciel hiboux sidérés d’épis en fusion c’eminieredescoulmies.jpgst la guerre ici chaque jour et la neige nous efface de la mémoire souveraine des rats de leurs moissons urgentes de leurs pains chauds posés aux tables des jours de grève

on ira on ira on ira jusqu’au bout bouillonnant de nos beaux draps livrés aux rivières contre un festin de rosée et d’impatience

 

empoisonner les rats !

on l’a échappé belle ! ils ont imaginé de les remplir d’ordures et puis de bétonner la sortie et l’entrée le feu ne couve plus ni en dessous ni au‑dessus les émaux bleus ont vitrifié l’oubli

les mineurs du fer savaient ce qu’ils cherchaient désormais le fond est bourré de concrétions d’océan berlingots de verre égouttés là tout est conforme aux prédictions des tables d’argile effritées doucement par le piétinement des rats au poil roux aveugles dont le museau s’est allongé

glissant frottant les rayons de miel jaune le long des murailles ruisselle le lavis turquoise des eaux montantes l’exhaure n’en a pas fini l’exhaure revient remplir leur godasses sucrée comme un soleil dans la gorge des ogresses arrive la nuit ! arrive ! de Bassompierre à Hayange Bellevue un long tuyau orange pendues les gouttes de sel bleues beauté royale les tombeaux de safran n’ont pas échappé à AnubisMine-de-Longwy-Jean-Marie-Vaillant.jpg

 

empoisonner les rats !

les berlines aux haillons mauves sont des berceaux d’enfants morts des jouets éventrés en l’air leurs roues de rouille qui fantôment le hurlement des rails rougis aux déferlantes des draisines inconcevables sculptures ouvrières qu’on n’a pas voulues mémoire momifiée d’un monde vif rugueux violent

 

 

 

 

                                                  Jean-Marie Vaillant

au bout des galeries les supports rouillent un petit jour boiteux frappé de cécité au milieu des branches de Coulmy il taille la route c’est pas demain qu’on l’y reprendra à se faire suer la‑dedans les failles de rimmel turquoise qui chevauchent à cru les cavales des grottes ne l’épatent plus il connaît ça il se rend nu foudroyé il marche dans l’eau d’écoulement la terre jaune aux genoux

petit jour ! petit jour ! vert maintenant il roule ocre il se frotte aux parois qui appellent jurent des hommes ! des hommes encore ! les bois couchés du ciel retiennent la terre à l’envers c’est un territoire effaré d’arcs‑en‑ciels poudreux que le jaune soufre cloue aux nues

 il n’y a plus rien d’autre que de la couleur tout est couleur ici en‑dessous couleur la mémoire des hommes exploités couleur la chair lancinante qui ne connaît plus la fin des heures couleur la maison de l’hiver infernal où on habite pas et ses rues carrées par‑dessus la tête

couleur les puits lapés par les langues immobiles de pierres demain ce sera une opale bleue et nous serons les écumeurs

venez les mousses crépitantes et les blanches rumeurs salines des peurs humaines vaincues ! voilà ce qu’il reste du grand courage voilà !

stationfunisenelle-1982-Richard-A.-Bowen.jpg

 A suivre...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                 Senelle 1982 Richard. A.Browen

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17 août 2014 7 17 /08 /août /2014 15:19

Hobos du sensGhat

       “ Les mots sont comme des œufs. A peine éclos, ils donnent des ailes. Si tu ne le sais pas, ta langue se détachera. ”

Gianni Guadalupi, Préface de Sahara regards sur l’immortalité, 2009

 

c’est en tombant au hasard des dunes d’As‑Sahara sur la phrase jumelle qui me colle parfait aux paluches et en écrivant gribouillant les notes fragments pour le Cahier Céline l’exemple de ma façon de marcher sur les œufs des mots de rebondir d’un texte article poème bout de chronique ou de récit l’autre et de n’en pas finir surtout jamais que je me suis dit que les Carnets de Route vont témoigner obligé des pistes d’écriture des cairns qu’on m’a mis aux croisements sans pitié et des erreurs d’errance que connaissent les voyageurs aussi bien que des tentatives abandonnées des va‑et‑vient entre les parois lisses d’inconnu des petites combures qu’on allume à la night quand il est pas question d’aller se pieuter parce que j’appartiens pour sûr au peuple braillard des oiseaux de nuit.

parce qu’il y a bien une cause première primaire une goutte d’eau originelle qui a alimenté nourri la soif fabuleuse celle qui ne s’est ni tarie ni atténuée à la naissance constante presque de ces pages de traces ces bouts de toiles de bois de carton ces morceaux de terre marqués gardés précieux comme une carte qu’on dessine chaque jour d’un territoire qui sitôt découvert s’épuise alors jetés abandonnés et que c’est peut‑être juste la quête de cette soif‑là qui fait continuer

parce que prendre note sur les carnets toujours à portée ces ostraka de papier quadrillé que les gaziers qui croient avoir été missionnés scribes d’un monde rompu un sac à miettes qui se cause pas qui s’écrit pas accumulent et dispersent je ne le fais pas en raison de mille raisons qui s’étirent du découragement jusqu’au dégoût de témoigner du pire et au tourment d’y faire entrer l’épopée et la grandeur mais sans elles les mots sont des charges de plomb et des pierres d’âge

pourtant si c’est pas comme ça que ceux qui sont des météores ordinaires avec la conscience du spectacle qui les guette aux mirettes sur le Carnet de Route quotidien de la marche solitaire des peuples là où ils sont et là où ils vont se débrouillent à faire exister l’histoire et la destinée des hommes simples qui ont leur trace mêlée à celle des autres et aussi ailleurs dans le grand lointain ?Tam 62

et ce qu’on en peut nous autres abreuvés au lait de force des nourrices songhaï les filles des déesses du premier océan ? ce qu’on en peut nous animés de la conscience des présages d’Ogo le jumeau d’ombre et sa face solaire Yurugu le renard pâle nous les passeurs de paroles de Nommo le génie silure porteur de la soif qui ne tarit pas et de l’eau demeure fertile sinon noter ce qu’y a à voir au fond du chaos des mondes perdus que nous sommes au milieu des foules démentes réclamant à leur heure leur offrande de sang frais pour l’interminable ordalie d’images de ruts imbéciles et d’orgies vulgaires

quand on a commencé à se frotter aux mateurs de miroirs que les toubabs ressortent pour la nouvelle mystification astiqués et techniquement modernes eux qui croient qu’ils causent au nom des peuples qui ne savent ni lire ni écrire les langues des maîtres et de leurs bouffons littéraires mais la parole des Jeli en toutes oralités d’Afrique leur est familière on a emprunté la piste d’exil qui fait le tri et qui sépare. ce qu’on voulait nous autres pour sûr se relier à la part d’histoire authentique la part commune des peuples dominés humiliés désenchantés dépossédés d’eux‑mêmes

nous les lascars des classes sociales aliénées on a été si peu nombreux avec notre démarche liminaire à ne pas prétendre au trône des grands diseurs de l’idéal de mort qui se sont glissés habiles costumes scintillants de défenseurs des vérités essentielles celles qui échappent aux gueux toujours dont ils sont les héros sortis des coulisses du théâtre au moment où les gourous politiques ont fini de refourguer les richesses de l’histoire africaine aux fabricants d’aventures et les richesses du sol d’Afrique aux pompes à fric

si peu nombreux à refuser la toquarde la magouille sournoise d’une langue factice et ses ficelles l’engrossée de ses imageries spectaculaires menteuses qui flattent l’ignorance du grand trimard de la marche des Jeli et des territoires de rêves sauvages traversés de sens cosmique efts-adrar tamentitnsemencés par leur patience gourmande qui dévergonde. si peu nombreux à réclamer le droit coutumier des peuples de choisir leurs griots dehors des chemins des écoles des bagnes à culture des gourbis d’alphabêtes qu’il faut pas qu’on s’étonne de se retrouver largués solitaires virés poussés en bas par les lézards les fileuses les poucaveurs qui l’un après l’autre ont pas pu rebecqueter la liberté du renard pâle et l’ont renvoyé sur la route de la Babylone heureuse la mère de tous les ghettos

si peu nombreux à décider d’être des hobos du sens et de ses lignes de mire qui se défaussent d’horizon des voyageurs de la soif des guetteurs d’eau inaltérables alors la durée et la nature de nos transhumances et de nos quêtes on en cause dans le vent sachant qu’y a pas de raisons qu’on nous reconnaisse qu’on nous nomme laboureurs d’errance tailleurs d’arbres à paroles éphémères vu qu’on a l’enthousiasme et la jubilation aux paluches et la totote farcie d’expérimentations d’art brut et de poésie buissonnière

et tous ces Cahiers ces feuillets à barbouille que j’entassais les pelures grasses tâchées bourrées raclées les expériences des vernis trop cuits pas assez les résines collantes à perpette ou qui ont fait vitres de couleur les glacis d’émail louches aux outremer des brumes aux vermillon rancis boursoufles et crevasses des obscurs les heures marquées rouges au petit trait des gribouilles de plume si je sais aujourd’hui ce qu’y faut faire avec et je déchire lambeaux pour les coller dedans les pages des Cahiers de Route comme ça ils m’encombrent plus alors ! je sais qu’ils manquent ah c’est vrai ! un manque physique pareil que le parfum des roses du premier jardin rien de plus rien de moins rien d’autre qu’un moment de la vie

sans doute des fragments du réel comme les Cahiers de prison de Céline c’est une question de survie quoi ! vrai pas sûr que la situation d’aujourd’hui qu’éclaire du coin de l’œil du hibou un monde qui nous débecte et une condition humaine avide de chaos soit en train de fricoter avec la folie qui le faisait écrire des bafouilles terribles on a des traces de la méchanceté de ceux qui pensent bien. noter les pensées désenchantées du hobo que la route rassure et retient sur ses gardes aux battantes du sommeil des gueux c’est ma façon pour pas me perdre et refiler aux fils d’Ura s’ils veulent reluquer par là un fourniment de traces dont on ne voit pas le bout au‑dehors des murailles où ils sont verrouillés et retenus sacrément abrutis

pour moi ça a commencé à 12 piges l’enfermement dans le bobinard à sauterelles noires trifouilleuses d’obscène qui ne s’en prennent pas qu’à la peau le Stalag Notre‑Dame des AngeYassan-Deco-par-des-femmes.jpgs pensionnat religieux à 400 kilomètres du gourbi c’est là qu’on m’a mis gentil sur la route de l’infernale solitude d’enfance. pour une scène initiatique à la soif d’écriture c’est la bonne on peut pas rêver se faire carotte de l’insouciance par ses vieux d’une façon plus reptile y a personne qui se doute aux alentours et la peau d’abandon quand on la perd après elle emporte les traces ce qui reste au fond c’est le goût salé de l’exil qui remonte et qui donne le désir d’art brut dont on se passe facile à cet âge

en fait on pige assez vite que ça ne commence pas vu que l’exil c’est pas du vidage de rapport aux autres ça se passe à l’intérieur de la viande c’est comme ça qu’on est ce qu’on y peut ? alors l’écriture rapplique brutal art brut de la séparation comme un diabolo qui fait ressort dehors de l’enfance où on ne pourra pas jamais retourner avec sa mémoire du spectacle tréteaux et planches où la family life déballe ses promesses d’attache mais y a rien autre que baratin la leçon cruelle qu’on se carre on oublie pas dans le même sac la tribu le clan la patrie l’état sans eux !

Cahiers de prison notes d’exil et de voyage dedans pareil que dehors l’écriture des hobos de la vie c’est l’expérimentation pas ordinaire du monde et c’est juste ça que les commerçants leurs larbins leurs banquiers ne calculent pas pour ça qu’il faut tracer la route là où ils sont pas se lever leur laisLapin-dans-l-oreille-copie-1.jpgser aucun pouvoir d’interdire de piller de désenchanter ! y a pas un temps plus dur de griffer à mains nue que celui qui s’est pointé pour saboter la cérémonie du sacré commun les troupeaux de financiers l’ont sapée costumée banale vulgaire retirée ses rituels ses griots ses passeurs outrepasser leur race à rapine rejouer l’épopée qui fulgure au creux de nos jours !

les ouvriers maçons d’Afrika qui ont posé dans l’esgourde géante de pierre de Mandela un petit lapin rigolard sont mes frangins de sang camarades de route hobos croisés là où il en reste pas lerche de notre histoire griots muets ils ont filé aux peuples en désarroi un arçon à reconnaissance fanal pour rire dire qu’on appartient nous autres au monde facétieux qui fait pas révérence pas prêt d’être récupéré et personne qui les en empêchera

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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 18:01

La jumelle d’OgoYurugu

 

“ Bien sûr qu’il va mourir le Rebelle. Oh, il n’y aura pas de drapeau même noir pas de coup de canon pas de cérémonial. Ça sera très simple quelque chose qui de l’ordre évident ne déplacera rien mais qui fait que les coraux au fond de la mer les oiseaux au fond du ciel les étoiles au fond des yeux des femmes tressailliront le temps d’une larme ou d’un battement de paupière.

Bien sûr qu’il va mourir le Rebelle, la meilleure raison étant qu’il n’y a plus rien à faire dans cet univers invalide : confirmé et prisonnier de lui‑même… Qu’il va mourir comme cela est écrit en filigrane dans le vent et dans le sablepar le sabot des chevaux sauvages et les boucles des rivières… ( … )

Bien sûr qu’il va quitter le monde le Rebelle ton monde de viol où la victime est par ta grâce une brute et un impie ”

Aimé Césaire Et les chiens se taisaient

 

dire répéter mâchonner qu’écrire autrement que sur les Cahiers les feuillets petits carreaux cousus agrafés leurs pages au format de vingt‑quatre par trente‑deux centimètres des fois plus petits couverture cartonnée comme ceux où j’ai gribouillé les premiers ours informes bâtards les poèmes en vrac avec les pages blanches recollées celles bon marché des blocs de papier pour imprimante les fines qui m’accompagnent dedans la musette de hobo à l’intérieur d’une chemise carton bleue la verte c’est pour les critiques litt et la rouge pour les notes récupérées aux bouquins aux articles de journaux et les autres avec leur couverture de couleur au carton mou qui s’écorne facile au fond du sac que je jette sur la banquette ça n’a pas de sens

des Cahiers des dizaines avec les dates dessus et le titre des centaines peut‑être un jour ou l’autre les plus récents qui ne me quittent pas je graffe les couvertures de collages bouts de papiers journaux photos images cartes postales ramassées ci là recouverts consolidés de bandes de papier collant transparent je n’ai jamais écrit autrement les pages imprimées des textes articles poèmes se sont ajoutées naturellement je n’ai pas arrêté pour autant d’écrire à la main avec un rotring pointe numéro trois encre de Chine noire broyée dont il faut agiter à chaque fois la masselotte pas que ça se bouche une écriture qui ne s’efface pas une écriture de peintre un calame d’ouvrier des trains des métros des RER qui ne peut plus se servir d’une plume et d’un encrier pas de buvard non plus c’est la page d’en face qui boit une histoire à double figure ma jumelle d’encre mon jumeau de sable OgoAncêtres et serpent lébé

des Cahiers auxquels se sont ajoutés peu à peu au fil de la route des Carnets petit format les Carnets du voyage onze centimètres par dix‑sept couverture cartonnée rigide rouge et noire je peux les glisser dans ma poche c’est facile ce sont des bouts des fragments écriture parfois illisible déteinte au stylo bleu noir effacée raturée gribouillis des trains de ligne souvent perdus égarés oubliés dans le filet de la banquette du TGV il y a mon nom mon adresse sur la première page personne ne me les renvoie ce qu’ils sont devenus m’indiffère d’autres plus petits encore à la couverture molesquine noire violette des signes éparpillés des morceaux de mémoire qui ne se pointent que sur la route avec le bruit régulier des boggies berceurs d’enfances déconvenues

si j’ai abandonné Calamity Jane la machine à écrire la frangine de mes premiers brouillons conservés pour noter par derrière les bribes des récits advenus et repartis aussi vite ramassée dans une poubelle d’une rue du 20° il lui manquait le e comme de juste je le rajoutais à la main ça me gagnait du temps c’était une époque d’abondance les mots crapahutaient bondissaient se ruaient je ne pouvais pas suivre je sautais à pieds joints par‑dessus les lignes je faisais marelle j’arrivais au ciel hop ! hop ! ça n’a pas duré et puis c’était un peu compliqué comme bécane musical et tout un vrai piano ce bastringue ding ! ding ! vrouh ! vrouh ! ding ! vrouh ! j’ai repris le rotring et puis l’ordinateur le maudit vampire la vitrine à nabots le gobe‑mouche à roussins nous est tombé dessus un vieux récupéré lui aussi a remplacé Calamity Jane mais il n’a pas de blaze c’est un objet mort un corps étranger qui ne sera jamais  le compagnon de labeur familier

ce sont les éditeurs et leur clique qui nous ont coincés avec disquettes et tapuscrits qu’ils nous ont forcés à utiliser pour leur livrer nos manus en produits finis objets manufacturés ni lus ni corrigés ils ont rendu encore plus vulnérables les hobos des mots au rapt de leurs créatures et leurs signaux sémaphores par les troupeaux d’indigents qui déambulent le long des pages virtuelles que bien niais et bien gentils on leur refile par le moyen informatique devenu l’annexe des écrivains contemporains… est‑ce qu’on imagine Céline transformant ses ours en graffitis d’écrans ? il m’a fallu le temps de piger qu’être publiée à ce prix‑là c’est me rapprocher un peu plus du néant

dire répéter asséner que le support informatique sert à deux choses : 

à se faire filocher mâter reluquer aux coutures balancer et juger par tout ce qu’il peut y avoir de nuisible et de censeurs curetons et faux‑derges dans ce monde qui vire à la fois aux cruautés les plus crades et à l’imposture des redresseurs de torts les plus nauséabonds

à se faire carotte pour finir ses récits titres poèmes images photos créations et créatures et à les retrouver publiés par des commerçants de basses cours dont les paplars crasseux hantent les pseudos librairies pas encore mutées boutiques de fringues sous forme de torchons appelés bouquins

et que sans ce système d’appauvrissement impensable et écrasant de la langue et de ses forteresses sacrées les nabots de la machine écrite n’auraient pas pu parvenir à la dégrader et à la vendre invalide et informe purée d’absence sans auteurs sans correcteurs sans lecteurs sans émotion et sans âme comme le plus vulgaire des produits à fric

et retourner à mes Cahiers mes Carnets de Route lourds encombrant y en a plein le placard de ma petite piaule de haut en bas des fragments des lambeaux lavis d’étoiles déteintes tétanisées et têtues malgré tout des combures debout jamais éteintes tout à fait par la grande lessive des promoteurs de vieillissement instantané par les ravisseuses d’éclaboussures d’iris de chats muets errants guetteurs d’une gare l’autre de l’épopée brute à jeter dehors la tribu informe des hérissons armés jusqu’aux oreillemarziani_jabbaren_1.jpgs de lances frondes aux aiguilles métal plongés dans des bains bouillonnant de lazulis avant d’arriver au large d’une cible montée un jour de la St Jean d’été sur une botte de paille nulle part

c’est ça que je veux qu’il reste de l’écriture du renard pâle le maître de la transe le devin lyrique sorti du jardin territoire d’inattendu inadvertance immense territoire des chasseurs cueilleurs savane à perte éblouie des pieds où il aurait bien pu demeurer lui le premier hobo des mots il avait à sa portée des moissons d’herbes à paroles jusqu’à la porte sauvage et sa mer de mosaïques turquoise et vertes et il l’a franchie un jour qu’il désirait beaucoup il faisait nuit la bonne nuit où le repos s’arrime à la carapace fluorescente des lézards chevaliers il ne connaissait pas le sommeil ni les rêves déchus des hommes couchés lui il rêvait debout comburant en torchères liquides forges au jet brut et pas autrement

lui l’évadé du drame le voilà franchissant le quatrième coin du panier du ciel tombé là avec sa poignée de graines de fonio et ses couples de jumeaux multipliés à l’infini et ce qui n’est pas fini au commencement des feux entre dans sa perte lui le voici seul privé de sa jumelle lunaire divisé et un en quête toujours de tous les autres fatalité du créateur le voilà devenu le convive du festin des tables de sable celui qui sait et qui ne peut pas dire le voilà l’arpenteur unique des déserts dont chacune des trajectoires mesure la soif inaltérable et bonne des veilleurs rares du videGrand-personnage-Sefar-copie-1.jpg

c’est ça que je veux qu’il reste des fragments des Carnets de route des Cahiers et rien d’autre de l’écriture qu’Ogo m’a donnée lui le jumeau désolé et insouciant en quête de son double manquant son Nommo et ses traces dans la poussière rougie des tessons d’argile sur la piste de ce qu’il a nommé déserts il l’a nommé Decheret le Rouge fils de Seth Gourma Fezzan désert blanc désert noir où ne règne que la danse furieuse des jnoun lui le devin il connaît l’histoire des hommes fossiles qui se sont emmurés vivants à l’intérieur du sablier de béton de Babylone il ne les approche pas il les fuit

le mal qu’ils peuvent faire aux êtres nés de l’ivresse transhumance est sans limites je l’ai expérimenté jadis quand je n’avais que des embryons d’ailes d’oiseau nocturne à mes moignons de pattes auprès des femelles fabricantes de momies embaumées de papier d’hygiène qui m’avaient alpaguée dans une des gares où je venais de poser mon sac ce qui m’avait amenée par là je l’ignore je voyage toujours à bord des trains de hasard et j’ai échappé belle à la cryogénisation de mes rouleaux de papyrus vivaces elles avaient installé des filets dans le lit de Nahr‑al‑Azrak un des fleuves à mémoire que les barques des poètes remontent à l’aube il suffisait au matin après leur sommeil de mort qu’elles y plongent la main pour y repêcher des poèmes d’eau rare de celle qu’on puise au ras du sable dans les aïn sur les rebords de l’Akakus

mes Carnets de route sur les genoux d’une gare l’autre je griffe les pages petits carreaux avec le rythme de la piste c’est une écriture en fragments forcés à la cadence des boggies et de ce que ça appelle dedans mon corps comme stridences il ne s’agit pas de noter ce qui se passe autour le hobo n’a rien d’un reporter de faits divers il a un corps qui écrit comme celui de l’homme qui marche et c’est ce mouvement qui rend l’écriture à la naissance du signe c’est ainsi que les marcheurs de pierres et de sables du Tassili N’Ajjer et de la Tadrart Akakus ont dû se déplacer de l’un à l’autre par la passe de l’oued Afar pour tracer de leurs doigts sur les parois des abris à peinture les Têtes Rondes symboles de leur existence signaux épiques cosmogonies fabuleusesSefar le grand dieu pêcheur

le “ grand dieu pêcheur ” avec son hameçon sortant du flanc empoussiéré d’ocre jaune ou “ le grand dieu des Martiens ” de Séfar ainsi que le “ grand dieu blanc ” qui est aussi le “ dieu des pluies ” et son nuage qui lui pleut comme les gracieuses antilopes rouges de Tamrit et le guerrier libyen de l’Aïr à côté de sa girafe scarifiée sont les signes témoins  d’écritures héroïques et sublimes qui ont en des temps de grandeur et de liberté quand les scribes et les peintres étaient des êtres animés de l’idéal de donner aux peuples une image d’eux‑mêmes qui les exhaussaient et les menaient au bord du rêve d’une réalité fabuleuse raconté notre histoire de marcheurs insatiables auxquels Ogo le renard pâle mon jumeau solaire nocturne et mézigue ne cesseront de boire et d’être pareillement altérés Tamrit-les-antilopes.jpg    

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12 avril 2014 6 12 /04 /avril /2014 19:07

La cohérence dans la fuitePetite pomme

Epinay, samedi, 12 avril 2014

 

Ouaouf !… tiens qu’est‑ce que tu bricoles par là toi ? y a un bail que cette anar de chienne Bonnie n’était pas venue faire un tour de ce côté de notre histoire vu que désormais c’est décidé je n’écris plus que par cette sorte de violence qui m’est faite d’exister en pointillé coincée que je suis que nous sommes ici nous la tribu des insatiables de la route privés de départ privés de chemins privés d’ailleurs…

 c’est qu’y a plus rien d’autre à faire qu’à dégoter la piste de transhumance l’unique qui fait que tout en étant bloqués au fond du terrier périphérique on se tire à l’aube quand les autres prennent leurs autos pour aller marner nous autres la Bonnie qui sonne le réveil dès les 4 plombes du mat en tirant sur la couvrante et en couinant comme un fennec des sables et cézigue les quinquets murés à tâtons j’allume pas j’y vais hop là ! cette année c’est la persécution totale le malheur à répétition entre les ahuris qui ont fait un brasier de la rangée de magasins qui avaient pas encore taillé la route dans notre Babylone béton et les contractuelles chargées de surveiller qu’on fait bien notre job de figurants dans la pièce qu’on répète depuis dix piges “ je cherche un turbin d’esclave n’importe lequel à n’importe quel prix ” sorties de leur sommeil de cent ans y’a de quoi s’inquiéter et se faire bouillir les neurones avec la soupe qu’on partage la chienne Bonnie et mézigue histoire de se caler dedans correct avant d’y aller… Ouaouf !

on a à peu près tout enduré ici en temps de paix dans un pays dit “ civilisé ” et je l’ai raconté dans notre blog souvent parce qu’alors c’était racontable et y avait Bonnie qui la ramenait régulier on cavalait la night dedans les rues craquées on farfouillait le tarbouif au ras des puits rares creusés à même le sol bitume on délirait trop on savait qu’il nous faudrait se tirer des pattes un de ces jour Ouaouf ! ouais on a tout enduré tranquilles vu qu’on appartient pas au clan des trafiquants de vies ceux qu’ont ratatiné nos vieux ouvriers consciencieux marneurs aux 3/8 poumons de pierre et paumes poinçonnées aux acides ils ont payé toute leur life ils ont crevé juste à temps pendant que les tauliers empochaient Ouaouf ! la belle vie hein ? leur retraite l’ont pas touchée pas un rond alors maintenant désormais c’est nous autres qui nous gavons des parfums des roses de leurs jardins et c’est pas demain qu’on nous la fera coupable…Beyrouth

ouais tout enduré la night de Babylone nous on ne roupille pas on attend les hélicos qui tournent des nuits entières et passent en rase motte au‑dessus des apparts ils font trembler les murs c’est Beyrouth on l’a dit tout endure un cordon de flics avec des dizaines de cars de police qui cernent le quartier ils nous empêchent de rentrer et de sortir toute l’après-midi pas aller chercher le pain et la Bonnie elle va pas pisser dans l’escalier quand même Ouaouf ! ils reconstituent un crime ça fait pas marrer des fois hein ? les règlements de comptes entre dealers et les interventions de la bac c’est minuit ils ont le carrosse banal avec les détonations des guns les cris les mômignards à côté qui se réveillent et l’autre qui commence son hurlement de louve bâtarde qu’on imagine… tout enduré les incendies incessants spécialité du coin le dernier en date c’est celui du café qui faisait l’angle que le taulier a arrosé d’essence avant d’y mettre le feu Bonnie surveille les allées et venues elle a l’habitude elle nous réveille toujours avant c’est la parfaite chienne fantôme…

et puis voilà cette nuit de dimanche ils sont passés à la vitesse supérieure on dormait profondément pour une fois quand on a été réveillés en sursaut par une explosion toute proche qui a fait vibrer l’immeuble et carillonner les doubles vitrages et nous a fait bondir hors du page comme des fous la chienne Bonnie qui avait rien vu venir pour le coup était déjà scotchée contre le carreau elle aboyait si tellement qu’on se serait crus dans un zoo avec l’éléphant qui défonce la porte pour calter le plus loin possible des malfaisants gardiens des clefs un cirque que c’était l’impensable on pouvait rien dire on était à poil à peine sortis du pageot Ouaouf ! Ouaouf ! les flammes c’était dehors immenses le magasin en face l’autre côté de la rue un cratère volcan des tourbillons d’orange des grosses fleurs de feu on les devinait parkrisengebiet la fenêtre toute la toiture bitume qui fondait glougloutait liquide le long de la rangée des boutiques les langues de fumée anthracite grisou qui nous enveloppaient à pas reluquer à un mètre et l’autre qui en rajoutait dans l’atmosphère de la fin du monde nucléaire on pouvait pas la faire taire elle était à la porte elle grattait elle allait nous forer un terrier par en dessous fallait se saper et y aller vite fait on pouvait tout craindre…

ce qu’y avait le long des blocks de l’autre côté de la rue c’était une série de petites boutiques boulangerie boucherie hallal pharmacie taxiphone laverie automatique épiceries arabe et chinoise… le tout avec ce toit en bitume qui nous informait s’il avait gelé la nuit le matin il était tout blanc la patinoire à pigeons quoi la plupart des gens de ce recoin de notre Babylone béton ils les fréquentaient pas mal surtout les vieux qui ont des difficultés à marcher et puis là‑dedans ils pouvaient obtenir un peu de crédit des fois tandis que dans les supermarchés faut raquer ric‑rac comment on peut hein ? vu l’ampleur de l’incendie qui éclairait chez nous comme en plein jour et le bazar que nous fichait la Bonnie en furie elle était déjà dans l’escalier y avait pas qu’elle la moitié du block qui descendait cavalait ça avait réveillé tout le monde forcément 4 heures du mat celle où on plonge d’habitude avec la chienne la musette et le casse-dalle sur l’épaule direction la cambrousse et le jardin de transhumance mais pas ce jour‑là justement vu que c’était celui de la traque des contractuelles du no alternative qui démarrait pour cézigue début d’après-midi alors…

on s’est refringués vite fait sur les paliers les gamins réveillés pleuraient et en bas tout le monde matait les voitures de flics pas trop près les pompiers comme des géantes abeilles qui sortaient des camions rouges cinq ou six faut dire que notre Babylone béton est connue question incendie on crèche sur un volcan tout le monde sait à épisodes ça pète faut pas rire Ouaouf ! les gens étaient comme nous ahuris moitié ronflant moitié cauchemar moitié dodelinant dedans le manteau passé à la hâte et les godasses pas attachées si c’était le gaz des fois faudrait sortir les gamins vite fait ça s’est vu… la Bonnie s’était ruée elle avait pris la tangente tourné le coin de la rue le premier on la distinguait pas avec la fumée champignon qui nous coulait aux paupières on ne pouvait pas rester fallait calter de là malgré les foulards sur la bouche on respirait pas Ouaouf ! les gens comme nous ils comprenaient rien à ce qui arrivait muets face au brasier d’or qui progressait rapide par le toit on entendait marmoner des bouts de mots “ c’est le gaz c’est le gaz… ” rapport à l’explosion qui avait été bien énorme bien prodigieuse nous juste au‑dessus en face on pouvait témoigner tout le monde était convaincu c’était une le gaz il allait se répandre par les chaufferies et tout faire sauter Ouaouf ! et la Bonnie courageuse comme personne qui avait tracé on ne sait où c’était pas bon signe faut dire

les gens des autres blocks sont descendus aussi et on s’est retrouvés tous les affreux dans la rue en pleine nuit silencieux et atterrés pendant que les pompiers se coltinaient les flammes qui ont embrasé les boutiques autour de celle qui avant explosé en un rien de temps c’était bien Beurouth demain on allait encore causer ça serait notre faute on était des bons à rien des malotrus des incendiaires et le malheur comme un lourd manteau de verre se posait sur notre dos on avait froid dans le mouillé de l’aube malgré les bouffées torrides qui claquaient du bec et la langue noire des monstres on grelottait un peu après la peur épaisse c’était la tristesse ordinaire qui revenait les gens essayaient de se mettre à l’abri de la fumée tandis que les médecins du Samu couraient en direction de la boutique incendiée où quelqu’un était blessé on savait déjà qu’ils allaient appeler ça un fait divers Ouaouf !

on a passé plus de deux heures dehors dans le froid bien vif avant de pouvoir rentrer dans l’appart car évidemment il ne s’agissait pas d’une fuite de gaz et les flics nous ont dit simplement de ne surtout pas ouvrir les fenêtres à cause de la pollution des gaz brûlés si des fois on avait eu idée respirer un petit peu d’air frais à 4 plombes du mat à Babylone béton hein ? pas la peine d’attendre de faire planton en bas des escaliers la chienne Bonnie ne reviendrait pas elle avait repéré le danger avec ses mirettes infrarouges et maintenant ça me revenait qu’elle avait fait le cirque du côté de minuit elle était restée longtemps vigile le pif au carreau avec des petits grognements et si elle s’était couchée pour finir au pied du page c’est que ce qu’y avait en bas qui l’inquiétait lui était familier elle connaissait le monde quoi… Ouaouf ! on a causé de ça un moment en avalant un café brûlant et en regardant les pompiers qui en finissaient pas de venir à bout du brasier et qui s’attaquaient aux rideaux de fer à la hache et aux faux plafonds par où le feu se communiquait sans cesse aux autres boutiques plus loin encore plus loin et moi je suis restée là à surveiller les opérations par la fenêtre jusqu’à tomber d’épuisementbear-attack-4

j’ai pas dormi le restant de la night y avait les gens qui partaient marner et j’ai pensé à l’époque où j’avais quitté le repère de mes vieux à 22 piges je bruissais de toutes mes petites feuilles d’une mélodie du désespoir que seuls les arbres connaissent et les oiseaux nocturnes aussi sans doute j’avais un corps si tellement hors d’existence si tellement bourré de maladies qu’il ne pouvait rien m’arriver d’autre je ne pouvais pas avoir peur parce que tout ce corps était taillé à même la peur il en crépitait la nuit je ne dormais pas j’éclairais de loin et la chienne Bonnie l’anarchiste était la seule que ça ne dérangeait pas elle c’était l’odeur alors Ouaouf !  j’ai retrouve ça dans les nouvelles de Bukowski le hobo de l’Ouest américain et si ce qu’il écrit me saoule parfois à cause de cette complainte qui se complait à la répétition interminable du glauque et de l’effroyable inhumanité des êtres je sais pourtant que c’est vrai et qu’il l’a vécu et que tout son corps déchiqueté de furoncles n’est rien d’autre que le refus macérant dedans sa chair de la violence que son vieux lui envoie chaque jour.

le corps il se remet jamais de ça mais il finit soit par s’autodétruire à la came à l’alcool à la folie soit par l’insurrection totale de sa barbaque en fusion à se tirer de lui à ne plus y être que de passage nocturne évidemment ils dorment tous… à être le figurant de soi‑même un soi‑même et sa caricature banalisée inrepérable c’est difficile à écrire parce que c’est aussi constitutif de mon être que mon sang comme Artaud le disait du Théâtre qui se doit d’être un Théâtre du sang et que la course n’a jamaistables de sable Tireli-copie-1 commencé elle était dans mon corps qui a refusé d’appartenir aux simulacres du clan et qui n’a pas cessé de traquer un lieu où y ait pas d’héritage à se coltiner Ouaouf ! ce besoin fulgurant c’est celui que devait ressentir Céline peut‑être d’avoir à s’échapper à mettre le plus de distance possible entre les deux créatures en souffrance celle qui attend le passage rituel du renard pâle et celle qui est déjà loin quitte à n’avoir rien fait d’autre que perdre encore un peu sa propre trace dans le sable.

 

la traque a commencé c’est l’après‑midi ce qu’il me reste d’être social se retrouve effaré dans la salle d’attente de PE y avait deux ans que la traque s’était arrêtée marquait la pause qu’on me lâchait moi et la chienne Bonnie qui attend dehors à la lourde il fallait s’attendre… c’est n’importe quoi d’être venues se planter avec ce qu’on sait dans une banlieue bourge et des tourbillons de jardins des serpentins de glycines en fleurs des greffes qui ont pas peur et qui zonent pépères entre les touffes d’hortensias ce qu’on est venues faire là alors ? y a pas un endroit où on est plus visible quand on fait cigale que chez les rupins là où les pauvres ont tous un job de pauvres et les perceptrices du pôle ont des yeux loupes comme les mouches qui nous reluquent énormes même planquées dessous nos pelures d’oiseau de nuit elles nous loupent pas Ouaouf !

y a deux choses qui me tortillent les boyaux quand je reprends la défroque d’une personne ordinaire qui cause à une chienne fantôme devant une porte de verre ce sont les lieux aux murs peints en gris où il n’y a que des femmes ou quasi à l’intérieur… le gris c’est la couleur qui est pas noire qu’on retrouve dans tous les lieux d’enfermement et la présence d’un personnel singulièrement féminin ça signale obligé qu’on va être soit remis dans sa couche culotte soit considéré comme malade incurable gâteux crétin coupable mendigot Bonnie le sait elle peut pas piffer non plus ce sont les mêmes qui traquent les clebs de la Babylone béton et les bouclent dans les cages avant le grand voyage pour nulle part Ouaouf ! y a que gardien de prison militaire de carrière huissier et bourreau qui est l’équivalent en mâle mais on n’a pas eu affaire forcément… je donne la consigne à Bonnie de pas bouger de là je vérifie en entrant qu’y a bien une autre porte que celle‑ci et je me retrouve avec mon gros carton bourré de paplars de dix années de farniente dans l’antichambre des voix sans issues avec une trentaine d’autres figurants ahuris et dont le corps renifle la sueur de trouille à l’approche…verrerie.ouvriers.2

et voilà ça recommence c’est normal c’est pas un monde où on peut être poète jardinier hobo des trains de nuit et percevoir en prime une alloc de 480 euros de moyenne mensuels depuis des lustres hein ? mon corps grenouille de partout on l’entend coasser du fond des couloirs mais comme je l’ai laissé occupé à replanter des asters rouge sang dans le coin du jardin où y a les framboisiers et aussi un pied de pivoine rose vif au cœur café crème j’ai pas de soucis le problème avec notre petit jardin c’est que pour mener à bien notre projet de buttes et de permaculture il nous faut du bois des gros rondins si possible et justement hier on a obtenu la permission de débiter un chêne mort cet hiver couché parmi les taupinières et les terriers des lapins sauvages Ouaouf ! c’est le corps encore vivant de l’arbre et l’esprit la nyama du griot qui l’habite qui va nourrir notre terre aussi longtemps que le rituel de transformation pourra se poursuivre et c’est ce travail que mène obstinée la Pacha Mama depuis des temps considérables qui fascine mon corps transhumant coincé en ce début de printemps fabuleux entre quatre murs gris au milieu d’êtres zombifiés que même la chienne Bonnie ne renifle pas car ils n’ont pas d’odeur

j’ai pas su ce qui s’est passé pendant le temps du rendez‑vous j’y étais pas etitinerant-men-aka-hoboes-waiting-w-their-bindles-to-illegal la partie apparente de moi qui faisait le job comme d’autres font la plonge en sous‑sol pendant que la clique des nantis bâfre au‑dessus est restée accrochée au vestiaire… Bonnie la chienne qui montait la garde devant la porte principale a pigé aussitôt en me voyant soulagée ressortir en entier de la box en verre béton qu’on va devoir calter à nouveau de ce lieu verger humide et doux qui entoure la petite piaule meublée où j’ai rangé mes cahiers d’écriture mes bouquins mes peintures et les lettres des gens qui n’ont pas perdu l’adresse… la traque vient de remettre ça va falloir chercher une nouvelle cave‑vigie mieux planquée faute de pouvoir dire à la contractuelle de PE que j’ai pas le temps pour ses histoires de EMT ( évaluation en milieu du travail… ) vu que je fais poète quatre jours et jardinier les trois autres et qu’en plus je ne dors pas tellement la nuit à cause de Bonnie et des trains et des gares… hein ? Ouaouf !

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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 21:36

Nothing left to lose Commandante

 

       Hugo Chavezchavez-viejita-300x287

il y a un an que… le visage de cet homme à Caracas tourmenté ses yeux découpés collés dans son cahier d’écriture pour ne pas oublier justement un mois avant… ses mots à lui rien que les siens et ceux de tout un peuple pauvre méprisé aliéné sorti de sa nasse et grandi regardé advenu aimé… ses mots “ Presidente ne nous abandonne pas… ”

les larmes de cet homme cet espoir qui s’enfonce divague retourne au néant cet espoir qu’ont eu des êtres simples comme elle ces gens à qui on accorde aussi peu d’importance qu’ils s’en accordent eux‑mêmes pas d’illusions non il y a longtemps que… mais un espoir que la manière fraternelle humaine solidaire d’exister cet autre visage de l’homme quand par inadvertance il se risque à la montrer le dépouiller de sous le masque neutre blanc figé de l’indifférence qui hiérarchise et qui tue avait trouvé l’âme vive qui possédait la force qu’il faut celle qu’on réserve aux dieux pour que la vie l’emporte enfin sur le chaos de l’imbécillité financière et morbide

combien de temps il leur a fallu un an pour jeter bas quinze années de volonté populaire commune de foi dans la grandeur des êtres de discernement poétique et politique d’intuition généreuse quinze ans de combats pour et aux côtés du grand fleuve sans mémoire qui n’en finit pas de s’écouler portant sa peine pour qu’il sache qui il est et de quel lieu il chavez para siemprea pris sa source souveraine de quel territoire lui vient cette parole emmurée dedans sa gorge son ventre ses poings qu’on vient de lui rendre et qu’il peut brandir sans peur et qu’il peut revendiquer

elle se dit qu’il leur a fallu un an depuis que le Commandante Chavez est mort depuis qu’ils l’ont tué… ça n’a rien à voir avec leur lutte à eux ceux des années heureuses… non rien lui il luttait pour tout un peuple pour tout un monde et pourtant ce qu’ils avaient en commun c’était la jeunesse du monde juste ça

Janis… Me and my Bobby Mcgee… juste avant de partir encore une fois cette gare ces trains ces durs au museau de suie depuis toujours qu’elle existe elle les suit et s’ils ont changé de tronche dans la sienne y a rien qu’a bougé depuis que Célestin son grand‑père s’est mis en retrait de son savoir‑faire de conducteur de locomotives des quais avec leurs rails d’argent bleu dont elle ne voit pas le bout ce qui lui plaît sacrément de la Gare d’Austerlitz à la Gare du Nord les odeurs fabuleuses brutes sorcières aux déCommune de Pariscoctions maléfiques de ses premiers envoûtements café crème tabac amer et même quand un jour bien plus tard on lui fera prendre un train pour calter loin de chez elle mais qu’est‑ce que c’est chez elle ?

hobo des banlieues c’est là qu’elle veut croire à sa liberté jamais encerclée cernée par le fil barbelé qui leur a à tous entortillé le cœur… Janis… à peine elle l’entend et c’est la galette de Pearl qui lui remplit les quinquets avec la joie frénétique qui démarre et qui reconnaît aussitôt le territoire qu’elle n’a pas quitté. comment c’était ce temps inattendu improbable une déferlante Big Brother and the holding Company 1967 au Monterey Pop Festival elle peut juste l’imaginer mioche qu’elle était. comment c’était l’Avalon Ballroom au 1268 Sutter Street San Francisco et ce white blues qui commençait à te glacer la gorge pareil qu’un granizado de limon à la table d’un bistrot de Tolède où tu n’iras pas

Freedom’s just another word for nothing left to lose… la langue des Yankees elle ne l’aime pas elle lui arrive par éclats les mots qui la traversent la lavent du présent la remémorent splendide fulgurant le temps de rien le temps de tout le temps d’y croire c’était juste tout juste ça l’envers de ce que c’est devenu là tout de suite parce que les survenus d’aujourd’hui ils ont toHippiesut à perdre vu que sans leur gros paquet de choses ficelées il existent pas

les paroles de cette chanson qui lui collent encore sans cesse à la peau La liberté est un autre mot pour dire qu’il ne nous reste plus rien à perdre… Janis… nous avons eu une jeunesse totale solaire généreuse extrême folle assoiffée nomade grandiose rebelle idéale lumineuse une jeunesse de bâtisseurs de mondes

 

Hugo Chavez

pourquoi est‑ce qu’aussitôt qu’elle pense à lui plusieurs jours que ça lui revient lancinant elle replonge dans ces années à Babylone City un peu après le grand plaisir le grand commencement de Mai ils n’y ont pas joué le rôle des aînés ils avaient à peine démarré l’adolescence et leurs vieux ils y appartenaient tous au lumpen proletariat fallait voir… pourquoi elle revient à ça quand l’image du Commandante Chavez surgit à l’improviste parce qu’ils en faisaient partie eux à l’époque de cette population effarée laborieuse aux humeurs brutales et qui ne savait rien ou presque de ce qui la tenait en laisse muselée

leurs vieux allaient marner sans se poser de questions parce que c’était leur destin d’ouvriers y avait pas de syndicats pas de lutte des classes et surtout pas de classes dans cette marée de la petite banlieue jamais rouge résignée besogneuse la seule pensée politique avalée à chaque tour de pendule à chaque carte enfoncée dans la pointeuse c’était celle du patron et des contremaîtres on la croira pas et pourtant c’était comme ça ils ont été la première génération la leur année 75 à remettre en cause l’abrutissage l’endormissage des peuples et ça ne s’est pas passé dans la douceur les vieux cognaient fort et personne ne les a aidés personne

Janis… elle n’avais que quelques années de plus qu’eux c’était la génération du Flower Power elle n’imagine pas ce que leurs vieux auraient brandi s’ils avaient tenté de se saper comme ça les plumes roses les perles les bijoux les tatouages ils avaient d’un coup conquis une liberté impensable ils avaient fait sauter tous ces interdits avec leur corps jeté à fond dans l’ivresse de la vie de la joie du désordre enchanté après l’ordre absolu de la tuerie… ce bonheur de vivre c’était tout ce que leurs darons refusaient il fallait commencer par là

Ils étaient à l’avant‑garde de leur temps à eux dix ans d’écart à peine les séparait mais quand elle a écouté Me and my Bobby Mcgee Janis la première fois était déjà morte la came venait de commencer à offrir au peuple qui ignorait tout des outils de la soumission une autre sorte de muselière après la guerre bien plus insidieuse et radicale que l’aliénation laborieuse mais tout aussi prometteuse et ses promesses elle elle les honorait cashjanis

hobo toi aussi tu l’as été Janis à ta façon même si ça n’a duré que quelques mois de ta life si courte le train Festival Express c’est l’été de 1970 il traverse le Canada Montréal Toronto Winnipeg et Calgary avec à son bord toi qu’on appelait déjà Pearl Delaney et Bonnie Buddy Gui Ten Years After Grateful Dead The Band et c’est toi qui envoie les appels déchirés qui dévorent les braseros du vent sur leur passage de cet oiseau géant aux plumes roses Tell Mama ça reste ton cri trois mois plus tard pile l’oiseau retombe en cendres dans l’océan… avec mes frangins morts d’overdose vous formez une sacrée troupe de migrateurs bondis dehors du chapeau de l’illusionniste juste à point pour ne pas vous faire becter par la société du cirque

 

Janis aujourd’hui aussitôt qu’elle l’entend ces années 75‑76 elle sait qu’on ne lui a rien retiré et qu’ils ne pourront jamais lui prendre ce bonheur‑là leur chevauchée sauvage leur échappée pleine de sens qui a nourri chaque jour ailleurs la conscience qu’ils avaient d’être les porteurs tout neufs d’un héritage différent

Nothing left to lose c’était ça leur réalité et pas autrement ils n’avaient rien à perdre parce qu’ils avaient rien que leur jeunesse haletante et démesurée et ils étaient aussi légers que les oiseaux du ciel

Janis… Bob Marley… les mots flagrants éclatés dans leurs têtes d’enfants têtards avec du sang de jaja rouge dedans dans leurs paluches larges la paume épaisse dure déjà la corne des paysans ouvriers ça se perd pas et dans leurs guiboles la frénésie des routes bondir vagabonds ne pas mettre un pied dans la soute jamais ! les mots comment ils leur sont arrivés au creux marteau‑piqueur et aiguille machine à coudre de leurs enfances laborieuses adolescences fugueuses à géant tumulte à oraisons de production de masse dont les sirènes mutantes rappliquaient leurs gamelles bourrées de came à ras bord contre partie obligée aliénation sublimeexposition la vie quotidienne des ouvriers du textile dans

ses poteaux… leurs darons étaient ouvriers prolos qu’on disait ça promettait du bon… Mario le bricoleur des mobs son paternel trimarde aux retouches des peintures carrosseries à la Peugeot d’Aulnay Ernesto dit Che le poète qui fait cracher à la ronéo des tracts anars à la pelle fils de jardinier balayeur mareyeur des caniveaux et sa darone turbine aux parfums au‑dessus des cuves à L’Oréal avec la vieille de Brigitte responsable de la tortore on l’appelle Salomé c’est mieux la classe la copine de Fil le psychopathe chef de tribu lui son vieux se sucre comme celui de Markou son camarade le théâtreux qui lutte pour sauver ses pognes de la fraiseuse et sa mother itou aux Régliss’mint de la Kréma les 3/8 du mâchonnage !

la darone de Fil se farcit les ménages chez les bourges avec celle de Titine et de Christina elles vont au ravitaillement de ce qu’ils ont besoin avec le caddie double fond ses vieux tous les deux échappés à la moulinette à Franco son daron marne manœuvre aux chantiers vagues interminables de Babylone City Jean‑Marie dit Jehan la brute qui hésite entre eux et la bande des casseurs d’apparts et des tireurs de bécanes a son vieux qui fait tourneur fraiseur chez Mécano sa vieille c’est une feignasse elle travaille pas juste elle se fade l’élevage gavage lessivage des sept lascars pendant que la daronne à Patricia sa meuf mais ils l’ont raccourci Patchouli depuis qu’elle s’est fait prendre arpette au coiffeur c’est la gardienne du block tout le jour vautrée dans la marée haute des poubelles jusqu’au cou

Femmes remplaçant les mineursses poteaux… elle pourrait raconter totale la cité comme ça des heures mais y a pas le lieu pour le faire alors… Patchouli ses vieux sont des ritals logique le daron s’agite à la truelle dans les cabanes du coin il les monte par bouts les unes derrière les autres et pour faire passer l’épreuve de la poussière de ciment la pire il s’envoie la cuite assumée au zinc

Thierry dit Titi c’est le plus jeune de la tribu des Indiens de la zone 15 piges au compteur et son dab qui bosse conducteur d’engins et manut chez un grossiste en fromton œufs yaourts pour dire que chez lui quand on pousse la lourde ça renifle le lait caillé et les p’tits sont nourris gavés au calendos gratos sa pote Marinette Nénette on se doute c’est l’étrangère de la tribu mais juste un peu vu qu’elle a radiné de St Etienne et comme crèche à misère on fait pas mieux surtout que pil poil ses vieux ont logé dans la rue qui longeait la prison Bizillon où son paternel trimait gardien et voilà il en fallait un qui lui raconte que dans la boîte qu’on appelait la pension fourchette y avait eu comme invités des gonzes de la Bande à Bonnot et même aussi Ravachol… Nénette perchée sur un tabouret reluquait les prisonniers qui lui faisaient des signes de l’autre côté des grillesouvriers-espece-proteger-L-BJgx4O

La mère de Nénette qui avait pas dû supporter l’atmosphère s’était tirée avec un marchand de fruits‑légumes ambulant en laissant les trois frangins à faire becter et Nénette avait joué les mères de famille à 13 balais sans en vouloir à personne ça leur faisait un sujet de causerie en commun avec Titi dont la mother avait trissé peut‑être à cause de l’odeur du fromton sans doute avec un chercheur d’or vu qu’il recevait des fois des cartes postales de la Guyane et une fois bien bourrés à la Kro on les entendait s’envoyer des putain ! salope ! avant de roupiller la tête de l’un sur l’épaule de l’autre

ses poteaux… ils avaient eu plus de torgnoles que de beignets aux pommes au dessert dans un sens ça s’expliquait vu que leurs vieux ouvriers du labeur aux cadences en délire des seventies se faisaient redresser par les contremaîtres et la chefferie ils connaissaient pas la tendresse et les sucreries faut l’dire et une fois chez eux ils reprenaient le gouvernail du rafiot ils enlevaient pas le bleu c’était leur costume de scène ils étaient seuls comme des héros et même la vieille donnait pas la réplique… ce peuple‑là héritier d’une histoire inconnue et qui n’avait jamais été le héros de rien à ses yeux qui allait un jour accepter de lui rendre justice ?

 

Hugo Chavezcastro chavez

avec le suicide assassinat de Salvador Allende en septembre 1973 au Palais de La Moneda à Santiago et l’assassinat de Che en Bolivie octobre 1967 elle remonte la pente engagée avec la tuerie sacrificielle de Patrice Lumumba massacré par le Katangais Moïse Tsombe en 1961 qui mène jusqu’à octobre 1987 la fin du mouvement des rebelles panafricanistes et tiers‑mondistes africains et américains du Sud avec l’assassinat de Thomas Sankara et la fin de ce qu’ils ont cru être leurs rêves… ils étaient la génération des rêveurs d’aubes lunaires qui prenait la suite de celle des acteurs poètes solaires amants du peuple matinal Jean Sénac criblé de coups de couteaux dans sa cave‑vigie le dernier jour d’août 1973…

eux ils y ont cru de toute leur force de tout leur élan et de toutes leurs passions nouvelles d’enfants des rues de la périphérie que les Africains et les Latinos étaient leurs frères de sang et que le monde qui allait arriver et les éblouir tous serait de cette couleur café crème qui était la leur celle du mélange de la traversée du voyage ils y croyaient aux trains de nuit hoboes ils n’avaient ni billets ni destination ils dormaient entre les banquettes ils arrivaient chiffonnés en vrac ahuris n’importe où c’était ailleurs

Allende 11 septembre1975… peu importent les dates ses poteaux… la came avait déjà tout ravagé infesté overdosé y a que ceux qui ont sauté dans le dur sans regarder derrière qui n’y ont pas laissé leur peau anars tous ils l’étaient la conscience de classe elle avait radiné vite fait avec les boulots galère coursiers nettoyeurs d’avions femmes de ménage dans les tours de la Défense la night fallait pas compter sur les syndicats pour les mettre au parfum de leur côté ils y fourraint pas leurs arpions l’anarcho‑syndicalisme la Brigade Durutti La Makhnovtchina eux ils savaient déjà à 20 piges qu’il y a un combat à mort et sans répit contre ceux qui ont toujours eu la haine à l’égard des peuples qu’ils traient colonisent enchaînent asservissent abrutissent transformant définitif l’épopée des Communards en une partie de joueurs de loto

Hugo Chavez

1985… terminé le rêve est rentré dans sa niche il leur a fallu dix ans pour transfoles-hippies-copie-1rmer le monde en un cauchemar de vieillards guerriers et avides et la chanson de Janis… Mercedes Benz devenait prophétie moqueuse de leur impuissance… Oh Lord, won't you buy me a Mercedes Benz ? My friends all drive Porsches, I must make amends. Worked hard all my lifetime, no help from my friends, So Lord, won't you buy me a Mercedes Benz ? Oh Seigneur, tu voudrais pas m'acheter une Mercedes-Benz ? Mes amis roulent tous en Porsche, Je dois me rattraper. J'ai travaillé dur toute ma vie, sans aide de mes amis, Alors Seigneur, tu voudrais pas m'acheter une Mercedes-Benz ?

pourquoi revenir à Babylone City c’est ce qu’elle s’est toujours demandé mais il y avait une cible flagrante idéale somptueuse un autre combat avec en ligne de mire les rails d’un train de ligne pour Caracas… Caracas un train ? mais c’est de l’autre côté de l’océan hein ? peu importe hobo à bord d’un de ces cargos bourrés de marchandises avec escale à Cuba obligé ! Ouais elle le savait quand elle a vu le Commandante serrer cette vieille femme pauvre dans ses bras c’était là‑bas il y avait un type qui venait de rallumer la petite combure à l’intérieur des cabanes de tôle elle lui a rappelé sa  grand-mère paternelle Rosa Inés Chávez qui l’avait tenue auprès d’elle dans on enfance et la petite maison en terre battue au toit de chaume

1975‑1985… dix ans pour tuer un rêve c’est peu et c’est énorme à la fois là il ne leur aura fallu qu’un an pour que les peuples sachent qu’ils vont devoir se battre seuls face à la muerte pour poursuivre la route que celui qui les aimait a marqué d’un simple cairn signe de son passage et de sa confiance en eux

Merci Commandante Chavez tu es des nôtres Hasta la victoria sempre !chavez died-9182f 

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8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 17:48

Hara‑Kiri tuer les fils ?Cavanna.JPG

Jeudi, 30 janvier 2014

 

“ Jamais, sans doute, la plupart des gens ne s’étaient rencontrés avec autant de facilité et d’allégresse. Notre joie et notre rire : voilà ce qu’aucun des témoins attitrés n’aura su dire, comme aucun compte rendu n’aura rendu justice au plaisir que nous avons connu.

Ce plaisir‑là ( que d’aucuns appelleront jouissance ) participait de la dépense de soi, faite sans compter, dans la fréquentation haletante de l’intensité. ( … ) Nous étions épuisés de bonheur. Nous sortirons de la défaite avec l’envie de mourir. ”

 

“ Mai ­68 à l’usage des moins de 20 ans ” Jean‑Franklin Narodetzki 

 

jeudi, 30 janvier 2014 aujourd’hui Cavanna est mort. lente enfance qui s’efface c’est nous qui perdons notre trace dans cette suite de couloirs qui colimaçonnent à une vitesse de faucon ciblant sa proie et en même temps tout est immobile lui savait ce que nous sommes maintenant loin de la maison commune où orphelins des rêves des nôtres on avait ensemencé des sillons de démesure creusés aux flèches de nos sarbacanes impatience et au grand feu des jacqueries fait cuire des mottes de gros pain de terre brute et des tessons d’argile durs

nos ostraka surgis là poèmes matinaux témoins de l’urgence lente de la joie c’est à la mort d’Hara‑Kiri années 80 qu’ils ont fini de s’entasser eux aussi aux croisements des routes où on les déposait afin de ne pas se perdre en même temps que nous pétrissons un monde sans misère nous sortis de la gargote des gueux nous l’écrivons y a toujours quelqu’un pour noter à flanc de papiers brouillons tâchés de confiture au dos des affiches des Terres en Péril les affiches passées aux trois couleurs de la ronéo qui les a gardées ?

dépiautées en ribambelle par les chiens coyotes sauvages du village en ruine notre refuge de feu elles ont nourri les poules errantes aux œufs rares sur la table couverte de vaisselle sale y a toujours un scribe qui écrit on sait que ce qu’on vit sera aussi rare que les œufs ?

non ! on croit être au début d’une histoire heureuse qui va grandir comme un enfant sans peur retiré aux interdits des familles à mort où on a été mis au courbouillon des litanies religieuses la couveuse du malheur avec morale militaire et hymnes aux cadavres il est interdit de se moquer du monde !

1969‑1976 de 13 à 20 piges tenir à jour la naissance de l’histoire parce que ce qu’on écrit pas on n’est pas sûrs que ça existe dans la tribu commune y a une demande d’un scribe obstinée c’est nouveau là d’où je viens ça faisait rire j’endosse ce rôle déjà toujours le seul qui m’aille dans le lieu de l’enfance défaite le pensionnat stalag des bonnes sœurs j’envoyais des lettres de désespoir et d’outrage à des gens qui ne les recevaient jamais et j’attendais toutes les nuits que quelque chose de terrible arrive et me sauve c’est arrivé en catimini à pattes de lune sur le planché ciré par une vieille carabosse tordue et c’était l’écriture et c’était déjà le déjà imprimé sur poussière et gravats météores fracassés des tables de sable notre désir tison inaccompli

1969 si Hara‑Kiri existait je n’en savais rien et dans le stalag Notre‑Dame des Anges on était fouillées à l’entrée et à la sortie y avait pas moyen à 13 piges je ne soupçonnais pas qu’on peut mettre en scène la bêtise qui grignote et la mort qui rôde dessous les robes des fantômes noirs mais j’apprenais vite au gargouillis des rigoles assoiffées buvant mes pleurs ne laissant que le sel sur la langue qu’on a comme seule issue à notre condition d’oiseaux de nuit de faire de tout dérision et désordreHaraKiriAveugle1.jpeg

1976 on croit être les éclaireurs d’un épopée fertile aux moissons d’abondance jamais promises par nos vieux ouvriers aigris qui ne transmettaient pas le goût de la lutte ils l’ont jamais eu et qui nous juraient jour à jour d’en baver comme eux c’est pas demain c’est déjà on le décide on le fait on le trace sur la peau d’enfance ancienne de nos Terres en Péril on l’incarne on le vit on le poème on l’écrit dans la même cadence de douce frénésie en même temps d’outrance démuselée c’est le grand commencement

1978 les Ritals un paternel maçon avec des noyaux de pêche et des mètres reconstitués bout à bout dans la musette un vieux gentil qui vous invective pas effondré devant la téloche à peine que vous mettez vos arpions dans la cambuse ça se peut ? nous liquidons nos enfances enfermés dans les cellules des états sans grâce privés d’idéal avec juste assez de fureur pour se dire que les pères tueurs guerriers la tatane à la main ont enfanté une tribu de fils et de filles qui ne sont pas de leur sang d’esclaves de leur lignée de bourreaux victimes de leur destinée troupeau charnier paluches de la classe ouvrière bonnes à produire et à étriper

nos vieux ignorants chargés à la Kro et au Préfontaine ont réussi une tribu d’oracles insouciants qui ont choisi de rompre avec l’évidence lucide aveugle de l’homme en souffrance et son caillou qui l’attend à la consigne monter monter plus haut et crever là nigaud crétin et l’autre en bas toujours recommencer nous on choisit d’arrêter ça soudain tout de suite ne plus rien prédire et fabriquer un rêve quotidien aux envergures de lucioles

1971 à 15 piges sortie du pensionnat stalag autiste je n’ai rien oublié de la folie de Mai oser dire non à nos jupes plissées bleu marine aux genoux risquer la torgnole à demander un pantalon velours pattes d’Ef reconquérir le droit de l’ouvrir premier combat si Hara‑Kiri existait c’était pour dire la rupture énorme avec nos corps mis en berne avec nos esprits bornés avec nos vies bernées avec nos récits ressassant l’insignifiant autorisé fin du petit homme claquemuré dans sa petite cage avec sa petite gamelle d’amertume mesurée muette et survenue du colibri aux ailes de messager joyeux fricassant le bien dire penser écrire abject tarifé vide d’envol et bourré de morale de classe vicieuse vivace

1976 à vingt piges si Hara‑Kiri existait c’était pour dire que nous la première tribu des fils à ne pas vouloir singer les pères on allait leur éviter de nous envoyer à la guerre l’Algérie ils ont bien essayé une dernière fois mais ensuite la tribu était passée par là insoumise totale civile et militaire sa houppelande de fleurs des champs remplaçant le treillis et les chaussettes à clous c’était nous déjà encore on allait les laisser mourir de vieillesse et de rancœur lasse rivés à leur laisse silencieux et violents on n’avait même pas eu envie de les tuer sauf par les mots que le scribe solitaire notait notait mais ils ne les ont jamais reçus

à bord du village communautaire ils disaient communiste en roulant leurs quinquets haineux de nos Terres en Péril on osait leur envoyer en plein tarbouif qu’on ne voulait rien d’eux qui nous avaient maudits et traités de chiens que c’était raté ils n’avaient pas fait de nous des assassins convenables des soldats inconnus des mendiants rassasiés

1976‑1980 bâtards lunaires Indiens échappés des réserves gentils enfants d’Auber au bout de nos Terres en Péril on attend tranquilles que leur échafaudage absurde et décadent se ramasse se défasse on est au début de la plus fulgurante des aventures celle de la parole déchaînée qui prend la route de la parole rebelle populaire c’est notre histoire qu’on écrit celle de la canaille eh bien j’en suis ! et on ne se doute pas qu’il nous faudra après avoir liquidé la brutalité des pères se coltiner l’indigence monstre l’indifférence méprise des fils et des filles déjà à venir HaraKiri14.jpg

la tribu nouvelle pour qui nous étions des hippies qui n’avions pas de place dans la suite qui s’annonçait grandiose d’or et de factice à consumer illico n’a pas eu à lutter pour ne pas partir au turbin fraiseur tourneur polisseur chaudronnier manœuvre petite‑main bobineuse femme de ménage caissière vendeuse standardiste pas partir au casse‑pipe pas servir de ventre pondeur génitrice ingénue corps vendu corps saigné corps perdu corps volé pas eu à choisir entre un monde d’hommes dignes scribes de leur histoire farouche quêtant leur destin à la croisée des routes où s’échangent entre les voyageurs du grand commencement les ostraka poèmes de carton et un monde de petits boutiquiers se matant dans le miroir à l’infini de l’image la même partout la leur l’unique ils ignoreront tout des stalag pensionnats des valises vidées des bouquins confisqués des lettres jamais envoyées et du vol à perdre haleine du colibri frondeur

1981‑1986 tuer les fils alors ? si Hara‑Kiri a cessé d’exister dans ces années‑là quand nous avions trente piges et que nos Terres n’ont plus été en Péril mais achetées par des marchands de tourisme authentique pour possédants audacieux méditant sur leur sort de bourgeois paysans baroudeurs mais juste l’été le long des chemins des Camisards c’est que l’insouciance l’insurrection et l’indécence que nous avions offertes à la tribu des fils comme un tribut payé du salaire de notre enfance bazardée n’ont jamais correspondu à leur désir de posséder le monde alors que nous avions tant aimé embarquer notre jeunesse au large de l’aliénation au pouvoir du fric et de la puissance

années 90 les fils et les filles des hippies et des néos‑ruraux ont quitté les villages communautaires où ils avaient passé leur enfance à courir après des cerfs‑volants de couleur et à emprunter les chemins des chèvres pour rejoindre des écoles perdues où ils apprenaient à écrire comme les griots apprennent à conter l’histoire du nouveau monde qui serait le leur ils ont fait dans le sens du retour d’où ils n’étaient jamais partis le voyage que certains d’entre nous ont effectué en direction de la Babylone Zero la mort aux tripes pour rejoindre les usines et les entrepôts où ils ont mis avec une résignation d’automates leurs utopies en miettes chaque jour chaque jour chaque jour 

années 2011‑2014 les fils et les filles des hippies et des néos‑ruraux observent d’un œil négligeant aujourd’hui leurs fils qui n’ont jamais lu de poèmes de François Villon de Jehan Rictus de Gaston Coûté de Jean Sénac ni de Jacques Prévert ou de Boris Vian partir pour le djihad vers les pays d’Orient où l’unique aventure qui leur est offerte par les maîtres de la guerre va leur permettre de reprendre la route que leurs vieux ont arpentée jadis mais c’était du côté de Hambourg ou de Berlin en échange d’une esthétique de la mort prête à porter d’un petit sac de poudre à miracles attaché à leur cou et de la promesse s’ils en reviennent un jour de ne jamais se pencher au dehors

année 2014 c’est fini alors Cavanna est mort et Hara‑Kiri ringard comme nos poules aux œufs d’or rare trop méchant et trop prêt à tout dégommer famille travail patrie curés et chaussettes à clous  pour y balancer à la place un gros gorille mateur du trou de balle des juges pour que la clique claque du jour ne pousse des imprécations de corbac en soutane si on en cause y a longtemps que seuls les vieux cornichons hilares libertaires têtus se font des soirées à se fendre la tototte en reluquant les couvs du baveux le plus iconoclaste et le plus impertinent qui soit aujourd’hui pas de danger de ce côté‑là ni de l’autre y a plus que des serviteurs du veau des pisseurs d’encre d’occase des lignards en fauteuils des rentiers torchant des papelards pondus tout dret du petit catéchisme du chef de famille

année 2014 ouais eh ben non ! c’est pas fini et les Carnets de Route des années communeuses généreuses des scribes colibris bolides qui sont les plus habiles et rusés lanceurs d’encriers que la maréchaussée n’est pas prêt d’y mettre la paluche dessus c’est à ceux qui ne sont pas nos fils ceux qui n’ont pas eu à refuser l’héritage qu’on ne leur à jamais mis dans la musette ceux qui sont nés comme nous dans le chantier de la Babel interminable et qui ont emmêlée à la leur épicée d’Afrika la langue de la canaille pour en faire jaillir une goualante des quartiers truculente et brutale brûlante et cruelle et toujours au bord de l’insurrection poétique que je les donnerai ce sont eux mes frangins en écriture les seuls pour qui peut‑être un jour ces temps d’outrage et de folie auront à nouveau un sensPOINTSCOMMUNSTRAVAIL.jpg            

     Aquarelle de Louis Samedi, 8 février 2014

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26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 21:34

les ceusses d’hier ont la BerlueFabrique d'allumettes Auber

Epinay, dimanche, 12 janvier 2014

 

Aux ouvriers de Gangrange de Florange de Pétroplus d'Acelor Mital de Good Year de PSA... aux ouvriers aux ouvrières...

 

ah ouiche ! que je me disais y pas longtemps de ça parce que maintenant on va devoir demander solliciter notre ticket d’entrée à penser à écrire à hululer à maudire à rager notre carton à réduction notre permis à s’effarer à refuser tout net tout innocents qu’on est notre déguisement d’insectes en vue de jouer le rôle du peuple dans la pièce la Berlue à une clique une tribu une bande une troupe un troupeau engloutissant son foin sucré à l’adrénaline dans les mangeoires d’un temps étroit misérable bouffons metteurs en scène de la plus grande foutrerie de l’époque la mise à mort de l’insouciance Ouaouf ! ouais nous voilà bien peuples autistes figurants de plâtre poupées de paille obéissant au petit clairon grouillot du charnier de nos utopies et aux maîtres du massacre vieillards légumes perfusés à la terreur céleste leaders directeurs commandeurs des états théâtres mettant en scène encore encore la spoliation de notre moindre éclaircie d’intelligence

ah ouiche ! et pour commencer à qui donc je pourrais m’adresser alors à qui lancer ces mots hors du convenu et du convenant qui ne prendront pas soin de s’essuyer les pieds avant d’entrer ni de rassurer quant à ma couleur d’âme forcément aussi noire qu’ébène et que le cœur et l’esprit d’Aguirre en ces années d’escarbilles de plomb où il n’est plus possible de penser que de façon conforme à une esthétique du Bien aussi foireuse et malveillante que ceux qui la brandissent goupillon menaçant et vertueux si ce n’est à la chienne Bonnie l’ensauvagée ma camarade complice des cavales folles de nos jeunesses barbares et désarmées ? c’est que nous les éblouis les compteurs de bulles de savon bleues poussant à même les bottes de paille et tricotant des chaussettes à ailes de papillons nous les ceusses d’hier accrochant nos bonnets de nuit à des porte‑manteaux de lune on voulait juste arrêter la répétition de la tragédie paysan ouvrier qui en finit pas depuis le temps qu’on l’entend cette complainte‑là qu’on la travaille qu’on la récite qu’on l’améliore on en a les esgourdes toutes barbouillées alors voilà on a décidé un jour étourdi de terminer l’affaire nous les enfants de la coulée douce

allez ouste dehors petits crétins ! si on a réussi à s’emberlinguer comme on aurait pas pensé nous les loustics survenus après des générations d’acteurs humbles laborieux fiers à l’ouvrage généreux de leur peau dessous le maquillage quinquets miroirs d’eau charbon noir et trombines faces à farine cendres du laitier refroidi pognes jaunes soufrées et grises de limaille acier les hardis figurants les silhouettes habiles de la production intensive Ouaouf ! faut reconnaître que sur la scène ils étaient déjà si tellement nombreux pressés entassés concassés volontaires aveuglés à l’enfer des brasiers qu’ils ont cru projecteurs savaient leur texte par cœur et la réplique ils la donnaient pour celui qui cédait sa place toOn vit sans vivre NetB copiembé basculé bousculé le chant des travailleurs hein ? leur vieillesse c’était nous la suite de la pièce on avait qu’à enfiler leurs godasses leurs trop grandes godasses de clowns aveugles la Berlue c’est facile tu verras on s’y fait… ah ouiche ! ah non ! eh c’est à qui que tu causes hein ? tu sais que c’est moi qui te nourris ? gaffe morbac ici t’es pas chez toi ! deux fois par jour la réplique on ne risquait pas de l’oublier Ouaouf !       

ah ouiche ! et toi ma Bonnie ma lutteuse mon efflanquée toi qui a pris la tangente y a de ça un bon bout sur les routes de poussière et de plume qui nous menaient bien les voyageurs des chemins au fond de la mer les bâtisseurs de cathédrales de coraux rose mandarine et violets pour nos dieux nocturnes et païens nous et nos jeunes cavales protégées de la mort aux dents par des brassées de marguerites sauvages et toi ma furieuse qui poursuivait jusqu’au bout des faucons invisibles et des jets de silex à feu tu ne peux pas me dire comment dessiner avec mes pattes de hibou des neiges rouges comment dessiner le portulan qui me mènera au loin de ce monde invalide ? Ouaouf ! que je me disais

ah ouiche ! c’est bien vrai alors qu’on existe pas qu’on est rien une engeance de cloportes au fond de leur terrier d’hivernage nous autres le peuple les peuples les muets les réquisitionnés à ânonner leurs slogans leurs chants patriotiques leurs retraites aux flambeaux leurs refrains à chansonnettes leurs annonces publicitaires leurs fichiers anthropos Ouaouf ! 

c’est vrai que c’est un peu de notre faute mon frère la ritournelle elle a raison nous autres le peuple les peuples nous les avons laissé dire que nous étions gavés de cultures régionales ringardes de savoirs indigènes décadents de superstitions de rituels vulgaires célébrant des fétiches et des idoles dansant dans l’eau sur des rails incandescents nous les gardiens des langues métisses et des patois à Guignol qui allions tout nus et qui mâchions avec nos trois chicots les légendes les histoires les contes des griots avant de les avaler tout cru avec la boule poisseuse de poils et de sang de notre mémoire hachée à la moulinette des maîtres du grand savoir Ouaouf ! 

Eh ma Bonnie ! que je me disais nous les ceusses d’hier du temps 01 onmasque-dogon-kanaga-737-2 leur a fauché les costumes et on leur a laissé la scène du drame on a taillé dedans des fringues d’oiseaux couleurs du grand commencement on a retrouvé l’orgue de barbarie de Bruno et on a joué la sérénade du pavé Lily Marlène mon amant de Saint Jean monsieur William la goualante du pauvre Jean dans les rues les impasses et les cours crasses de Babylone Zero… et puis on s’est tirés loin d’eux et de leurs renoncements dehors petits crétins !  mais nous y voici encore cinquante piges après entassés ramassés grouillants harnachés de grelots et clochettes vieux bonobos singeant mimant la peur primitive de notre mise à mort d’Indiens avec nos terres en péril ravies vendues bradées par des paysans sans futur d’aube bergers privés de transhumances et  de manteaux de fougères à des collectionneurs de hameaux fétiches cousus dans du costard trois pièces recyclé houppelande de lin chicos à des tenanciers de musées de retour d’Afrika prêts à nous empailler debout avec leurs masques de singe blanc tirées aux grottes de Bandiagara Ouaouf ! 

Ah ouiche ! nous vêtus grotesques à la fois du costume de honte à paillettes du bourreau et de la victime partis revenus partis revenus rien à transmettre de nos esquives communes et solitaires de la piste tracée au plateau de mélèzes de nos labours éteints où râlent nos ruisseaux sur les éclats d’enfants qui ne rient pas à qui transmettre absents l’histoire du grand commencement hein ? Ouaouf ! depuis le temps que nous suivons voraces la trace blanc argent luisante des projecteurs au loin nous ramenant toujours à la porte bâtarde de leur innommable théâtre Babylone Zero où notre rôle l’insignifiant le factice celui de l’ouvrier immigré servile de la femme de ménage analphabête du jeune troisième génération camé incendiaire de banlieue du bouseux et ses trois cents vaches laitières du hippie des sixties sdf à La Courneuve on le connaît par cœur barbelé on l’a appris dans leurs écoles formatant des bandes de petits vieillards adolescents et c’est toujours la même pièce la Berlue mais maintenant y a même pas besoin de texte les mimiques ça suffit ma Bonnie que je me disais Ouaouf ! quelle langue chiennement indécente et obscène à inventer encore et à démesurer pour nous sortir du trou où ils nous font manger la terre de nos déchaînements !

Ah ouiche ! c’est d’un coup que le coup de théâtre l’enchanteur le pas probable qui nous a filé entre les pattes y a de ça des temps le voilà qu’est revenu avec les paroles des frangins à mistoufle qui ont pris la piste l’autre celle des usines et des fonderies la première l’incendiée la brutale la conquérante la violente celle de nos vieux paysans ouvriers le texte celui qu’ils nous ont sorti là tout gluant tout baveux de morve d’étoiles noyée de feux follets émeraude on aurait même pas pu le rêver nous les ceusses d’hier les bourlingueurs de l’An 01 hein ? la Berlue mon frère c’est plus sur la scène c’est dans la vie qu’on l’a maintenant qu’ils ont pigé qu’y a plus rien d’autre à faire que de se la couler douce    maintenant qu’il nous faut retrouver ensemble la première trace avant le contresens retrouver le portulan éperdu de nos désirs immenses de nos facéties majestueuses de nos sillons courbes avec nos charrues foreuses de géants coquillages lucioles Ouaouf ! eh ma Bonnie ! c’est peut‑être ici chez nous que je me disais…la-ceuillettetravail.jpg

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25 décembre 2013 3 25 /12 /décembre /2013 19:04

Damnés de la terreMasq

 

5 décembre 2013 mort de Nelson Mandela à 95 ans à Johannesburg.

6 décembre 1961 mort de Frantz Fanon à 36 ans à Washington d’une leucémie.

20 juillet 1925 Frantz Fanon naît à Fort-de-France. 1943 il entame des études de médecine à Lyon en même temps que des études de philosophie et de psychiatrie. Il centre son travail sur la psychologie en milieu colonial.

1952 il publie Peau noire, masques blancs sa thèse de doctorat en psychiatrie aux Ed. du Seuil.

De 1953 jusqu'à 1956 il est médecin‑chef à l'hôpital psychiatrique de Blida‑Joinville et y introduit des méthodes de sociothérapie qu'il adapte à la culture des patients musulmans algériens.

1954 c’est le début de la Guerre d’Algérie et Fanon entre en contact avec des officiers de l’ALN et des responsables du FLN.

Novembre 1956 il démissionne de son poste et est expulsé d'Algérie en 1957 par les autorités françaises. Il rejoint le GPRA à Tunis puis devient membre de rédaction d'El Moudjahid.

1959 Fanon fait partie de la délégation algérienne au Congrès pan-africain d'Accra.  L'An V de la révolution algérienne est publié par François Maspéro.

Mars 1960 il est nommé ambassadeur de l'Algérie au Ghana.

1961publie Les Damnés de la terre préfacé par Sartre aux Ed. Maspéro.

 

“ Les peuples africains se sont récemment découverts et ont décidé, au nom du continent, de peser de manière radicale sur le régime colonial. Or les bourgeoisies nationales, qui se dépêchent, région après région, de constituer leur propre magot et de mettre en place un système national d’exploitation, multiplient les obstacles à la réalisation de cette ‘ utopie’. Les bourgeoisies nationales parfaitement éclairées sur leurs objectifs sont décidées à barrer la route à cette unité, à cet effort coordonné de deux cent cinquante millions d’hommes pour triompher à la fois de la bêtise, de la faim et de l’inhumanité. C’est pourquoi il nous faut savoir que l’unité africaine ne peut se faire que sous la poussée et sous la direction des peuples, c’est-à-dire au mépris des intérêts de la bourgeoisie. ( … )

Economiquement impuissante, ne pouvant mettre à jour des relations sociales cohérentes, fondées sur le principe de sa domination en tant que classe, la bourgeoisie choisit la solution qui lui semble la plus facile, celle du parti unique. Elle ne possède pas encore cette bonne conscience et cette tranquillité que seules la puissance économique et la prise en main du système étatique pourraient lui conférer. ( … ) Le parti unique est la forme moderne de la dictature bourgeoise sans masque, sans fard, sans scrupule, cynique. ( … )

Comme elle ne partage par ses bénéfices avec le peuple et ne lui permet aucunement de profiter des prébendes que lui versent les grandes compagnies étrangères, elle va découvrir la nécessité d’un leader populaire auquel reviendra le double rôle de stabiliser le régime et de perpétuer la domination de la bourgeoisie. La dictature bourgeoise des pays sous-développés tire sa solidité de l’existence d’un leader. Dans les pays développés, on le sait, la dictature bourgeoise est le produit de la puissance économique de la bourgeoisie. Par contre dans les pays sous-développés le leader représente la puissance morale à l’abri de laquelle la bourgeoisie, maigre et démunie, de la jeune nation décide de s’enrichir.

Le peuple qui, des années durant, l’a vu ou entendu parler, qui de loin, dans une sorte de rêve a suivi les démêlés du leader avec la puissance coloniale, spontanément fait confiance à ce patriote. Avant l’indépendance, le leader incarnait en général les aspirations du peuple indépendance, libertés politiques, dignité nationale. Mais, au lendemain de l’indépendance, loin d’incarner concrètement les besoins du peuple, loin de se faire le promoteur de la dignité réelle du peuple, celle qui passe par le pain, la terre et la remise du pays entre les mains sacrées du peuple, le leader va révéler sa fonction intime : être le président général de la société de profiteurs impatients de jouir que constitue la bourgeoisie nationale.

En dépit de sa fréquente honnêteté et malgré ses déclarations sincères, le leader est objectivement le défenseur acharné des intérêts aujourd’hui conjugués de la bourgeoisie nationale et des ex-compagnies coloniales. ( … ) Le leader apaise le peuple. Des années après l’indépendance, incapable d’inviter le peuple à une œuvre concrète, incapable d’ouvrir réellement l’avenir au peuple, de lancer le peuple dans la voie de la construction de la nation, donc de sa propre construction, on voit le leader ressasser l’histoire de l’indépendance, rappeler l’union sacrée de la lutte de libération. Le leader, parce qu’il refuse de briser la bourgeoisie nationale, demande au peuple de refluer vers le passé et de s’enivrer de l’épopée qui a conduit à l’indépendance. Le leader - objectivement - stoppe le peuple et s’acharne soit à l’expulser de l’histoire, soit à l’empêcher d’y prendre pied. ( … )

La nation ne doit pas être une affaire dirigée par un manitou. Aussi comprend-t-on cette panique qui s’empare des sphères dirigeantes chaque fois qu’un de ces leaders tombe malade. C’est que la question qui les obsède est celle de la succession. Que deviendra le pays si le leader disparaît ? Les sphères dirigeantes qui ont abdiqué devant le leader, irresponsables, inconscientes, préoccupées essentiellement de la bonne vie qu’elles mènent, des cocktails organisés, des voyages payés et de la rentabilité des combines découvrent de temps à autre le vide spirituel au cœur de la nation. ( … )

Le gouvernement national s’il veut être national doit gouverner par le peuple et pour le peuple, pour les déshérités et par les déshérités. Aucun leader quelle que soit sa valeur ne peut se substituer à la volonté populaire et le gouvernement national doit, avant de se préoccuper de prestige international, redonner dignité à chaque citoyen, meubler les cerveaux, emplir les yeux de choses humaines, développer un panorama humain parce qu’habité par des hommes conscients et souverains. ”

 

“ Mésaventure de la conscience nationale ” in Les damnés de la terre

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Carnet de Route Lundi, 17 décembre 2013 RER E Le Perreux

 

Au Perreux la chambre toute petite où je croyais ne jamais pouvoir écrire et je ne voyais pas mais Yurugu l’ami qui ne se sépare pas de son boulier de sable le savait que c’était parmi toutes mes gares de transhumance une de celles qui me rapproche de la vie. La vie comme elle est dans sa coquille vitrail d’inconnu avec ses grands arbres sa mousse épaisse que les chats dévorent de leurs pieds velours sa chouette hulotte et les mille quinquets météores de ses yeux étoiles fugitives de ma night son troupeau de fleurs toujours filant les saisons de leur quenouille de couleurs et de parfums passagers. La vie que je n’ai pas eue ici jamais dans la citadelle de Babylone‑Zero une gare une vraie de celle où on attend de prendre les rails juste pour cette éclaboussure d’azur qu’on a toujours sue et pas à côté cette cible qu’on n’atteindra pas parce que la nature intime des rails et leur brûlure de métal sur la peau des pieds dessous où la rosée du matin et de la nuit rassure de ne pas finir.

Il n’y a pas de piste de braise qui s’achève et aucun désert qui touche à sa fin pour la caravane il n’y a pas de puits qui étanche ma soif et qui me désaltère du désir d’enfance vigoureux et neuf de croiser dans une gare aux volets de bois bleu lavande et sa farandole de mosaïques fleuries verte bleue blanche au fronton l’autre le voyageur l’errant le hobo mon frère d’autres trains de nuit qui comme moi ont lié leur histoire à la route de la bonne poésie.marionnette.jpg

Petites pépites d’or pathétiques de quelques jours les feuilles du bouleau en face de la fenêtre ne pèsent rien entre mes doigts et je les sèmerai demain cendres luisantes sur la terre pour les fruits que j’attends dans tous nos jardins celui‑ci et son verger qui m’a gardée tout l’été dans sa bonté a été vendu comme nous le sommes tous un jour à de fiévreux fabricants de murailles qui sont nos tombes déjà debout et la petite gare rejoindra bientôt les gravats gris bleu de mon enfance ferroviaire au goût d’amande et de prunelles.

Tuit tuit tuit j’entends l’appel audacieux et messager des froids des mésanges sur les branches au frisson soyeux des tamaris que le givre n’a pas déshabillés elles ne prennent pas elles la suite de la longue caravane d’Afrique des oiseaux migrateurs elles demeurent petites paysannes de l’écorce et du sel boules de soleil et de ciel turquoise écarquillées dans les creux d’ombre aux coupantes épées d’indigo.

Ma maison d’étrangère est ici dans les 14m2 où les livres de mes frères de sang poètes à misère sont mes boucliers de solitude je relis la vie de Camille Claudel Une Femme d’Anne Delbée qui court saute vole m’arrive par toutes les portes ouvertes à la volée de mon enfance mon grand‑père cheminot les premières gares les premiers trains la terre mouillée aggravée d’herbes savane haute bonnes protectrices les vieux pommiers tordus frondeurs creuseurs d’étoiles roses les sapins gardiens mes doigts poisseux de résine les cerisiers rouge sang et les papiers du notaire un jour d’été dans les mains de ma mère.

“ Entourée de héros, elle a décidé de montrer dans les groupes qu’elle choisit comment les petits triomphent des grands. L’idée lui en est venue l’autre matin. Une des pierres du Géyn, minuscule clown… ” Tous puissants et fomenteurs de mort de notre monde à Prétoria et à Qunu arrachant un petit morceau de chair chacun du corps emprisonné dedans de leur cachot monstrueux aux barreaux de mots indignes de l’acier bleu forgé à mains nues et fidèles de Mandela.

6 décembre 1961 Frantz Fanon meurt à Washington d’une leucémie. Les Damnés de la terre c’est nous n’est‑ce pas mon frère… mon frère le scorpion à qui je dois à qui nous devons d’être arrachés sans cesse à la terre qui est nôtre nous les enfants de terre‑béton qui la connaissons pourtant de tout notre corps en route. Fanon black comme Césaire anarcho‑communiste comme Sénac qui nomment tous les trois la Négritude de notre misère sociale et humaine.la-fin-dec-2013.jpg

Fanon qui écrit à partir de l’Afrique il y a 50 ans : “ La bourgeoisie occidentale a aménagé suffisamment de barrières et de garde‑fous pour ne pas craindre réellement la compétition de ceux qu’elle exploite et qu’elle méprise. Le racisme bourgeois occidental à l’égard du nègre et du “ bicot ” est un racisme de mépris ; c’est un racisme qui minimise. Mais l’idéologie bourgeoise qui est proclamation d’une égalité d’essence entre les hommes se débrouille pour rester logique avec elle‑même en invitant les sous‑hommes à s’humaniser à travers le type d’humanité occidental qu’elle incarne. ”

La petite bourgeoisie qui est parvenue à nous séparer de nos origines paysannes nomades en nous fossilisant dans l’usine tombeau d’où on peut imaginer en vain sortir et rentrer à volonté et dans le linceul de la Babylone‑Zero a réussi à nous couper de notre corps vivant.

Novembre 1969 treize ans au pensionnat et mon grand‑père le cheminot des arbres monte à bord de sa dernière loco je suis nulle part je ne la verrai pas s’éloigner je deviens un train de nuit dix ans plus tard ma mère vend la petite maison le jardin et son jardinier je suis déjà On the road je ne sais rien je n’aurai plus jamais de racines mais j’ai la conscience lucide et poétique du vol qui m’a été fait de mon histoire.   

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 21:36

Né quelque part ? affiche-27e-salon-du-livre-et-de-la-bd-de-creil.jpg

“ Né quelque part… ” est‑ce que c’est parce que mes premiers souvenirs visuels à peine flous sont ceux d’un sixième étage à Aubervilliers que ces mots me font sourire…

Tous les immigrés qui ont dû quitter l’Algérie dans les années 50‑60 pour venir servir de main‑d’œuvre prolétaire souvent analphabète et traitée en esclaves se reconnaîtront dans la phrase de Tchekov : “ Nous travaillons pour les autres jusqu'à notre vieillesse et quand notre heure viendra, nous mourrons sans murmure et nous dirons dans l’autre monde que nous avons souffert, que nous avons pleuré, que nous avons vécu de longues années d’amertume, et Dieu aura pitié de nous. ”

 

Je ne sais pas pourquoi mais je suis sûre que le pays natal pour celui qui écrit c’est sa langue d’écriture ou ses langues s’il se déplace entre plusieurs cultures. Il n’en existe pas d’autre car sinon l’écriture la création ne seraient pas ces besoins frénétiques obsessionnels qui accompagnent chacun des gratteurs de papier jusqu’à sa mort. Et au‑delà aussi parfois.

Celui qui est né sur une terre ou aux rebords d’un désert qu’il peut toucher de ses pieds faire couler entre ses doigts comme la boue ocre noire du fleuve Niger et façonner comme un monde au creux de ses paumes nues n’écrit pas. Il écrira si la terre vient à lui manquer. Il la remplacera par une terre de papier faute de quoi il deviendra fou peut‑être. Absent en tout cas. Absent à lui et à la lumière du monde à l’azur entr’ouvert à l’horizon éperdu.

“ Va‑t’en pour toi… ” jolie citation et une belle image littéraire sortie d’un livre et comme nous sommes des écrivains nous avons tendance à nous inspirer des livres pour parler de la vie. De la vie de gens qui n’ont parfois jamais lu de livres.

A ce livre donc fait écho un autre livre qui appartient à l’histoire des immigrés maghrébins la plupart Kabyles d’Algérie ou du Maroc avec lesquels j’ai partagé nos enfances dans ces lieux qu’on a appelé des banlieues. Ces lieux‑là certains comme moi y sont nés et d’autres comme eux y ont débarqué dans les années 50‑60 sans imaginer ni moi ni eux ce qui nous attendait. Ces hommes ces femmes et les enfants avec lesquels j’ai grandi je les nomme mes frères de sang.

Le livre dont il s’agit c’est Le fils du pauvre de Mouloud Feraoun publié en 1950. L’histoire que raconte Mouloud Feraoun c’est la sienne et celle des siens de sa famille et du petit village de Haute‑Kabylie Tizi Hibel où la misère décrite par Camus dans Alger Républicain en 1939 dans l’article intitulé Misère de la Kabylie est ce qui pousse le père pauvre et illettré à partir en France d’où il reviendra handicapé à la suite d’un accident de travail à l’usine.

Cet article de Camus sera repris par la suite et publié dans le recueil Chroniques Algériennes 1939‑1958, Actuelles III/Misère de la Kabylie aux Ed. Gallimard en 1958. Ce petit extrait pour illustrer la suggestion du Va‑t’en pour toi :

“ Les gens qui meurent de faim n'ont généralement qu'un moyen d'en sortir et c'est le travail. C'est là une vérité première que je m'excuse de répéter. Mais la situation actuelle de la Kabylie prouve que cette vérité n'est pas aussi universelle qu'elle le paraît. J'ai dit, précédemment, que la moitié de la population kabyle est en chômage et que les trois quarts sont sous-alimentés. Cette disproportion n'est pas le résultat d'une exagération arithmétique. Elle prouve seulement que le travail de ceux qui ne chôment pas ne les nourrit pas.

On m'avait prévenu que les salaires étaient insuffisants. Je ne savais pas qu'ils étaient insultants. On m'avait dit que la journée de travail excédait la durée légale. J'ignorais qu'elle n'était pas loin de la doubler. Je ne voudrais pas hausser le ton. Mais je suis forcé de dire ici que le régime du travail en Kabylie est un régime d'esclavage. Car je ne vois pas de quel autre nom appeler un régime où l'ouvrier travaille de 10 à 12 heures pour un salaire moyen de 6 à 10 francs. ”dr-ancienne-maison-kabyle_1401415_465x348.jpg

 Et le récit de la nuit vécue par l’enfant précédant le départ du père dans Le fils du pauvre :

 Le soir qui précéda le départ, aucun de ses enfants ne s'en doutait. Mais le hasard voulut que Fouroulou se réveillât pendant la nuit. Son père ne dormait pas. Il priait dans l'obscurité. Il priait à haute voix, demandant à la Providence d'avoir pitié de lui, de venir à son aide, d'écarter les obstacles de sa route, de ne pas l'abandonner. Puis, dans un élan désespéré, il l'implorait de veiller sur ses enfants. Dans le silence de la nuit, le ton était grave et profond. Chaque demande était suivie d'une confession émouvante. Ramdane dépeignait son embarras, sa misère.

Il sembla à Fouroulou qu'une présence surnaturelle planait au-dessus d'eux et entendait tout. Il était perplexe. Il lui suffisait d'étendre son bras pour toucher son père, car il dormait toujours à côté de lui. Pourtant, il retint sa respiration et ne bougea pas. Il se demandait ce qui arrivait. La douleur de son père lui serrait la gorge et des larmes se mirent à couler silencieusement sur ses joues.

Tant que dura la prière, il ne put fermer l'oeil. Il essaya de découvrir le nouveau tourment de la famille. Ne trouvant rien, il se dit que peut-être tous les pères prient ainsi en secret, lorsque leur famille a beaucoup d'ennuis ‑ ce qui était le cas des Menrad, il le savait très bien. Alors, il joignit de tout son coeur sa prière à celle de son père et s'endormit sans savoir comment.

Le lendemain matin se levant le dernier, comme d'habitude, il trouva sa mère et ses soeurs tout en pleurs. Le père était parti à l'aube, et, pour ne pas accroître son chagrin, il avait préféré partir à l'insu de tous sans embrasser personne. Il venait de renvoyer à un ami sa gandoura et son burnous. Il partait dans la veste et le pantalon français que lui avait donnés un cousin et qu'on l'avait vu rapiécer avec application la semaine précédente. ( … )

Vingt-deux jours après, la première lettre arriva. Elle avait été remise par l'amin. Personne n'osa l'ouvrir avant quatre heures, en l'absence de Fouroulou qui était en classe. Il prit le message des mains de Baya et embrassa l'enveloppe. Tous l'entouraient. Son petit frère Dadar le tirait par sa gandoura et lui disait : ‘ Vite, montre-moi mon père. ’ Il hésitait. Il était au cours moyen, mais une lettre, c'est difficile, il faut expliquer. Pour plus de sûreté, il décida d'appeler un ancien qui avait quitté l'école avec le certificat. Le savant ne se fit pas prier. Il vint, ouvrit la lettre d'une main sûre et se mit à traduire.

Au fur et à mesure qu'il lisait et traduisait, Fouroulou se rendait compte qu'il pouvait en faire autant. Ses yeux brillaient de joie. Il n'y avait qu'une expression qui pouvait l'embarrasser : ‘ il ne faut pas vous faire de mauvais sang ’.

Le père est ‘ en bonne santé ’, il ‘ espère ’ que ses enfants se trouveront ‘ de même ’. Il

travaille, il ne tardera pas à envoyer un peu d'argent. Il demande à ses enfants d'être sages, d'obéir à leur mère. Il ne faut pas mener la chèvre dans le champ d'oliviers où il y a de jeunes greffes ; il ne faut pas négliger de suspendre au bon moment des dokkars aux figuiers. La lettre est pleine de recommandations. Il donne ses ordres exactement comme s'il était là. ”

Mouloud Feraoun devenu instituteur qui n’a contrairement à son ami Camus jamais quitté l’Algérie sera assassiné le 15 mars 1962 par l’OAS. Son premier roman Le Fils du pauvre commencé en 1939 est publié en 1950 à compte d'auteur. Le Seuil s’empare du texte en 1954 qu’il édite expurgé des soixante-dix pages relatives à l'école normale de Bouzaréah.1-Mouloud-Feraoun.jpg

 

“ Va‑t’en pour toi ” ? Ceux qui ont quitté leur terre natale à laquelle ils étaient intimement et profondément attachés ne l’ont pas fait pour eux. Ils l’ont fait pour les intérêts de l’industrialisation et du développement de la métropole puissance économique en plein essor après la guerre dans les années 50 et en pleine reconstruction. “ L’ancienne ” puissance coloniale qui l’était encore à cette époque concernant l’Algérie a continué à puiser dans sa réserve d’une population misérable qui n’avait aucun choix que celui de mourir de faim ou de partir.

On appelait avec tout ce que ces mots ont de poésie ceux qui arrivaient ainsi de la main‑d’œuvre. Où comment se débrouillent ceux qui n’ont jamais eu de mains et jamais commis d’œuvre pour saloper de la sorte la beauté et le sens de ce qui demeure pour nous la plus lumineuse des associations poétiques de nos printemps laborieux.

Pourquoi je peux dire que ces gens étaient attachés à leur terre même si c’était celle de montagnes où on récoltait surtout les olives de plantations d’oliviers qui gardent la généalogie des anciens sur leurs parchemins d’écorce et des figues comme le raconte Nabile Farès c’est parce qu’ils étaient des paysans et des bergers et que leur rapport à cette terre est le même que celui que je devine et dont je peux parler de mes ancêtres paysans journaliers et ouvriers.

Il faut se souvenir à ce propos que ceux qui sont venus massivement au début du 20ème Siècle et surtout après la première guerre mondiale servir de main d’œuvre ouvrière dans les faubourgs qu’on n’appelait pas banlieues des villes en expansion étaient les paysans pauvres des provinces que les patrons de l’industrie naissante manipulaient selon leurs besoins. Ils ont quitté peu à peu les terres où ils vivaient dans la pauvreté mais qui les reliaient à leur histoire leur culture et leur héritage paysan même sils ne les possédaient pas.

“ Le pays natal est celui que l’on quitte. ” ( RPD ) Oui il a été pour les paysans ouvriers des années 30 en France celui que l’on quitte parce qu’on y meurt de faim tout comme c’était la situation des paysans kabyles et de tout une partie de la population masculine algérienne. Cette misère matrice de l’exil n’a pas cessé d’être fabriquée et utilisée par les Etats coloniaux et leurs bouffons des classes sociales dominantes servies par le discours politique faisant miroiter au bout du déplacement et de l’exil un futur estimable et neuf.Fabrique-d-allumettes-Auber.jpg

Le pays natal n’était pas une construction imaginaire comme il l’est effectivement pour nous au moment où les immigrés arrivent dans les banlieues mais bien une réalité dans laquelle s’était élaborée de génération en génération une culture populaire riche et fondatrice de leur histoire dont témoignent encore en Algérie aujourd’hui les conteurs et les conteuses une culture de l’oralité. Et leur rupture avec cette terre et cette histoire a été pour eux comme pour les paysans ouvriers d’une violence incroyable. Voir le récit du Pain noir de Geroges Emmanuel Clancier et concernant l’Algérie la trilogie cinématographique Mémoire d’immigrés de Yamina Benguigui.

Aubervilliers… là où moi et bien d’autres enfants sommes nés à la fin des années 50 il n’y avait alors qu’un immense chantier sans fin. Auber ces années‑là c’est le film documentaire d’Eli Lotar réalisé en 1945 avec le commentaire qui l’accompagne dit et rédigé par Prévert qui provoque le retrait des salles les week‑end afin de ne pas perturber le moral des familles. On le comprend quand on lit les premières paroles du commentaire où le rythme suit celui de la chanson de Prévert “ Les enfants d’Aubervilliers ” :

“ ( … ) Aubervilliers, petit village, les temps ont change; ouvriers, ruines, taudis, anciennes ruines, ruines banales, ruines de la misère ouvrière, capitale, petits secrets, beauté cachée, chats crevés, jeunesse, Dieu vous protège, privilégiés, monde hostile et sans pitié, triste monde, misère, Gentils enfants d’aubervilliers, Gentils enfants des prolétaires, Gentils enfants de la misère, Gentils enfants du monde entier, joie de vivre exclue, lutte pour la vie, travail, charbon, quais, fabriques, entrepôts, labeur de l’homme, le ciel, fumée, irrémédiablement, les usines brûlent, manufactures, usines, acide sulfurique, ammoniaque, engrais, produits décapants, dégraissants, soude caustique, sueur, mains de l’oMains-d-ouvriers-St-Gobain-1945.pnguvrier, décapées… ”

Auber… là où je suis née et où j’ai grandi Auber aux confins de deux cultures populaires qui n’existent pas. Auber au croisement entre la culture orale des ouvriers immigrés algériens et celle du prolétariat français de la banlieue rouge composé d’anciens paysans ouvriers dont aucune langue populaire ne nous est audible.

Auber cité maudite ma ville où l’usine St Gobain dévore les mains et les poumons des braves gars qui n’iront sans doute pas vieillir croupir dans les taudis joyeux des anciens prolos d’avant guerre et leurs cabanes en tôles au bord du canal où le bidonville du Chemin du Hallage va bientôt leur tenir compagnie.

Je ne peux toujours pas regarder les images du film sans pleurer. Ces hommes ces femmes ouvriers de l’automobile des machines outils et des usines chimiques manœuvres des chantiers ouvrières du textile qui ont pour la plupart participé à la grande boucherie 14‑18 et ce qu’on nommait l’effort de guerre dans les industries d’armement ces vieux ouvriers pauvres survivant isolés démunis avec leurs quelques trésors de chiffons et de papiers les souvenirs et objets qui leur restent dans des cabanes bancales sinistres banales sont les miens ceux que je n’ai jamais connus.

Entassés là privés de ce qui avait fait l’existence modeste mais digne des générations précédentes sur leurs terres privés de la communauté à laquelle ils appartenaient leurs lambeaux de paroles sans rancœur où la bonté humaine a survécu à tout me serrent la gorge où s’étouffe mon cri de rage. Ils sont ceux dont on ne parle pas ceux dont on ne raconte pas. Ils n’ont pas d’histoire et leur absence d’histoire leur récit spolié muet est celui de tout un peuple auquel j’appartiens : le peuple de la périphérie laborieuse grave dévoué au labeur simple et fier. Le peuple des ouvriers d’Aubervilliers le peuple des ouvriers du monde entier.

A suivre...1-auber.png

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 21:11

     pas-de-trains-cet-ete.jpg Un jour bientôt j'arrêterai ce blog... Pas parce que j'en aurai assez et que ça fera bientôt dix ans que ça dure... Tout simplement parce que j'en ai marre de me faire piller mes textes mes titres mes histoires et de les retrouver ensuite publiés sous d'autres formes par des gens qui ont les moyens de commercialiser leurs produits et qui sont des imbéciles.

      Ecrire créer c'est un labeur comme fabriquer une cathédrale usiner une pile de pont ou découvrir une nouvelle étoile dans le ciel... C'est quelque chose qui a du sens et qui demande à ceux qui s'y collent d'être des êtres de conscience et de justesse... La plupart de ceux qui font du fric avec les bouquins qu'ils pondent ne le sont pas ou plus et les moyens de communication et de diffusion actuels de l'écriture sont viciés.

      Face à ça deux possibilités : perdre son temps et son énergie créatrice à travailler dans un contexte pourri et toute peine perdue face à de tous côtés soit des infifférents soit des nuisibles ou bien esquiver prendre la route s'en aller et continuer autrement ailleurs avec des moyens hors du champ visuel... C'est la seconde voie que j'ai choisi... voilà... à suivre...


Ligne de mireChemin-de-fer-a-Djibouti.jpg

Le Perreux, mardi, 5 novembre 2013

 

Ouaouf ! Ouaouf ! Nous voici de retour la chienne Bonnie et moi avec l’écriture approximative et ses aboiements… Trains de ligne et ligne de mire… voilà comment je peux résumer le rapport de mon écriture au monde. S’il y a un jeu de mots mais il n’y a que ça et si ça n’était pas je n’y serais pas non plus que diable ! Et pas question pour nous autres la chienne Bonnie et moi de nous laisser mettre en sac par la clique des bouffons pilleurs ressortis une fois de plus comme c’est coutume à la saison qu’on est des châtaignes cramées dessus les bidons à trous remplis de charbon de bois qui pue l’incendie de nos forêts à griots et de nos demeures d’arbres tranchés à pleine écorce vive pour alimenter en rouleaux de parchemins ces maudits orpailleurs tamisant nos marigots à éléphants !

Il y a ce trait qui se tire avec une motrice fonceuse dessus qui avance avance jusqu’à ce qui comme un regard traverse infini l’horizon. Et c’est là qu’on se tient la chienne Bonnie et moi Ouaouf ! ni conducteur ni passager mais bien le train lui‑même avec ses wagons ses rails ses aiguillages ses passages à niveau ses gares ses voyageurs et ses ouvriers du rail maîtres illusionnistes mesurant le temps à l’aide de ce triangle mirage fiché dans la cible mouvante inaccessible.

Ligne de mire ligne de mirages… Ouaouf ! Ce triangle dont les deux côtés sont les aiguilles de l’horloge immobiles rails miraculeux pointant un point de fuite inconnu et le troisième c’est ce train de nuit de préférence qu’on ne voit jamais ainsi son dernier wagon miaulant raclant les rebords de l’obscurité râlant encore longtemps après que tout se soit arrêté qu’on en ait fini de ces jours interminables à marcher le long de cette scène lunaire qu’un seul projecteur suffit à éblouir à tuer.

Et comment peut‑on écrire autrement qu’en étant lancé à toute vitesse à travers la nuit jusLoco-vapeur-ardeche.jpgqu’au choc final qui remettra les pendules à l’heure celle qui ne cerne pas les poètes ?

“ Au bout de la nuit ” dit Céline qui tire locomotive frénétique le charroi désespéré du vrombissant charnier humain à sa suite. C’est là qu’il le porte le hisse le conduit afin de le faire basculer par‑dessus bord et s’écarquiller en un tombereau d’éclats de verre multicolores et que nous puissions vivre enfin dedans cette vitraillerie d’arcs‑en‑ciels à perpette… Mais non ! ils sont revenus tous avec leurs fagots leurs sorcières leur mitraille leurs crânes aux yeux pâquerettes et nous n’en avons pas fini accrochés à pognes pleines au dernier wagon celui qui tient les feux et qu’on distingue un peu encore là‑bas au point où la mire s’émiette en copeaux bleutés.

A chaque nouveau départ le triangle s’écarte s’éparpille devant le regard scribe solitaire du savoir d’errance grave malicieux de celui qui balance la loupiote gardien de phare des gares et son œil cinématographe qui l’accompagne. La nuit il n’y a que les êtres fuyants parés à l’esquive à la pureté du fracas qu’on trouve à pied d’œuvre les talons salés fendus de givre par la traversée des plateaux verdis de purée d’astres les doigts tachés sur leurs buvards d’aube.

Les voyageurs rares hiboux rivés aux roues aux boggies aux freins au sifflet et aux signaux lumineux fugaces aussi vastes que les roues de la loco sont ce train qui boit avale cul sec la dernière porte grande ouverte pour la route que personne n’a le pouvoir de refermer. Ouaouf ! Somnambules armés de sarbacanes aux petites flèches de papier d’or tous arrimés à la carlingue de métal ils crèvent la lenteur brûlante de l’attente et du désir initial à chaque trait qui siffle dans l’orange pâleur des quais déserts.

Il n’y a jamais eu personne pour monter ou pour descendre à ces gares‑là seule la nuit et sa gandourah d’odeurs de feux de bois de café noir de sang mêlé à l’eau des caniveaux de sperme séchant au mitant des lits et ses petites silhouettes de boue rouge prenant d’assaut notre colère s’alimentant à l’acier qu’elle engloutit déclenchent enfin le signal du sommeil. Et nous assistons enfin repus vautrés dans la paille d’une moisson prochaine au passage de hérissons au museau frais humant une brume d’églantines au‑dessus du bi voies et frissonnant d’aise de toute leur armure jamais en repos. Ouaouf ! Ouaouf !

C’est une voie de garage au cœur de la petite campagne qu’une bergère et son chien frippé d’herbe humide menant une marmaille de brebis et leurs agneaux ont investie aussitôt où on ne risque pas de déranger le monde avant de reprendre la route quand la rosée aurLigne-Brive-Rodez.jpga séché à nos poignets. Qui pourrait venir nous chercher là pendant que la lessive des prés tiédit et qu’on se remet vaille que vaille de la quête inaboutie… oui qui ? Bonnie et moi et la tribu des trains de ligne nous attendons sur la voie unique le train croiseur et ses wagons bourrés de crépuscule qui a priorité à cette heure… Ouaouf ! Ouaouf !

Bientôt il faudra repartir patinés de ce brouillon lunaire qui nous va et qu’aucun de ces pilleurs de paroles qui guettent avant d’embarquer à bord de wagons grand luxe capitonnés rembourrés insonorisés où il n’y a pas grand risque qu’ils surprennent monter jusqu’à eux les appels des locos vapeur entraînant derrière elles des trains de nuit revenant de loin ne trouvera abandonné sur un siège de 2ème classe de l’Inter‑Cité Gap‑Paris Austerlitz tombé entre les mains macquées de caoutchouc rose d’un balayeur black à six heures du matin. Ouaouf ! Ouaouf !

 

Ligne de mire… ouvrez grand vos mirettes les voilà ils arrivent ils sont arrivés… arrivés avec leur écriture lavée délavée vidée essorée blanche blanchie jusquTrain-comment-peut-on-retrouver-la-ligne_reference.jpg’à la carcasse sèche jusqu’à la poussière… Ouaouf ! au secours ma Bonnie ! C’est ça… ils en sont arrivés avec leurs pieds de mouches qui ne touchent pas la terre qui ne se salissent jamais et ne se mettent pas à la merci de la boue des grands fleuves à nettoyer dépiauter désincarner les mots de tout l’argile généreux du jardin à en retirer l’âme lucide de la pluie qui grignote la propreté sèche et ensemence.

Ouais… ils y sont arrivés chargés de leur énorme laverie automatique prétendants burlesques à l’approbation machinale des croupiers matant la mise au milieu d’une piste dont on ne voit pas le bout éclairée elle aussi plein feu de la froideur blafarde d’une lumière de miradors qui rase égalise anéantit. Ouaouf ! Ouaouf ! ma Bonnie au secours ! les voilà les Ubu repus de rien qui est leur royaume avec leur mécanique à ôter de l’écriture le sens l’indécence et à mettre au clou ses petits diamants semés ci et là par des Poucet aux poches trouées d’impertinence. Ils y sont arrivés les bouffons confits de connaissances sublimes à fossiliser sous un glacis d’yeux privés des regards inquiets avides ravis assoiffés de rêves convoités à leur refiler de la création sans objectif des signes sans piste du jus de plume nettoyé de la vie.

Des mots sans ligne de mire qu’on imagine !… Ouaouf ! Des mots sans mirettes qui les matent sans langue qui les lèche sans paumes qui les pétrissent qui les chahutent les défroquent et les lancent là juste là au cœur impossible de la dune et ses milliers d’instants à musique qui n’arrêtent pas de bouger avec eux… Là… là… encore se carapatent se glissent sautent se jettent bondissent ! Courir après ! Ouaouf ! Ouaouf ! Les attraper jamais. Les sentir une seconde ronds doux coupants chauds amers toujours plus loin sur la piste là‑bas au bout ailleurs.Celine04

Et voilà ils sont arrivés. Il n’y a plus rien à dire. Ils disent tout ils lavent tout ils écartent tout de la piste irradiée magma figé oracle accompli vernis parfait des apparences contre lequel pas un cri indocile d’hibou et son radar nocturne ne peut rebondir. Desséchée la carcasse jetée abandonnée de la langue là la langue vive épaisse déguenillée obscène impatiente lyrique forgée joyeuse canaille souffrante la langue des gueux que nous taillons chaque jour dans la pierre comblée de folie déchirée intacte bleue de nos petits matins. Ouaouf !

Où sont passés les rois du royaume des gueux les voyageurs les baladins les griots les malandrins porteurs de manteaux et de combures aux tatanes grasses et aux mains sales les Céline les Sénac les Bukowski les Genêt les Artaud et leur pestilente baraque à hurlements ? La forfaiture suprême de la machine à laver la liqueur des pauvres de ses grumeaux de salive la voilà bien jusnettoyage-des-trains.jpgtement dans toute sa puissance conquérante qui retire aux hommes leurs enchantements et au désert sa soif Ouaouf !

La machine à dépouiller implacable informatique incontournable imbécile est venue à bout de sa mission civilisatrice et décadente. Après avoir vidé les poètes incertains des rues de leurs orgues barbares après nous avoir persuadés que nous étions sans cultures sans âmes sans histoires et sans royaumes ils ont revêtu les costumes des saltimbanques et nos défroques d’Indiens et ils ont vitrifié nos demeures de vent de la puanteur de leur néant. Ouaouf ! Ouaouf !

 

Ligne de mire… 

Ouaouf ! Les trains ne font pas marche arrière avancer courir démesurer la route poètes ferroviaires notre passé creuse devant la piste d’un futur auquel nous sommes attablés depuis le premier festin de sable lu. Notre histoire rebelle a commencé à advenir au moment où nous ne distinguions de la perspective des rails que la dureté de la flèche au métal gris bleu dans le jour pointant qui nous ramenait au réel des autres et nous terrifiait. A cette heure frappée sur l’enclume du forgeron qui n’arrête pas de ressouder les glissières de fer rouillé où filent les petites boules de marbre des bouliers il n’y a jamais moyen de retenir l’élan qui déjà alors nous rugissait au ventre et nous le réclamions muets de tout notre poids d’oiseaux incrustés de désarroi. Il n’y a pas eu moyen  de retirer de nos nuits comblées d’incendies le sifflet des locos galopant et leur écriture de suie en suspend.Train-de-l-Ardeche.jpg

A cette heure l’appel lointain des trains de ligne que notre jeunesse en souffrance dans une consigne dont on a depuis longtemps perdu les clefs porte gravé sur la bande son d’une mémoire de luttes communes fait écho à la solitude lancinante et bienheureuse des caravanes rivées à un même pas où la silhouette de la chamelle blanche de tête et celle du vieillard fermant la marche se fondent.

Ouaouf ! Ouaouf ! je l’entends il vient il remonte depuis la chair usée de mes pieds qui saigne et que j’enveloppe d’un bogolan ocre et noir jusqu’à la peau picorée par les chauve‑souris d’Afrique mes copines de mes oreilles. Il me prend et de toute la maladresse feinte de mon corps d’oiseau nocturne je me lance à l’intérieur du fouillis de son cri immense en avalant de petites boulettes de fumée au goût de réglisse que je régurgite en grognant. Ceux qui les recueillent au bas des talus hirsutes brandissant leurs crinières qu’il faut encore démêler ne savent pas qu’il s’agit des reliefs d’une fête où les gueux étaient les rois d’un temps de folie et de joie sauvage qu’on ne nous a pas pardonné d’avoir bu jusqu’à en finir avec la soif  des jours ordinaires. C’est que nous étions nous autres les hôtes d’une soif bien différente et ceux qui s’en sont doutés ont tout mis en œuvre pour que la rouille recouvre les rails des voies enfouies sous les fougères et les mousses de son chemin d’oubli.

Pourtant ça ne nous a pas arrêtés ni detroit32-copie-1.jpgça ni du reste le bêlement de meule des prophètes aux coupecoupes planqués dessous les haillons de drap rugueux qui les distinguent du peuple en bleu de chauffe parce qu’aucune de leurs prédictions de mauvais sort de leurs rhétoriques de pierre tombale de leurs compassions prônant la peine de commande et la justice des machines à sous ne peut se caler entre nous et notre désir tenace de la route. L’ivresse et la torpeur mêlées de nos corps liés au halètement de la loco Diesel libérant nos voix qui se ruent à la rencontre du tapage que font au dernier passage à niveau avant que l’obscur nous sépare les bergers les chiens d’herbes fraîches et leurs troupeaux enfants nous entraînent en direction de la Babylone Zéro parés de cette morsure nouvelle à la gorge.

Ligne de mire… Nous y serons bientôt et au bout du quai gavé de la quantité innombrable de cairns destinés à reconstruire les murailles de la cité et son rire déployé volé en éclats momifiée par les lambeaux d’affiches de pubs automobiles et de prix littéraires nous mangerons le soleil et nous boirons la lune prêtant nos flancs fatigués aux balais brosse des ouvriers de l’aube avant de repartir.

Alors il ne faudra pas s’étonner si quelque part dans une gare de montagne inconnue allongée lascive au milieu de la bande d’éléphants au front neigeux le chef de gare porteur du masque du lièvre Nyommo aux grandes oreilles les yeux roses écaillés de blanc offre aux voyageurs persuadés d’avoir rêvé une calebasse remplie de bière de mil afin de célébrer le rite de la plus haute saison du temps en marche et les invite à s’asseoir au pied du vieil acacia bleu portant sur lui les marques du feu céleste déposées là justement par Amma le dessinateur de l’univers. Non il ne faudra pas s’étonner… Ouaouf ! Ouaouf ! Mali---Danse-des-masques-en-pays-dogon.jpg 

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