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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 20:55

Déjà qu'il neige sur la lune suite...


Aujourd’hui ils ont décidélilimarleen.jpg

Hier ils décidaient déjà

J’avais douze ans et j’écoutais la chanson de Lili Marlene dans le train de bidasses qui m’emportait

Ils avaient décidé de mon présent de mon uniforme bleu marine et des gouttes de givre clouées

Sur mes joues et tous les gars qui somnolaient dans les gares avant le petit trou

Qu’ils vous font dans la tête quand tu as vingt ans et que tu ne sais pas ce qu’ils veulent

Lui criaient de continuer à chanter de ne pas les laisser comme des chiens errants au milieu du charnier

Et les lettres qu’ils écrivaient à leur petite fiancée

Ressemblaient aux miennes qu’ils ont déchirées en flocons de papier blancs

J’en avais deux valises pleines que j’ai éparpillés dans les rues de Charleville sous les tilleuls au printemps

On ne marche pas sur les traces des poètes

La neige couvre d’oubli la peau des parchemins au mont de piété et bourre de fleurs de coton le cornet des gramophones

Hey Lili Marlene ! devant la caserne est‑ce que tu sais qui tu es dis est‑ce que tu le sais hein ?

Aujourd’hui ils ont décidé

Hier ils décidaient déjà

Que les poètes les vrais ça ne court pas les rues ni les trottoirs d’ailleurs comme des chiens

Et les mots pareils à des clarinettes poignardées sur la porte de la cellule suent des fleurs de sang de sperme et de salive

Quand le gardien au matin vient chercher celui qui se balade muet avec sa langue bien pendu

Et ses poèmes lucides et frais comme des jeunes filles s’écoulent en caillots de sel et de givre

Dans les caniveaux où les trains foncent en gargouillant

Vers les gares abandonnées leur ventre lubrique livré aux troupes de mendiants amateurs

Virés des boîtes de Jazz de St Germain par les proxénètes à la pelisse de hibou Arfanglili-marleen.jpg

Les gardes-barrière gardent l’absence et ma collection de vynils

J’en ai choisi quelques‑uns pour le musicien de l’armée rouge avant que l’huissier chauve

Vienne mettre la main sur les breloques de ma vie qui ne valent pas un kopek

Tout ça tient dans une charrette des quatre saisons que je déplace selon les indications fantasques du cadran solaire

Sitôt que je serai mort ils se les partageront et ils empêcheront les gamins de Bamako de jouer aux billes

Avec les lampes de mes vieux Teppaz

Maintenant c’est l’hiver et les rêveurs remontent la mécanique de l’orgue de barbarie

Au fond des cours de Berlin de Vladivostok de Tunis de Marseille

S’ils sont deux ou trois à savoir qu’il neige sur la lune ça suffit comme ça

Et que Janis était folle des color TV et des Mercedes Benz

J’avais dix‑sept ans et j’écoutais Ho ! you know that I need a man mais il était un peu tard

Tu survolais déjà Stinson Beach dans ta robe de plumes blanches il allait falloir du temps

Hier ils avaient décidé qu’on ne traverserait jamais le Colorado ensemble à bord de ta Porsche rose 356

Hey Janis ! ils ne se doutaient pas que tu prendrais la poudre d’escampette comme un lemming arctique

Paré au suicide collectif avec la bande des 27 moulés dedans leur combinaison de scène clignotante feu brun feu blanc

Bien sûr qu’on est les seuls nous autres à pouvoir changer de parure camouflage et à s’évanouir fumée

Quand on veut et les chasseurs de trophée ne retrouveront que les griffes tigressesJanis_Joplin-Pearl_b.jpg

De nos ombres plantées dans l’enduit huileux des cachots d’Attica où on a pas fini

De se saouler à la vodka orange pour ne pas se souvenir qu’ils ont abattu George Jackson

Et Sam Melville avant le carnage final et cette fois ils ne se sont pas servi des matraques à Nègres

Pour cet après‑midi de chien où Mingus et sa contrebasse répétaient “ Remember Rockefeller and Attica… Remember… ”

Hey Janis ! avant de filer par la sortie des artistes de l’hôtel Landmark à LA est‑ce que tu savais qui tu étais ?

Est‑ce que tu le savais hein ?

 

 

A suivre...

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 23:18

“ devenir célèbre et se faire demander : 

pouvez‑vous venir faire une lecture ?Buko

pouvez‑vous être là à neuf heures ? ”

 

“ Et les grands chevaux blancs viennent lécher le givre du rêve ”

InLes jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines

Charles Bukowski

 

Ouaouf… Ouaouf ! C’est samedi matin je suis mal réveillée à cause de cette fichue épaule qui m’a verrouillé toute la night mes envies de pioncer j’ai les yeux qui me brûlent comme des fusées d’artifice manque d’air dans cette pièce où y a à la fois mon plum mes avalanches de bouquins mes peintures d’une époque y a longtemps les piles de cahiers où je balance mes dérives mes disques vynils mes fringues sales… pourtant fait si tellement froid avec chauffage impossible le plafond est à perpette et les radiateurs électriques ce que ça coûte hein vous savez ?… 

Je vais pas ouvrir les fenêtres en plus aérer ben voyons déjà que je m’asperge le bras d’eau glacée au réveil pour que la douloureuse fasse une pause le temps du p’tit noir quoi !… 

Le kaoua sans son parfum rugueux et brutal qu’on dirait une caresse de jeune neige je calte pas impossible… Ouaouf ! Je zigzague direction la cuisine pour me l’avaler avec fumée bleue garantie et Hop ! retour écran de l’ordi bol dans la paluche gauche pour zyeuter le courrier en fourrant mon tarbouif dedans sa bonne chaleur généreuse… j’attends rien mais c’est régulier quand on attend rien qu’il vous arrive les mauvaises nouvelles celles qui vous terrassent un ours en plein élan de framboises une petite dégustation gourmande le poil mouillé par la rosée des minuscules feuilles vertes retroussées à l’aube sous un gros soleil rond qui monte tout à son affaire il voit pas la chose survenir et Vlan ! 

Ça y est le dernier ours sauvage de la race des cavaleurs de sentiers à caillasses de ceux qui trouentla frontière pour retrouver les frangins ours direction Barcelone il a passé l’arme à gauche Ouaouf !… Ils ont plus à craindre les glandus les bouffons qu’écrivent avec les arpions et qui font la chasse à coups de pruneaux bourrés de plombs aux gribouilleurs des rues y en a plus un seul de la sorte peuvent baver tranquille la chienne et mézigue pas de risque qu’on s’approche de leurs boutique à foie gras sont bien trop mauvais alors ! Ouaouf ! 

Et voilà ! ce que je vous disais… le kaoua j’ai pas eu le temps d’en laper une gorgée que j’ai été mise au parfum qu’on allait pouvoir continuer à la sauter régulier la chienne Bonnie et cézigue vers la fin du mois c’est baguette carrés de chocolat pour bibi et pour l’affamée de lapins garennes faisans poules au pot et jambons crus c’est viande hachée limite périmée et faut pas se plaindre encore hein ? Le manus il a été refusé pour “ manque de fluidité dans l’écriture… ” ben ça si on pige ce que ça signifie nous autres ce mot qu’est la marque de fabrique de c’t’époque qu’il nous en rabattent le zéph par­‑dessus les esgourdes… “ faites‑moi un CV plus fluide… ” les relations avec les gugusses qu’on se farcit dans les endroits où ils vous coincent pour vous faire marner à des turbins dont vous avez rien à cirer doivent baigner dans la fluidité… même la Bonnie qu’a un cerveau en poudre de pollen si elle s’en tape de ce truc mou gluant baveux tout pareil que les milliers de pages imbuvables des torchons à vaisselle qu’ils pondent à la pelle eux autres... Ouaouf… Ouaouf !

Sans charre à chaque fois que je me les farcis ces tartignolles qui décident à votre place de ce que les gens ils vont comprendre ou pas à ce qu’on écrit à ce qu’on filme à ce qu’on peint… je repense à Antonin Artaud qui beuglait depuis son asile d’aliénés que le poète il n’a pas pire ennemi que ceux qui décident à sa place qui va pouvoir entraver quelque chose à ses histoires et qui du coup empêchent avec le plaisir malveillant des entremetteurs les gens de rencontrer son univers fulgurant… Pour ça que le poème de mon pote Buko que j’ai pioché au hasard dans son bouquin extra de poésies Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines il me fait bien marrer vu que pour sûr y aurait pas quelque chose de pire qui pourrait nous arriver à la chienne Bonnie la coureuse de caniveaux et à mézigue que d’avoir la plus petite fréquentation qui soit avec la célébrité ah ouiche ! 

N’avoir aucun compte à leur rendre jamais venir à l’heure à leurs rendez‑vous parce qu’on a du respect pour l’humain pas plus pas moins et donner aux gens ce qu’on a envie et puis Zouh ! on s’en retourne dans notre gourbi glacière où on a de visiteuse nocturne que notre copine la lune et basta ! Ouaouf ! Ouaouf !

 

Déjà qu’il neige sur la luneM-lune-overblog

Epinay, Samedi, 27 novembre 2010

 

Aujourd’hui ils ont décidé

Hier ils décidaient déjà

J’avais trois ans et j’écoutais Nina Simone chanter Never tired loving you

Et ils décidaient de mon futur de ma trace de mes clarinettes

Dès que j’ouvrais la bouche ils disaient tiens il neige sur la lune

Maintenant ils calculent la valeur de l’or qu’on suce dans l’éclatement

De mes oreilles sanglantes

Ils décident toujours de tout pour vous

A votre place ils lèchent le sel qui se dépose

Autour des petites flaques dessous les trous

Qu’ils vous ont faits dans la tête quand tu avais trois ans et que tu refusais

De dire qu’ils connaissaient la musique et ça n’a pas traîné

Ils ont déchiré les pages fulgurantes de tes cahiers et ils les ont données à manger à l’incinérateur

Des ordures ils ont dit que tu ne serais pas Rimbaud et que ça commence à bien faire

Hey Nina ! ma berceuse sauvage est‑ce que tu sais qui tu es dis est‑ce que tu le sais hein ?

Vous entendez cette trompette au bout de la rue je suppose ?

A moins que vous ayez du coton dans les oreilles je crois bien que vous l’entendez

Le type est là tous les jours à quatre heures cet hiver et il joue

Il est roux et sa peau ressemble à celle d’une orange de Kabylie complètement givrée

Ma parole il est venu de Vladivostok de Bakou ou de Gorki quand ils ont décidé

Que le cuivre avait autant de valeur que l’or

Et que les musiciens allaient devoir faire quelque chose d’utile

Il porte les bottes et la chapka avec l’étoile de l’armée rouge et il joue

Le concerto pour trompette de Haydn et les gens lui jettent des petites pièces

Et ils lui disent qu’il continue

Hey man ! mon frère de Stalingrad est‑ce que tu sais qui tu es dis est‑ce que tu le sais hein ?

Qu’il revienne après‑demain qu’il ne les laisse pas à nouveau seuls écartelés le couteau sur la gorge

Ça fait tellement longtemps que personne n’a joué pour eux dans la rue devant les façades sales

Qui dégoulinent de fièvre

Chaque soir ils font un détour avant de rentrer chez eux

Il y en a qui lui apportent à manger une assiette de soupe chaude

Alors il s’arrête un peu et tout le monde retient son souffle

Souvent il y a un Nègre avec un chien d’aveugle qui écoute debout droit au milieu du trottoir

Il salue le musicien de l’armée rouge plusieurs fois

Et le chien saute après les plumes de ara blanc qui sortent de sa trompette et s’envolent

Et le Nègre dit que c’était la même musique il y a un bail dans la 130e Rue de West Harlem

Hier quand ils décidaient déjà j’avais trois ans et j’écoutais Nina chanter Wo I am

Le type est là tous les jours il n’a pas peur de la neige qui commence à nous effacer

Aujourd’hui ils ont décidé

Hier ils décidaient déjà

Que nous n’existons pas et qu’ils abandonneront aux rats des laboratoires les caves où nous n’avons pas cessé de jouer

De la musique de Nègres d’écrire des poèmes furieux comme des chats à l’affût et des ivrognes au moment du partage de l’aube

Est‑ce que vous avez rencontré Bruno S avec son orgue de barbarie au fond d’une cour à Berlin après la guerre ?

Bruno S ne peut pas se battre contre ceux qui en ont et qui accélèrent pour écraser les chiens

Ceux qui fracassent une fille à coups de tabourets dans un bar et sur sa robe mouillée grimpent des tournesols

Hey men ! Je ne sais pas si vous les voyez hein ? 

Le métier de Bruno c’est ouvrier dans une fonderie et le samedi il descend de sa cuve de laitier miroitant

Où des nénuphars ailés se bousculent pour aller faire l’acteur dans un film de Werner HeLe peintre aveuglerzog

Bruno S a perdu la mémoire de sa mère qui faisait le trottoir et des poules qui dansent à la fin sur un tapis roulant mécanique

Ça vous dit quelque chose ? M’étonnerait qu’on se soit croisés un soir dans un ancien cinémascope de la rue de l’Ouest

Sûr que la vieille lanterne éclaire toujours un couple enlacé sous un réverbère ou sur un quai de gare

Hey Bruno ! toi qui rêvais d’être cavalier est‑ce que tu sais qui tu es dis est‑ce que tu le s ais hein ?

Ses anciennes chansons allemandes n’avaient rien à voir avec Lili Marlene 

Pourtant elle l’a cherché pendant des mois et il neigeait des cendres sur Berlin

Tous les soirs elle est allée l’attendre Vor der Kaserne

Mais personne n’est venu

 

 

A suivre...

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25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 21:19

Le testament de Yurugu suite...la-proie2000overblog

 

Je ne veux pas habiter ce monde !

Salut jeune fille à la parure de plumes rouges salut ! C’est toi qui as la première posé

Sur ma tête le masque de bois de la yasigine et son oiseau quand j’étais debout avec mon sac

Au bord de la route du pays du père et je n’avais rien à moi qui provienne de la case obscène

Des femmes mûres les prétendantes aux couteaux d’os qui retirent aux filles la vitesse

De l’antilope et le droit de savoir lire les traces de la création d’Amma c’est toi la première

Qui m’a fait monter les marches de la scène au milieu des danseurs à la cagoule de cauris

Nous avons échangé nos corps jumeaux et j’ai pris le sentier qui s’écarte surpris

Des manguiers de l’histoire commune et le renard pâle s’est chargé de ma mue qu’il a mangée

Avec le sel poudré des plaques appuyées aux pinasses de Mopti c’est déjà demain

Ah Yurugu !

 

Je ne veux pas habiter ce monde !

Vous qui vivez ici vous détruisez les maisons aux pièces étroites elles verdoient d’odeurs café

Et de cardamome clarté des murs brouillée par le mout épais des olives nocturnes broyées

Geste interminable de nos pères leurs mains de patience aux fils qu’on coupe

Ah ! qui se penchera sur leurs mains de jardiniers célestes ?

Leurs ongles hiboux grattent l’eau du port interdit saignant ses œillets sur la peau

De ceux qui ne sont pas arrivés Yurugu que la lampe de tes oreilles les protège

De l’autre côté d’Izmir et de Marmara la tombe se froisse de brisures mosaïques turquoise

Que le faucon de Leïla a recueillies au pied des portes de Babylone

Leurs vrilles flammèches devant les corbeaux rouges déments abreuvent le corps

De celui qui ne sera jamais un homme Yurugu que la pureté de tes yeux le berce

Je ne veux pas habiter ce monde !

Vous qui vivez ici vous rasez les maisons anciennes leurs cours fraîches à grenades à citrons

Couchés sur les dalles laiteuses qu’on lavait d’eau vive au temps où nos puits crépitaient

Vous les bourrez de sacs ordures au corail pointu qui fragmente des déchirures métal

Il n’y aura pas d’autre printemps avec les fleurs des citronniers

Elles éclatent et envoient leur écume comme des lessives de cocktails

Elles n’enflamment que nos maisons marines où sont gravés nos noms d’indigènes sacrilèges Sur les volets qui clignotent de goémons violets frappent sans fin frappent

Tambourinent rebondissent leurs mains qu’aucun élixir aucun miel d’oursins n’a noirci

De l’infâme reniement leurs paumes libres des charrues encrées au chant charbonnier

Du jus des fruits battent la cadence des drums d’écorce les troncs innocents

Des arbres de nos premières récoltes fourmillent du désir saxo clairvoyant et fougeux

Des blues men aux poings de nos pères les jardiniers célestes

Qui ne se sont penchés que vers la terre Ah Yurugu ! 

Ils feront un trou où mille hommes vêtus des armures de sable passeront à travers Aden 4 de couv

La muraille livide que les enfants ont déjà effacée de leurs rêves de l’autre côté du monde

Les trompettes insoumises aux cartons de lumière sourdes malgré les cris de guerre

Des rabatteurs leurs couteaux à équarrir logés dans la gorge des azurs

Les trompettes ouvriront les chemins de givre bleu flamboyants dans vos murs lamentables

 

Je ne veux plus habiter ce monde !

Vous qui vivez ici vous avez rejeté la fougue heureuse du babinu l’ancêtre commun

Notre mère père jumeaux nous avait donné les fruits crépuscules de minu l’arbre à karité

Les fleurs îles obscures d’oro le baobab sa jeune visite aux mares d’ambre verte

Et toutes les couleurs contenues nous avait donné le poisson kagu et son double

Qui multiplie le lait des seins de lune cambrés pour nos lèvres réglisse où glisse

La mésange impatiente l’hommage de l’homme qui ne vieillit pas à la boue du lébé

A dessiné nige l’éléphant au bout du museau écarlate de la falaise de Sangha

Il nous avait donné les maisons rectangles à la peau de rose et de gris

Qui coulent des larmes d’eau que Nommo verse dans l’outre du fleuve retournant

Sa queue de grand serpent vert vers la savane orangée au bord de la route du pays du père

Je sais que nous étions les fils du léopard tatoué d’encre blanche et d’encre noire

Les fils de l’antilope et du lézard indigo quand nous vivions dans le hameau luisant

De cendres la forteresse des Camisards avec Syrius sa lentille du phare d’ambre doux

A résisté au péril des chasseurs d’immonde à l’égorgement roux des hermines de sable

Et maintenant Yurugu on lui a retiré son nom de notre histoire

Nous étions prêts pour la transhumance et nous n’avions pas peur des hommes camouflés

Qui ont bondi dehors des essaims de hannetons d’acier et leurs reflets mordorés

Mordaient jusqu’au sang  porphyre ses pierres au cou A l’assaut Yurugu ! A l’assaut !Chercheur-d-innocence.jpg

Et qu’aucune fleur ne nous serve de bouclier cette fois nous n’avons pas fui

Par le chemin cuivré des crêtes où le Blue Train sorti exprès du Ballroom de Manhattan

Attendait qu’on monte dans la troisième voiture ses portières d’ébène ont claqué

En même temps que nos kalachnikovs Han ! 

Ah Yurugu ! Nous qui ne voulions ni la guerre ni la mort et ils sont descendus sur nous

Il nous croyaient fragiles et faibles mais nous étions rusés comme les enfants des usines

Nous étions très vieux et vêtus de marguerites nous étions armés de nos rêves impatients

Qui ont survécu à Stalingrad et à ses soldats solides glacés dessous leurs pelisses

De loups mis à notre mesure par le tailleur ténèbre du plateau le Blue Train en était plein

Il était passé par l’Ukraine et les troupeaux de chevaux sauvages le protégeaient

Il nous a rapporté les chapkas et les bottes de la Makhnovchkina et la neige nous a envoyé

Ses caravanes poudrées Ah Yurugu ! il a fallu tenir bon et on a tenu et puis ils ont ramené

Les obus au phosphore et le peuple a pris la piste de l’exil avec ses chèvres ses ânes

Ses charrettes une autre fois en direction du Sud et c’est toi Yurugu qui a écrit lhistoire 

A suivre...     

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23 novembre 2010 2 23 /11 /novembre /2010 23:55

Je t’écris commeMuse

Jeudi, 19 janvier 2006

A Louis

 

 

Je t’écris comme le cri d’une mouette

Sur la mer

Comme un grand vaisseau blanc menant au large

Ses rameurs sûrs

Et ses pirogues qu’on attend et qu’on charge

De poivre vert

Je t’écris lorsque ta sueur s’achemine

Claire obscure

Je t’écris quand des parfums d’algue marine

Jouent très fiers

Avec la chevelure des coraux roux

Et ma fourrure

Je t’écris comme bat la rumeur des vagues

Sa mesure

Comme un métronome cormoran dessous

Désordre vert

Qui remonte avec poisson d’argent et dague

Un bout d’azur

Je t’écris quand les oursins doux et leur bogue

Refont l’hiver

Dans des couvercles troués que nos narines

Nous capturent

 

Je t’écris comme un vrai carrousel qui tourne

Et s’exaspère

Je t’écris comme les chevaux recouverts

D’écailles dures

Qui s’ébrouent et s’arrachent à ces trop lourdes

Armures

Je t’écris quand la peau d’océan retourne

Nos rires clairs

Sur nous que de ses grands draps d’eau fraîche sourdent

Des volcans mûrs

Quand leur lave vient dans les rues de la terre

Toujours hivers

Je t’écris sur les voiles nues des navires

De haute mer

Comme un capitaine fou virant de bord

Et sa mâture

Arbres qu’on entend craquer fort et gémir

De leurs blessuresMoisonneur solitaire

Je t’écris comme on ne rejoint pas le port

De grande guerre

 

Je t’écris j’attends à quelques encablures

Ton feu vert

Pour lécher là ta sueur de pourpre et d’or

Voici Mercure 

Et son attelage d’oiseaux bleu marine

Tout à l’envers

Je t’écris sur la peau de ses pieds volant

L’encre et la pierre

Où j’attends qu’on broie les couleurs les plus fines

Purs clairs-obscurs

Et qu’Arlequin m’offre un peu avant l’aurore 

Ses chaussures

Pour marcher comme les mouettes frangines

Sur la mer

Et comme un grand vaisseau t’apporter câline

Mille parures

Dans mes cales pleines tous les mots encore

Des poèmes inconnus te comblant d’azur.

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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 20:37

Enfer blanc

Jeudi, 19 mai 2005

 immeubles-bleus-3-foules-copie.jpg-petit.jpg

Les cités bavent leur lave volcanique

La nuit

De gros soleils blancs nous empêchent de dormir

De rêver

Une bagnole volée aux maîtres de tôle

Et d’acier

D’où se tord un cordon de fumée comme d’un

Tippi

Rend à notre herbe qui pousse fort sous l’antique

Macadam

La colère de la terre qu’on nous a

Volée

 

La Cité aime se couvrir de neige blanche

La nuit

Nous courons sur elle avec nos extincteurs

Enchantés

Nos édredons et nos oreillers le portail

Electrique

S’entrebâille nous étoufferons l’incendie

A temps

Pendant qu’un enfant d’Afrique sous un soleil

De plomb

Dans une boîte de conserve fabrique

La nuit

Une petite bagnole à la carcasse en

Fer blanc

 

Indiens des Cités ! Les oreillers de tôle

Et d’acier

De vos volcans endormis sont de vrais cocktails

D’enfer

Que nous ne parviendrons pas toujours à couvrir

A temps

De neige et de plumes carboniques pour rire

Dans nos lits

Des brasiers que vous allumez avec les choses

Maudites

Qui empoisonnent la terre l’herbe les roses

Volées

Par les grands prêtres agenouillés sur la lave

MacadamFer-blanc.JPG

De nos Cités dont la bave volcanique

La nuit 

Recouvre les gros soleils blancs qui entravent

Nos rêves

Et le corps d’un enfant d’Afrique endormi 

A temps

Contre une petite bagnole à la carcasse

En fer blanc.

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 19:41

A Zied et à Bouna pour dire que je ne vous oublie pas

En mémoire du 28 octobre 2005Zyed-et-Bouna.png

Cette image je l'ai empruntée au blog dédié à Zyed et à Bouna :

http://www.zied-bouna.c.la / http://zied.bouna.free.fr

 

 

Crèvent cœur

Mardi, 27 décembre 2005

A Zied et à Bouna

 

Est-ce qu’on peut me dire pourquoi

Nos tortues rêves ne suivent pas

Les lièvres vifs de nos dérives

Musardant mais prêts à tout

C’est qu’elles préfèrent jouer je crois

Aux combats de nos mains de bois

Sur la scène on tue nos livres

Et tous ces mots qu’on ne dit pas

Enchantent leurs carapaces ivres

Ailés nos pieds ne courront pas

Dans des fourrures de loups

Au fond de nos caves des plateaux de cuivre

Soleil ! Et nos feux te survivent

 

Nos campagnes obscures dévêtues

Filent des bas de soie aux reines brèves

Des ordures partout c’est la relève

Dans les asiles des fous

Qui approchent la coupe des lèvres

Crèvent nos cœurs debout

 

Est-ce qu’on peut me dire pourquoi

Les troubadours affûtent le glaive

Des rois On perce nos tortues rêves

D’une navette aux abois

Les artistes comptent leurs sous

Muets quand les gardes marchent sur nous

Aux lièvres vifs le terrier fait trêve

D’émois Leur cœur est pris sous

Une banquise qu’on ne lèche pas

Langue grise langue de bois

Et sur la scène on attise

La haine des rois contre les fous

Mais de leurs condamnations on se joue

 

Ailés nos pieds ne fuiront pasLiberté

Les dentiers d’or des maîtres jaloux

Leurs maisons d’ombre les prostituent

Ils n’ont rien mais ils croient avoir tout

Fous nous irons jusqu’au bout

Au fond de nos caves les grelots de cuivre

Soleil ! Et nos feux te survivent.

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 19:09

Le testament de Yurugu suite...

Au pays Yorouba 

Je ne veux plus habiter ce monde ! 

C’est le cri de Gao le premier cri du fils d’Amma le frère jumeau que le griot m’a donné

Amma soleil brasero qui veille sur une terre généreuse et sur les habitants de la falaise

Qui ont creusé les demeures des ancêtres et sur leurs corps qui ne se hisseront pas

Dans la chambre du baobab il l’a nourrie de son lait des rêves et de l’eau des paroles

Qui est la parure du Nommo avant que les jumeaux ne se séparent et qu’elles s’enfouissent

Au creux des puits à histoires du Sud dont personne ne retrouvera plus la trace

Le fantôme de l’Afrique mise en sacrifice à l’intérieur du corps du buffle blanc

Le combattant ultime dépecée par la cohorte des hommes pâles servie par les troupes

D’hommes sombres couronnés de rubis de sang les nains souverains des charniers

Enroulée dans son boubou suaire de pétales crèmes les fleurs d’oro le baobab

Au nectar pressé des quartiers de lune ne s’ouvrent que la nuit et les bigarades

Mouillent de jus amer ses petites nattes le fantôme de l’Afrique paré de tous ses masques

Que les dieux de la pluie abreuvent des 266 signes d’Amma les bummō des créatures

Qu’il a dessinées pour qu’elles existent danse et chante dans le ventre de la falaise

Il veille sur les trous creusés par les ancêtres jumeaux les sanctuaires des vieux masques

Pillés par l’avenir le totem au faciès blafard qui a marqué les enfants de la transhumance

Du sceau de l’impuissance et la haine carcasse royale nous a laissé ravis tout arrêter

Jusqu’au spectre du manque sa faux diamantée l’huile des beaux forages nous a trahis

Je ne veux pas habiter ce monde !

 

Ah Yurugu ! Le fantôme de l’Afrique migratoire danse et ses peuples chassés silex de Nubie

Blond des terres fertiles ses peuples Sonrhaï mes frères par Gao le jumeau aimé enfantement Des pharaons noirs les Sorko maîtres des eaux poursuivis par Do maîtres des terres amants

Des chevaliers à l’armure de haute laine assis sur le dos d’Aya le crocodile et les armées

Peaux nues d’hippopotames cuirasses grises tatouées nénuphars et de lamantins jusqu’auCreation.jpg

Delta orangé du fleuve Niger que le Bani fait boire de son bleu remontent ils ont créé la ville

Gao la souveraine la bosse rose de tes chameaux s’est arrêtée là et la tombe spirale des princes

Hérissée de bâtons retient le nyama de tes poissons multipliés par le Nommo et l’argent

Des lampes mouillées dans les remous de tes rives qui flambent leurs chants d’arbres

Ah Yurugu ! Les pêcheurs Sorko ont quitté la cité sa forge  aux pendants rubis

Mamadou Touré l’a montée sur l’anneau des Askias Gao au creux de son boubou blanc Mirage sculpté dans le sel et la perte des caravanes le Sahara les a prises il a rendu

Les chamelles stériles et les hommes du fleuve sont repartis plus loin encore les prairies

D’herbes grasses du lac Debo ont attaché leurs pieds les essaims de pies alçyon secouent

Leurs dominos de plumes pour un carnaval festin au­‑dessus des filets dansent les cuisses

De karité roux des femmes leurs pagnes feuilles de palmiers couvent des enfants fruits doux

Les pêcheurs des pinasses rouges dansent ! Les pêcheurs des pinasses jaunes dansent !

Mes frères par Gao ont rejoint les pêcheurs Bozos et les cornes du taureau à chaque bout

De la pirogue affûtées comme le couteau du nomade tranchent les  paquets de joncs

Les îlots fluorent de l’émeraude perçante et de l’ivoire des peaux s’étirent les tentes teintes

Avec la lumière pareille à des berceaux au bord des eaux au bord des ciels deux lapis‑lazuli

Taillés au fond sinueux des cavernes de Sar‑e‑Sang et descendus à dos de géants

Les Bouddhas jumeaux les ont soutenus et les Nommo les gardent du malheur semé ici

Reflets miroitant les paillotes et les voiles aux rectangles de tissus clairs cousus

Drakkar de bois d’ombre qui crèvent l’acier tendu des rives volent les filets

Au‑dessus du safran poussière jaune des dunes ramènent des papillons de nacre

Tombés du soleil pour les enfants cacao princes parés de trésors grenadilles

Petits navigateurs à la proue des pinasses rouges qui dansent pagaie levée

Comme lance paisible des pinasses jaunes qui dansent Ah Yurugu !

Je ne veux pas habiter ce monde !      

 

Comme nous mon frère Gao les jumeaux vivaient à l’intérieur de l’œuf de terre volé

A la termitière et sur sa peau de la couleur du renard pâle Amma a réuni les signes pour écrire

L’histoire des hommes d’avant qui ont peuplé les flancs offerts et chauds de Badiagara

Les hommes aux tuniques de coton écru la nuit empreinte vive des triangles indigo

Yurugu l’errant dedans la poussière brune de brousse égaré ses pattes griffent à la recherche

Du mot qui veut dire âme dans la langue des hommes le nyama du peuple amant qu’il a perdu

Yurugu le devin tu peux écrire notre destin la chair échange de nos paumes ouvrières

Sur le sable de la maison couchée que les chasseurs dessinent à l’écart des totems

Et les seigneurs des masques l’appellent Ah Yurugu ! Yurugu !

Amma a modelé sa femme la terre un jour avec ses deux mains et il a jeté le croissant d’argile Rouge comme le feu des braises dans le ciel il y en a qui disent que c’était un œuf

Grand comme le monde qui est né des mains bonnes d’Amma mais moi je dis que

C’était un croissant comme la lune cuite au four de la colline et trempée dans l’eau du Raku

L’eau des jarres ouvertes où les femmes de Kalabougou plongent les poteries

Sorties des braises grasses de l’acacia bleu moi je dis que nos mains de potiers

Retourneront ce monde Ah Yurugu ! Je peux dire ce que je veux car je n’appartiens

A aucune caste et j’ai droit à la parole sur le plateau de cuivre soleil à l’aube tu me l’apportes

La parole de Gao le premier jumeau mon frère est celle de l’ancêtre griot 

Qui ne m’a pas refusé le droit de raconter le monde tel que je l’ai vu derrière le masque

De l’antilope walu que Yurugu le renard pâle reconnaît penchée sur l’eau des marigotsMasq

Et il la laisse boire Ah Yurugu ! il est temps !

 

Je ne veux pas habiter ce monde !

Gao mon frère jumeau les a provoqués et ils exigeaient de moi que j’écrive

L’histoire comme ils la racontent de l’autre côté de la falaise de Badiagara

De l’autre côté de Mopti et ses pirogues au museau pointu que le Maître des eaux a quittée

Où les lances de turquoise et de cobalt du fleuve Bani creusent les chairs rouge fer du Niger

Il est temps de rejoindre les lavandières avec leurs bassines de tissus multicolores

Leurs corps plantés entre les pinasses comme des nacelles qui balancent les coques obscures

Et leurs rectangles turquoise mandarine ou safran et leurs toits de paille tressée

Ah Yurugu ! De l’autre côté sur les colonnes des tagu‑na les couples humains

Attendent avec le masque du lièvre Yanda et de la gazelle que la cérémonie commence

Il est temps !

De l’autre côté du fleuve les femmes qui devaient me protéger m’ont enfermée

Dans la maison du sang elles m’ont touché l’épaule droite pour connaître mon soleil

Et la joie stérile de mes hanches qui ont donné naissance à un fils de lune l’enfant de Gao 

Dans la peau verte des tamariniers Yurugu le renard pâle a laissé l’empreinte de son nom

Lõmmo l’arc‑en‑ciel esprit de l’eau qui jaillit dehors de la bouche des puits anciens

M’a donné les couleurs pour commencer à repeindre les portes du monde

Ah Yurugu ! Il est temps !

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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 23:40

Couvre-feu

clichy-sous-bois.jpg

Sous les braises attendent des flammes géantes

Un couvercle très lourd leur a cloué le bec

Qu’est-ce qu’il y a cousin qu’est-ce qui nous hante

Ça fait bien longtemps que chez nous le ventre est sec

Bouent plus les haricots piments sur le feu doux

Des bois du foyer manger faut se débrouiller

Dehors c’est bien cousin couvre pas la marmite

Des feux qu’on a mis trop longtemps à allumer

Ils ont partagé nos royaumes tam-tam joue

Qu’est-ce qui nous reste à nous qui nous reste à nous

Des bouteilles vides essence et fleurs brûlantes

Et les guns braquées sur nous la nuit tam-tam joue

Ne couvre pas le feu cousin nos poings hésitent

A retourner la terre des brasiers d’hier

Où nos vieux ouvriers la cité est maudite

Dans leurs boubous rouges marchaient de griots fiers

Saison d’enfer cousin Ho ! bientôt c’est l’hiver

Pour se réchauffer comment on va faire Hein ?

 

Vivre faut se débrouiller alors on invente

Ici pour les palabres les bancs c’est béton

Bouteilles de Coca c’est Mickey qui nous tente

Avec ses grandes dents dans nos trottoirs goudrons

Sous les braises attendent des flammes géantes

Ne couvre pas le feu cousin Ho ! tam-tam joue

Achète ! Et puis voilà la sirène qui vient

Voiture rouge noie le cœur des incendies

Qui bat dessous nos peaux belles rages ardentes

Faut pas brûler le monde ici c’est interdit

Ici c’est interdit mais ailleurs tam-tam joue

Ils ont saccagé nos royaumes les parkings

Echangent réverbères contre sacs poubelles

Où ripaillent les chats Ho ! ici c’est chez nous

Nous ont entassés là on est les rois du ring

Faut pas qu’ils viennent cousin nous faire querelle

Faut pas nous neiger carbonique tam-tam joue

Nous poursuivre notre peur est incandescente

 

Qu’est-ce qui nous reste à nous qui nous reste à nous

Des braseros d’enfance au maïs pétillant

Dans les jantes ouvertes des foyers d’accueil

Les vieux ont raconté encore on les entendrevolte-petit.jpg

De leur rêve insensé faut qu’on porte le deuil

Ne couvre pas le feu cousin Ho ! tam-tam joue

Notre passé toujours allume notre sang 

Black notre désir va craquer ses allumettes

Black comme une fille heureuse la nuit attend

Qu’on monte à l’assaut Ho ! qu’on lui fasse la fête

Qu’on arrache les suaires des griots fiers

Pas devenir comme eux froissés usés cassés

Sous les braises sommeillent les flammes géantes

Mickey va digérer ses bagnoles cramées

Ici c’est chez nous cousin fais un feu d’enfer

Pour couvrir de cendres le monde qui nous hante

Ouais ci c’est chez nous cousin Ho ! tam-tam joue

Tam-tam joue comme un fou notre histoire naissante.

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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 00:01

Le testament de Yurugu suite...

Visage oiseau

Ah Yurugu ! qui dessinera ton visage sur la terre ?

Les doigts de lave du Hogon qui a sculpté le grand serpent noir le dyon de l’arc‑en‑ciel

Ne connaissent pas ton image toi le fils du chacal et de la lune verte

Amma t’a donné la souplesse de l’herbe qui retire la soif et il t’a travesti à l’aube

D’un vêtement de pies alcyons pour que les joueurs de dominos attablés saouls de cardamome

Aux tripots de nos mégapoles dans leurs boubous qui gardent l’odeur du maté et du bissap

Ne séparent pas la nuit du jour et d’un costume rubis d’oiseaux guêpiers au crépuscule

Ah Yurugu ! qu’ils ne te voient pas sinon ils te captureront dedans la cage de bambous

Pour déchiffrer l’alphabet tabou de tes empreintes griffées à la crête des dunes violettes

Leurs oreilles drapées de coquillages dans la plaine de Séno où ils ne peuvent poser

La peau de leurs talons car ton frère au bouclier de feu blanc a semé des braises vivantes

Qui croquent tout en bas de l’ornière grave de leur destin

Ah Yurugu ! Surtout qu’ils ne modèlent pas avec la boue noire du fleuve Niger ta silhouette

Parmi les gourdes ocres des brasiers de Kalabougou pour que tu poursuives ta transhumance

Et que nous reprenions ensemble après les murailles affolées par les griffes aigues

Et les fumées nébuleuses des ordures ventouses la route des hauts plateaux gris

Où la lame minutieuse des Camisards m’a signée à l’épaule droite Ah Yurugu !

Nous voilà sur le sol de cendres fondues en émail laiteux où ma jeunesse

Et sa volée de frondes croquait des narcisses au nez d’hermines nous échangions de la neige

Aux voyageurs égarés qui cherchaient la passe pour rejoindre une armée et ses munitions

D’œillets rouges le long des vergers d’orangers qui comburaient fort

Devant les trognes éblouies des paysannes leurs châles noirs bourrés de grenades

Et leurs paumes d’olives incendiaires nous échangions de la neige neuve

Contre les morceaux déchirés de coton ancien tâché jauni d’une somptueuse carte au trésor

Car les rivières qui descendaient entre nos chevilles de géants et nos pieds d’arbres

Pépitaient d’or nous voilà encore avec nos danses sur la route des hauts plateaux gris

Huilés par le suint du ventre couché des troupeaux des bijoux d’ébène et d’argent à leur cou

Que les forgerons de Mopti poseront demain devant le temple du binu comme une offrande

Vigoureuse aux flancs de la terre souillée de leurs bouillies de fer vénéneuses

De leurs bouillies de charbon gluantes au pied des deux tours rondesAvec-les-ch-vres-70.jpg

Pareilles aux cheminées de nos fours à Raku et nous attendrons la pluie debout

Dessous les crochets à nuages avec la chèvre maîtresse du troupeau fière coléreuse habile

A fendre les ajoncs jaunes barbelés son grand collier d’ébène et nos bracelets d’alliance

Où pend la pierre polie pour qu’on sache d’où nous venions

  

Ah Yurugu ! que nous retournions à la demeure ancienne accrochée au poitrail

Des hameaux noircis encaustiqués d’astres tourbillonnant dans leurs lits de fougères

Et donnant des fêtes impures à la tribu des enfants qui ont fui la Babel de jade

Afin que la malédiction qui pèse sur le clan des hommes fossoyeurs des hommes dépeceurs

Des hommes rabatteurs sur ceux qui ont vendu le nyama de leurs arbres jumeaux

Aux écorcheurs d’animaux heureux cesse avec nous et que nous portions

Jusqu’au regard de l’épervier mimant le lièvre nyommo le prince glorieux du plateau  

Et sa couronne de petits diamants bleuis le masque de jeune fille le yagule aux cauris blancs

Ses lanières d’épaule et nos seins pointés à l’intérieur de la côte d’écailles du lézard sombre

Nous allions à la rencontre des hommes rugueux comme leurs orgues montagnes hirsutes

Et les tuyaux de hameaux où les vents jappent des concertos ricochant sur les dalles

Cirées par le piétinement des chevaux sans cavaliers aux lourds harnachements de l’hiver

Ah Yurugu ! tu les menais à notre rencontre en hordes claires nous qui n’avions jamais eu

Ni montures farouches ni tentes nomades nous étions prêts à la cérémonie des vieux Indiens

Au pain de châtaignes et au lait âpre où plonge le lapis‑lazuli joyau frais lavé du soir

Les bergers des Causses ont pansé nos pieds avec du saindoux et de la sauge

Ils nous ont donné les couvertures de coton écru et nous avons dormi

Enroulés dans l’odeur du troupeau nos doigts fragiles ont trié la laine et le chardon

Aux veillées des transhumances avant de repartir sur les pistes sèches des terres du Sud

Ah Yurugu ! les tables des devins ne nous ont pas dit que la kinè des animaux tabous

La tortue la gazelle le guépard nous attendaient de l’autre côté et qu’il fallait faire vite

Ce monde est venu il nous a chassés et nous n’avons pas su nous défendre

 

Je ne veux pas habiter ce monde

Où mon corps comme la jarre de terre crue qui n’est pas allée au feu ne peut rien retenir

Ni eaux salées ni eaux douces qui rendent notre maison commune chère

A nos mémoires desséchées Ah Yurugu ! Nous étions nombreux à faire la transhumance

Quand leur vieillesse accrochée aux promesses d’or des temples Incas et des galeries

Du Witwaters Rand s’acharnait sur nos cartes d’état‑major où les bergers indigènes du Larzac

Avaient tracé au crayon rouge les traverses du plateau par là c’était facile d’échapper

A leurs jeeps qui déchiraient les couvertures de laine roses des mélèzes de leurs pneus

Crépitant en haut des routes forestières et nous savions tout de leur histoire

De conquistadors et nous savions tout du rapt de la terre d’Afrique qui a nourri nos pères Jeune-fille-lisant-70.jpg

Du lait abondant de ses chamelles blanches et nous savions tout de leurs mains écarlates

Qui ont tranché les poignets d’ébène de nos pères esclaves ouvriers paysans voyageurs

Ah Yurugu ! Je ne veux pas habiter ce monde !

Qui m’a enfermée dans les miradors de béton avec les rêves des adoumboulou morts

Nos ancêtres et leur grand masque du Lébé qu’ils nous ont confié pour soixante années

En attendant que l’étoile du Fonio ait fait le tour de l’horizon et les petits chevaux noirs

Creusant des sillons maigres pour semer nos graines météores nous les fils d’Indiens

Nous avons inventé le chemin qui mène de l’autre côté nous avons appris la langue des griots

Ah Yurugu ! Je sais que notre rêve était bon

A suivre...

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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 22:02

Je juxtapose sans hésiter ce poème intitulé " Palestine " et un court extrait du livre d'entretiens sur la poésie de Mahmoud Darwich parce que c'est évident qu'il n'y a aucune comparaison possible entre l'un des plus grands poètes arabes et mézigue et parce que aujourd'hui plus que jamais j'ai envie de dédier ce poème aux Palestiniennes et aux Palestiniens... 

Palestine

 Mardi, 25 avril 2000

 Des deux côtés de ton nomAllumeuse de soleil. 2jpg

La veilleuse d'un visage de femme

Petite lampe de l'huile première

Pressoir qui garde un peu de la lumière

Et du cœur d'un village

Qui n'existe plus

 

Des deux côtés de la verrière rose

Monte la nef mouvante

L'ondoyante mémoire

La minuscule flamme penchée d'un corps de femme

Qui écrit

 

Dans la nuit d'une ville

Où des cœurs pressés des hommes

L'huile ne coule pas

Pour allumer les lampes

 

De chaque côté du nom de ton absence

Je sais la lueur de son attente légère

Et sa douleur crépitante

Surtout que personne ne vienne

L'étreindre et la prendre

Elle rayonne jusqu'à la voûte

Où des nichées de livres

Réveillent l'ombre de ce qui demeure

 

De chaque côté de la verrière s'envole

Rose auréole d'or doux Sa chevelure

Et me sépare de l'obscur Et du sang

Des chevaux courant à l'intérieur de Guerre

Qui me nomment étrangère à sa chaleur

Femme familière Sœur

 

De l'autre côté de ton nom Terre

Sept branches d'un petit arbre de bronze

Dessinent le fruit gorgé de l'huile première

Une solitude semblable à la mienne

 

Brûlant au poignet de sa main qui écritRivage

De l'autre côté de la verrière

Qui n'existe plus                      

Rose opale les cinq pétales

Ses doigts de femme s'allumant

Dans la fente d'une chandelle

Retirent de la main des enfants les pierres

Et tracent sur la page le nom des villages

Disparus

Surtout que personne ne vienne

M'éteindre sa douceur première

 

De chaque côté de son visage aimant

Brille le corps d'un village endormi

Que berce dans son sillage mouvant

La minuscule flamme penchée d'un désir de femme

Qui écrit.

 Amandiers.jpg

" Arbre mon frère. Ils t’ont fait souffrir tout comme moi. Ne demande pas miséricorde pour le bûcheron de ma mère et de la tienne. "

“ Le Discours de l'Indien Rouge ” Mahmud Darwich

 Entretiens sur la poésieEntretiens-sur-la-poesie.jpg

Mahmoud Darwich ( Auteur ), Abdo Wazen ( Auteur ), Abbas Beydoun( Auteur ), Farouk Mardam-Bey ( Traduction ) Ed. Actes Sud, Collection “ Mondes Arabes ”, 2006

Les cinq entretiens avec Abdo Wazen ont été publiés dans le quotidien arabe de Londres Al‑Hayât, en décembre 2005. Celui avec Abbad Beydoun est paru dans le quotidien de Beyrouth As-Safir, le 21 novembre 203

Présentation de l’éditeur :

     Dans ces cinq entretiens avec le poète libanais Abdo Wazen, Mahmoud Darwich apporte de précieuses informations sur sa vie et son œuvre, et notamment sur ses derniers recueils marqués à la fois par un renouvellement thématique et par une grande exigence formelle. Prolongeant son précédent livre d’entretiens, La Palestine comme métaphore, il précise ses positions sur l’engagement politique de l’écrivain, rend hommage à quelques grands poètes européens du XXe siècle, aborde sa production poétique arabe depuis le début des années 1950 jusqu’à nos jours et, surtout, explique comment naît un poème, à partir d’une idée, d’une sensation, d’une image ou d’une cadence. L’ensemble est sous-tendu par sa lancinante réflexion sur la frontière ténue entre la poésie et la prose.

L’entretien avec Abbas Beydoun complète ses propos sur le métier de poète et sur les débats qui agitent la scène poétique arabe.

Abdo Wazen – Vous avez dépassé la soixantaine, mais vous ne cessez de rajeunir sur le plan poétique ?

Mahmoud Darwich – Mon secret n’est pas si compliqué.

Abdo Wazen – Il n’est pas simple non plus !

Mahmoud Darwich – Je ne dis pas qu’il est simple d’un point de vue littéraire, mais il l’est dans ma manière d’en parler.

D’abord, je ne me satisfais jamais de ce que j’écris et je suis perpétuellement en quête d’un nouveau langage qui permette à ma poésie de devenir … plus poétique, si je puis dire. J’essaie sans relâche d’alléger la pression qu’exerce le moment historique sur mon écriture poétique sans pour autant ignorer ce moment.

Ensuite, je ne crois pas aux applaudissements. Je sais qu’ils sont passagers, trompeurs, et qu’ils peuvent détourner le poète de la poésie. Je suis en fait hanté par cette idée parce que je n’ai pas encore écrit ce que je voudrais écrire. Vous me demanderez : “ Et que voulez-vous écrire ? ” Et je vous répondrai : “ Je n’en sais rien ! ” Je me meus dans une contrée inconnue, à la recherche d’un poème qui soit capable de dépasser ses conditions historiques, de vivre dans un autre temps. Voilà ce que je cherche, mais comment parvenir à l’expliciter ?

Il n’y a pas de réponse théorique à cette question. La réponse se situe forcément dans la création poétique elle-même. Tout ce qu’on dit à propos de la poésie n’a de sens que s’il est réalisé effectivement, dans l’écriture poétique. Je suis toujours inquiet, insatisfait de ce que je fais, et c’est là mon secret.

Je vous dis en toute sincérité : je ne lis jamais ma poésie, je ne la relis pas, si bien que je l’oublie. Cependant, avant de la publier, je ne cesse de la réécrire et de la polir. Une fois le recueil édité, je considère qu’il ne m’appartient plus, qu’il appartient désormais aux lecteurs et aux critiques.

La questions la plus difficile que je me pose alors est la suivante : que faire maintenant ? Je me sens totalement démuni, habité d’une inquiétude existentielle. Serai-je capable d’écrire de nouveau ? Chaque fois que je publie un livre, j’ai l’impression que c’est le dernier.

Site de François Xavier sur Mahmoud Darwich

http://mahmoud-darwich.chez-alice.fr/entretiens.html

mahmud_darwich.jpg  

 

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