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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 14:25

INVESTIG'ACTION michelcollon.info

 

“ Bush en Irak, c'était formidable. Vous en reprendrez bien un peu en Libye ? ”

 

Michel CollonMichel-Collon.jpg

 

L'Otan se déclare prête à intervenir en Libye.

Nous voilà tout émus. Ainsi, ceux qui bombardent les civils en Afghanistan, veulent au contraire les protéger en Libye. Ceux qui n'ont pas levé le petit doigt quand Israël massacrait Gaza, se prennent tout à coup d'un amour immense pour les Arabes !

 

La larme à l'oeil, Bernard-Henri Lévy appelle à nouveau à la guerre, comme il le fit contre l'Irak. Mais la guerre humanitaire n'existe pas. La guerre pour le pétrole, si. Henry Kissinger ( chef de la diplomatie US sous Nixon ) avoua, un jour de franchise : “ Les grandes puissances n'ont pas de principes, seulement des intérêts. ”

 

Même si on veut que ça cesse, les Libyens ne souffriront pas moins sous une occupation par les Etats-Unis. Bush l'a prouvé en Irak, Obama en Afghanistan. Drogues, violences, terreur...

 

Tout en soutenant les revendications légitimes des peuples, et en réprouvant toute violence dictatoriale, on se souviendra que toutes les guerres des USA ont été bâties sur des médiamensonges. Chaque info ou prétendue info sera donc analysée avec l'émotion de la solidarité, mais aussi avec la raison de l'expérience...

 

Si la guerre humanitaire existait, les USA et l'Europe seraient intervenues pour sauver Gaza.

 

Extrait du direct du journal en ligne Le Monde ce matin jeudi, 3 mars 2011

 

Hugo-Chavez.jpgDe son côté, le président vénézuélien Hugo Chavez s'est entretenu avec Mouammar Kadhafi d'une proposition d'envoi d'une mission internationale de paix pour régler le conflit, a annoncé Caracas mercredi.

 La Ligue arabe dit étudier le plan de paix proposé par le président vénézuélien Hugo Chavez pour mettre un terme à la crise en Libye, jugeant prématurées les informations faisant état d'un accord. La chaîne Al-Jazira affirme que Mouammar Kadhafi et la Ligue arabe auraient accepté la proposition d'Hugo Chavez.

Caracas propose l'envoi d'une mission de médiation internationale formée de représentants de pays d'Amérique latine, d'Europe et du Moyen-Orient pour tenter de négocier une issue entre le pouvoir libyen et les forces rebelles.

La Ligue arabe, qui s'est prononcée contre une intervention militaire extérieure directe, a indiqué qu'elle pourrait s'associer à une zone d'exclusion aérienne en coopération avec l’Union africaine.

Chavez‑Kadhafi

Hugo Chavez s'est entretenu avec Mouammar Kadhafi d'une proposition d'envoi d'une mission internationale de paix pour régler le conflit en Libye, a annoncé mercredi le ministre vénézuélien des communications, Andres Izarra.

Lundi M. Chavez avait lancé cette proposition formée par plusieurs pays amis qui puisse faire office de médiateur entre le dirigeant libyen et les insurgés, en condamnant toute intervention militaire, qui, selon lui, serait “ une catastrophe ”.“ Et si au lieu d'envoyer des marines et des avions nous envoyons une mission de bonne volonté pour aider à ce que nos frères cessent de s'entretuer ”, avait-il déclaré.

“ Les Etats-Unis se sont déjà dits disposés à envahir la Libye. Et presque tous les pays d'Europe ” ont condamné la Libye. “ Que veulent-ils ? Le pétrole libyen , avait ajouté Chavez, qui dans les derniers jours a exprimé son appui au gouvernement de Kadhafi tout en gardant une certaine distance.

“ Moi, je ne peux pas dire que j'appuie, je soutiens et j'applaudis toute décision quelle qu'elle soit que prend un ami quel qu'il soit où que ce soit dans le monde, Hugo-Chavez-Michel-Collon.jpgavait notamment indiqué M. Chavez vendredi au cours d'un conseil de ministres. “ Mais oui, nous appuyons le gouvernement de Libye, l'indépendance de la Libye. Nous voulons la paix pour la Libye et nous devons nous opposer radicalement aux volontés d'intervention , avait-il ajouté.

Le Venezuela et la Libye se sont rapprochés ces dernières années. M. Chavez avait déclaré lors d'une visite de M. Kadhafi dans son pays en 2009 que les deux pays étaient “ unis dans un même destin, dans la même bataille contre un ennemi commun , l'impérialisme américain.

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 14:46

Le temps des peuples retrouvésfanon2.jpg

Epinay, dimanche, 20 février 2011

 

 

“ Le bruit rapide et tranquillisant des cités libérées qui rompent leurs amarres et s’avancent grandiloquentes mais nullement grandioses, ces anciens militants aujourd’hui admis définitivement à tous leurs examens qui s’asseyent et… se souviennent, mais le soleil est encore très haut dans le ciel et si l’on écoute l’oreille collée au sol rouge, on entend très distinctement des bruits de chaînes rouillées, des ‘ han ’ de détresse et les épaules vous en tombent tant est toujours présente la chair meurtrie dans ce midi assommant. L’Afrique de tous les jours, oh ! pas celle des poètes, pas celle qui endort, mais celle qui empêche de dormir, car le peuple est impatient de faire, de jouer, de dire. Le peuple qui dit : je veux me construire en tant que peuple, je veux bâtir, aimer, respecter, créer. Ce peuple qui pleure quand vous dites : je viens d’un pays où les femmes sont sans enfants et les enfants sans mère et qui chante : l’Algérie, pays frère, pays qui appelle, pays qui espère.

C’est bien l’Afrique, cette Afrique‑là qu’il nous fallait lâcher dans le sillon continental, dans la direction continentale. Cette Afrique‑là qu’il fallait orienter, mobiliser, lancer à l’offensive. Cette Afrique à venir. ”

 “ Unité africaine ” in Pour la révolution africaine Frantz Fanon

Librairie François Maspéro, Paris, 1964, 1969.

 

Je ne sais pas si vous êtes comme moi et si vous frémissez d’enthousiasme à la perspective fumante de fêter vos 55 ans de vie à bord du rafiot d’un monde sénile que dans notre jeunesse insoumise des seventies on s’acharnait à envoyer par le fond pendant que Salvador Allende se suicidait dans le Palais de la Moneda à Santiago du Chili le 11 septembre 1973 et que les avions de combat et les détachements armés des militaires qui l’avaient trahi détruisaient tranquillement le gouvernement de l'Unidad Popular, en même temps que ce dont nous autres les rescapés d’utopie on n’a pas cessé de rêver… Cette révolte des peuples d’Afrique que Frantz Fanon l’écrivain antillais militant de l’Indépendance algérienne imaginait avec l’intuition des passeurs de témoin quand il rédigeait ses articles à Tunis dans l’équipe des animateurs d’El Moudjahid dont ce sont les premiers numéros en 1957 qui renvoie à nos quinquets ravis quasi soixante ans après sa lumineuse évidence nous n’avons pas cessé de l’attendre…

Bien qu’on ne sache pas du tout quel avenir révolutionnaire pourra sortir sa tête de jeune tournesol encore fripé et prêt pour l’ensoleil total et sa bonté ni si la chaleur de l’astre rayonnant à Tipaza de gloire et de grandeur suffira à multiplier l’élan des fleurs solitaires que sont redevenus chacun des peuples après la grande et furtive union des Indépendances pour qu’ils se rejoignent enfin comme dans la toile du peintre de la maison jaune d’Arles en une nouvelle jeunesse éblouissante et fraternelle on ne peut pas ne pas croire que Fanon qui va mourir en 1961 sans avoir vu l’Indépendance de l’Algérie se réaliser ni “ cette Afrique à venir ” qu’il contribue à préparer à partir de mars 1960 durant sa mission en Afrique occidentale à Accra la capitale du Ghana, sait déjà d’où nous viendra le vent brûlant d’espoirs anciens et neufs de notre libération commune d’une commune aliénation…

En fait pris par sa passion urgente pour la prise de conscience de tous les peuples noirs qu’il aurait sans doute appelés le peuple noir et pour ce que Aimé Césaire nommait dans Discours sur le colonialisme les deux problèmes majeurs “ que la civilisation dite ‘ européenne ’, la civilisation ‘ occidentale ’, telle que l’ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre ” “ le problème du prolétariat et le problème colonial ”, Fanon sans hésiter a fait le choix de l’action dans le contexte d’une guerre de libération dont il était certain qu’elle était à la fois portée par une âme populaire et à la fois par le désir de tout Africain de rompre définitivement le tissage où il se trouve noué parmi les autres à la toile de l’esclavage.

 

“ Mettre l’Afrique en branle, collaborer à son organisation, à son regroupement, derrière des principes révolutionnaires. Participer au mouvement ordonné d’un continent, c’était cela, en définitive, le travail que j’avais choisi. ”

Notes écrites au cours de la mission en Afrique occidentale in “ Unité africaine ”, 1960

 

En revoyant les images du film de Patricio Guzman La bataille du Chili tourné entre 1975 et 1979 sur les décombres abandonnés aux caillots secs et aux épines barbelées sans mémoire de ce qui avait été une tentative de construction d’un autre état des choses humaines une société du peuple en actes et en devenir j’ai toujours du mal avec les dernières visions de ce peuple fuyant au moment de l’attaque de la Moneda par les forces associées des Empires fabriques d’esclaves et laissant Allende seul avec ses quelques compagnons face à l’oubli qui vient déjà… Moi qui ai toujours cru savoir avec Fanon que les peuples mais peut-être avant tous les autres les peuples d’Afrique par le fait qu’ils ont été tenus esclaves si tellement long temps sont capables de “ prendre l’absurde et l’impossible à rebrousse‑poil et lancer un continent à l’assaut des derniers remparts de la puissance coloniale ” ce que j’ai vu à Tunis et au Caire me redonne courage et foi en nous qui sommes aussi enfants de ce peuple rebelle et partageuxfanon_frantz_castro_fidel_03.jpg

Le temps est‑il venu enfin un temps réel et non plus un temps fantasmé un temps mis entre parenthèses du temps historique et laborieux ( ce temps volé de vie par chaque journée de travail abrutissant et répété ce temps fracassé ce temps en miettes ) des peuples où nous cesserons de regarder en arrière d’une manière nostalgique pour renouer le lien entre les actions accomplies et celles en train de se réaliser ? Un temps d’imagination populaire devenue action et création quotidiennes dans ce creuset des foules qui savent à nouveau s’organiser en communes et qui devrait être le nôtre… Un temps qu’on aurait pu appeler au moment où Fanon écrivait sur ce futur de l’Afrique le temps des peuples retrouvés ?

 

“ Entre la rupture avec le passé algérien avec, comme conséquence, l’installation dans une colonisation rénovée mais continuée et la fidélité à la nation transitoirement asservie, le peuple algérien a choisi. ”

El Moudjahid, n°22, 16 avril 1958

A suivre...

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 20:01

Voyage d’une fille de banlieue au gré du Journal de mes Algéries en France suite...leila-petit.jpg

Leïla Sebbar

Et quelques lignes plus bas : “ J’ai photographié les oiseaux migrateurs de la brasserie Les Cigognes boulevard Vincent-Auriol, dans le XIIIe à Paris, et le carré au-dessus : COUSCOUS – TAGINES – MÉCHOUI – GRILLADES Il y a sûrement d’autres cafés avec cigognes. ” Tenir un Journal… c’est une idée qui ne me serait pas venue à l’esprit tant il me semble que mon présent doit rester comme les tags des murs gris de la Cité improvisé et sans lendemain…

Mais en me plongeant dans cette liste des “ cafés avec cigognes ” que dresse Leïla je songe à mon émotion quand j’ai retrouvé sans doute avec d’autres propriétaires mais toujours des Algériens, à Aubervilliers rue Lécuyer juste à côté de l’usine de choucroute transformée en atelier de théâtre qui se trouvait en face de notre sixième étage avec le chiffonnier et la brûlerie d’ordures le même café où je regardais les Algériens quarante ans plus tôt boire le thé à la menthe lorsque nous revenions le samedi des commissions avec ma mère… La nostalgie que je lisais alors au fond de leurs yeux sans le savoir me bouleverse encore aujourd’hui. Tenir un Journal pour parler d’eux… oui peut-être… mais accepteront-ils eux de me raconter comme l’a fait durant six ans mon ami Jean Pélégri… oui… accepteront-ils ?…

 

Alors Leïla, pourquoi cette idée d’un Journal pour retrouver une à une les traces de ces “ Algéries dans la France ” ? Un Journal ça s’écrit au présent non ? Et là il s’agit du passé que tu réécris en le mêlant à ta vie aujourd’hui et à celle des Algériens-Français que tu rencontres. Est-ce le regret que ton père ou ta mère n’aient pas tenu eux-mêmes un Journal racontant ce métissage qui est aussi le tien ?

 

L. S. : Le journal est une forme parmi d’autres pour dire, rêver, lire, écrire au jour le jour et entrevoir les correspondances, les échos, les résonances d’un fragment à l’autre qui formeront la tribu métaphysique ( qui n’a pas existé ) d’une rive à l’autre. Ça m’amuse, ça m’émeut, ça m’inspire…

 

Barbès… La Chapelle… Stalingrad… Jaurès… tout ce Nord de Paris qui est en fait un morceau des Faubourgs juste de l’autre côté des Grands-Boulevards… ces faubourgs il n’y a pas si longtemps encore étaient à l’extérieur de la ville elle-même et c’est là que vivaient les “ couches populaires ” voire paysannes rejetés désormais dans les périphéries. Là se mêlent encore Maghrébins, Juifs marocains et tunisiens, Africains et aujourd’hui asiatiques à cette part de la population de la cité qui tient à ce pluralisme humain, à ce métissage et à la richesse qu’il nous offre. Ce rêve de l’ailleurs qui nous a nourris et enchantés nous mômes des faubourgs et des banlieues il est le même que celui des premiers émigrants partis vers ce qu’on nommait alors “ les colonies ”, un rêve d’immensité et de découverte vite transformé en une conquête injustifiée et méprisante en un vulgaire esclavage…

 

“ Début novembre

C’est le Ramadan. Boulevard Rochechouart, rue Polonceau, rue des Poissonniers, rue Myrha… (…) Contre la grille bleue de l’école maternelle, sous le drapeau tricolore, un écrivain public, assis. Il attend le client. Rare. Partout des boutiques de téléphone. L’écrivain de la rue des Islettes est revenu. Pour combien de temps ? ( … )

Métro Château Rouge. La cigogne des vins d’Alsace à migré chez Vivrelec, publicité EDF. Elle s’est multipliée, quinze cigognes passeront l’hiver au chaud chez l’homme qui leur donne l’hospitalité. ”

 

A ce passage du Journal je songe à mes nombreuses flâneries juste un peu plus bas sur les boulevards en direction de Nation. Boulevard de Ménilmontant à cet endroit si arabe de Paris juste au moment du Ramadan. Dès que le soir tombait j’allais partager la chorba à la rupture du jeune dans un des petits restaurants du Boulevard que j’aime bien à cause de ses faïences bleues jaunes et blanches. Ce temps désormais révolu a cédé la place après la mort de mon ami Jean Pélégri, à celui du deuil et de l’écriture. Celui du “ Kateb ” ainsi que le nommait Jean littéralement “ l’écrivain public ” qui écrit ce que les autres lui disent.

Je songe à Alger que je ne connais pas et aux rues de la Kasbah peintes par Louis Bénisti dont j’avais vu alors les toiles chez Jean à cette Algérie imaginaire nourrissant mon rêve d’écriture que les artistes algériens m’ont offerte… J’ignorais qu’après la mort de Jean j’aurais entre les mains les lettres magnifiques qu’il avait reçues durant toute sa vie… lettres de peintres et architectes de la Kasbah tels que Louis Bénisti, Jean de Maisonseul, ou même de Le Corbusier. Ce rêve d’Algérie enrichi par leurs mots mêlés à ceux des poètes et écrivains orientaux demeurerait le mien ici à Paris au bord de la Seine…lettre-leila-petit.jpg

Colonel Fabien… la rame rentre sous la terre alors que je lis en date de “ Mars ” à la page 12 “ L’ingénieur agronome Guy Langlois met sa science au service du domaine agricole qu’il conçoit à la manière des utopistes du siècle précédent. ” ( … ) “ …à Sébaïn-Aïoun dans le Sersou, entre Tiaret et Vialar ”… et un peu plus loin page 14 et 18 : “ Oui, Sebaïn a existé. Oui, Sébaïn aux soixante-dix sources était belle et prospère. Oui, Sebaïn était généreuse. ( … ) Je veux l’écrire, cet homme-là a entrepris pour lui, sa famille et les Algériens une œuvre bénéfique qu’il aurait souhaité poursuivre en Algérie comme Algérien, de la même langue et de la même terre. ( … ) Peut-être le père de l’écrivain Jean Pélégri, colon, fils de colon dans la Mitidja, est-il mort du chagrin de n’avoir pu, comme Guy Langlois, de n’avoir pu… ”

 

       Ce que j’aime dans tes livres sur la quête d’une mémoire algéro-française, c’est qu’il n’y a pas de choix de mises à l’écart ni de jugements de valeur permettant d’exclure l’un ou l’autre de cette mémoire. Tu traces le parcours d’un témoignage où harkis, tirailleurs algériens, Algériens et Français engagés dans les combats de libération, Pieds-Noirs acteurs ou non de l’Algérie indépendante, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont vécu cette période de l’Algérie coloniale sont nommés et reconnus. Alors qu’en règle générale dans les livres on trie la “ bonne ” et la “ mauvaise ” mémoire. Comment s’est passée pour toi la prise de conscience de ce travail de témoignage, de cette enquête minutieuse qui s’inscrit aussi dans ton écriture romanesque ?

       Il y a certainement des gens que tu as détestés dans ce parcours de tes Algéries en France lors de tes voyages dans les différentes régions afin de retrouver ce qui allait faire la matière de ton livre, les as-tu volontairement écartés de ton “ Journal ” afin de retrouver le fil d’une “ Algérie heureuse ” celle qui a certainement existé, comme l’affirmait l’écrivain Jean Pélégri en dépit de la situation coloniale ?

 

L. S. : Ce qui m’intéresse dans ces histoires multiples et paradoxales prises dans l’Histoire collective, c’est d’en approcher l’intime, la chair, bonheur et malheur, les causes gagnées, les causes perdues, l’amour et la mort qu’on se trouve du côté du vaincu ou du vainqueur. J’ai souvent cette prétention de tout comprendre hors de moi, avec l’acuité du regard et de l’intelligence sensible que me donne ma position singulière d’être de l’Orient et de l’Occident, aujourd’hui à la bonne distance je crois, sous les haines qui peuvent nous habiter lorsque nous sommes sous influence.mes-algeries-en-france-petit.jpg

 

 Belleville… Couronnes… Ménilmontant… Ici à chaque station où s’arrête la ram e  de métro les gens qui montent sont presque tous d’origine métisse ou dite “ étrangère ” voilà quarante ans que nous ne pouvons plus faire semblant de vivre à l’écart de la culture et de l’histoire des autres. Voilà qu arante ans que nous oblitérons leur existence de femmes et d’hommes et ne prenons aucun soin de leur réalité et de leurs rêves. Voilà quarante ans que nous écrivains et artistes continuons d’aller nous dépayser ailleurs alors que l’histoire des gens qui vivent avec nous demeure à faire entrer dans nos imaginaires dans notre art et dans notre créativité afin quelle y prenne enfin la place qui est la sienne.

 

A suivre...

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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 15:36

      Il y a plusieurs jours que je veux vous écrire quelques lignes au sujet de ce qui se passe en Libye qui n'est pas du tout à mon avis semblable aux révolutions tunisienne et égyptienne mais compte tenu de mon peu de connaissances concernant ce pays et de la difficulté de trouver des articles fiables et de bonnes sources... j'ai préféré attendre...

      Voici un article publié par le site qu'anime Michel Collon Investig'Action qui correspond à ma propre analyse des faits et qui vous permettra d'y voir plus clair dans ce chaos d'infos pas toujours bien vues...

 

La Libye et l’impérialismeworld_in_hands.png

Sara Flounders

 

24 février 2011

 

De toutes les luttes qui se déroulent actuellement en Afrique du Nord et au Moyen‑Orient, la plus malaisée à décortiquer est celle qui se passe en Libye.

Quel est le caractère de l’opposition au régime de Kadhafi et qui, rapporte-t-on, contrôle actuellement la ville de Benghazi, dans l’est du pays ?

Est-ce précisément une coïncidence si la rébellion a démarré à Benghazi, située au nord des champs pétroliers les plus riches de la Libye et proche en même temps de ses oléoducs, gazoducs, raffineries et port GNL ? Existe-t-il un plan de partition du pays ?

 Quel est le risque d’intervention militaire impérialiste, ce qui pose un très grave danger pour la population de toute la région ?

 

La Libye n’est pas comparable à l’Égypte. Son dirigeant, Mouammar Kadhafi, n’a pas été une marionnette de l’impérialisme comme Hosni Moubarak. Durant de nombreuses années, Kadhafi a été l’allié de pays et de mouvements combattant l’impérialisme. En prenant le pouvoir en 1969, à la faveur d’un coup d’État militaire, il a nationalisé le pétrole libyen et a utilisé une grosse partie de cet argent pour développer l’économie libyenne. Les conditions de vie se sont considérablement améliorées, pour le peuple.

Pour cette raison, les impérialistes étaient bel et bien décidés à écraser la Libye. En fait, en 1986, les États-Unis ont lancé des frappes aériennes sur Tripoli et Benghazi, lesquelles avaient tué 60 personnes, dont la petite fille de Kadhafi – chose que l’on mentionne rarement dans les médias traditionnels. Des sanctions dévastatrices ont été imposées à la fois par les États-Unis et par les Nations unies, afin de couler l’économie libyenne.

 Après l’invasion de l’Irak par les Américains, en 2003, et la destruction d’une grande partie de Bagdad via une campagne de bombardement orgueilleusement baptisée “ shock & awe ” ( choc et terreur ) par le Pentagone, Kadhafi a tenté d’écarter d’autres menaces d’agression contre la Libye en faisant d’importantes concessions politiques et économiques aux impérialistes. Il a ouvert l’économie aux banques et sociétés étrangères, il a abondé dans le sens des demandes d’“ ajustements structurels ” émanant du FMI, privatisant ainsi de nombreuses entreprises de l’État et réduisant fortement les subsides de l’État à l’alimentation et au carburant.

 Le peuple libyen souffre de ces mêmes prix élevés et du chômage à la base des rébellions qui éclatent ailleurs et qui découlent de la crise économique capitaliste mondiale.

 

Il ne fait pas de doute que la lutte pour la liberté politique et la justice économique qui balaie actuellement le monde arabe a également trouvé son écho en Libye. On, ne peut douter que le mécontentement suscité par le régime de Kadhafi motive une section signification de la population.

 Toutefois, il est important que les progressistes sachent qu’un grand nombre des personnages dont l’Occident fait la promotion en tant que dirigeants de l’opposition sont à long terme des agents de l’impérialisme. Le 22 février, la BBC a montré des séquences où l’on voit à Benghazi des foules qui arrachent le drapeau vert de la république pour le remplacer par celui du monarque renversé ( en 1969, NdT ), le roi Idris – qui avait été une marionnette de l’impérialisme américain et britannique.

 Les médias occidentaux appuient une bonne partie de leurs reportages sur des faits supposés, fournis par le groupe d’exilés du Front national pour la sauvegarde de la Libye, formé et financé par la CIA américaine. Cherchez sur Google en introduisant le nom du front plus CIA et vous découvrirez des centaines de références.

 Dans un édito du 23 février, The Wall Street Journal écrivait ceci : “ Les États-Unis et l’Europe devraient aider les Libyens à renverser le régime de Kadhafi. ” On n’y dit mot des chambres de commission ou des corridors de Washington sur une intervention destinée à aider le peuple du Koweït, de l’Arabie saoudite ou du Bahreïn à renverser leurs dirigeants dictatoriaux. Même avec tout le semblant d’intérêt accordé aux luttes de masse secouant la région actuellement, la chose serait impensable. Quant à l’Égypte et à la Tunisie, les impérialistes tirent sur toutes les ficelles possibles pour retirer les masses des rues.

 Il n’a pas été question d’intervention américaine pour aider le peuple palestinien de Gaza quand des milliers de personnes ont perdu la vie suite au blocus, aux bombardements et à l’invasion par Israël. Ce fut exactement le contraire : les États-Unis sont intervenus afin d’empêcher la condamnation de l’État sioniste occupant.

Il n’est pas difficile de voir où résident les intérêts de l’impérialisme, en Libye. Le 22 février, Bloomberg.com disait, à ce propos, que, tout en étant le troisième pays producteur de pétrole de l’Afrique, la Libye est en même temps le pays qui possède les plus importantes réserves – prouvées – du continent, avec 44,3 milliards de barils. C’est un pays à la population relativement peu nombreuse mais qui doté d’un important potentiel de production de bénéfices pour les compagnies pétrolières géantes. Voilà comment les grosses fortunes voient la Libye et c’est ce qui sous-tend les préoccupations qu’elles expriment quand aux droits démocratiques du peuple libyen.

 Obtenir des concessions de Kadhafi ne suffit pas, pour les barons impérialistes du pétrole. Ils veulent un gouvernement dont ils peuvent disposer directement, le cadenasser, le tenir en dépôt et le mettre en fût. Ils n’ont jamais pardonné à Kadhafi d’avoir renversé la monarchie et nationalisé le pétrole. Dans sa rubrique “ Réflexions ”, Fidel Castro, de Cuba, met en exergue la soif de pétrole de l’impérialisme et met en garde contre le fait que les États-Unis posent actuellement les bases d’une intervention militaire en Libye.

 Aux États-Unis, certaines forces tentent de lancer au niveau de la rue une campagne de promotion en faveur d’une telle intervention américaine. Nous devrions nous y opposer carrément et rappeler à toutes les personnes bien intentionnées les millions de morts et de personnes déplacées provoquées par l’intervention américaine en Irak et en Afghanistan.

 

 Les progressistes éprouvent de la sympathie pour ce qu’ils considèrent comme Libye.jpgun mouvement populaire en Libye. Nous pouvons aider un tel mouvement en soutenant ses revendications légitimes tout en rejetant toute intervention impérialiste, quelle que soit la forme qu’elle puisse revêtir. C’est au peuple libyen qu’il revient de décider de son avenir.

 

 Traduit de l'anglais par Jean-Marie Flémal pour Investig'Action

Source : www.michelcollon.info

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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 00:13

Voyage d’une fille de banlieue

au gré du Journal de mes Algéries en France

de Leïla SebbarLe-la.jpg

 

 Jeudi, 7 avril 2005 12 heures…

Je lis Journal de mes Algéries en France de Leïla Sebbar que j’ai reçu il y a quelques jours et que j’emporte avec moi au travers de mes pérégrinations dans la banlieue debout à l’intérieur de la rame de métro parmi les gens qui montent nombreux à cette heure de midi sur cette ligne 13 très populaire qui m’emmène de Saint-Denis où le bus d’Epinay m’a laissée et après un autre changement à Place Clichy pour sauter dans la rame de la ligne 2 tout aussi populaire Barbès-Nation...

Le Journal de mes Algéries en France de Leïla me fait penser à cette mémoire des gens avec lesquels j’ai grandi ici, au cœur de cette banlieue Nord-Est de Paris et que je retrouve désormais trois fois par semaine ... ce ne sont pas les mêmes évidemment mais leur présence me demeure familière et je me sens ici « chez moi »... quand je me rends dans une des Cités où les vieux Maghrébins ceux que Leïla nomme « les chibanis » se mêlent sur les trottoirs aux jeunes Blacks et aux jeunes Maghrébins de la deuxième ou de la troisième génération,fils de l’immigration laborieuse des années 60...

En lisant le Journal de Leïla qui a choisi cette façon de remonter par bribes vers la mémoire des Algériens en France et puisque c’est son histoire des Français en Algérie le sentiment que j’ai toujours eu qu’il fallait donner à celles et à ceux qui habitent dans ces lieux dits « ban-lieues » où on les a faits venir et d’où ils ne sont jamais repartis la mémoire de ce que leurs parents ont vécu ici il y a quarante ans quand ils sont arrivés se renforce à chacune des stations où le métro s’arrête pour charger encore d’autres voyageurs au regard absent... Saint-Denis Porte de Paris… Carrefour Pleyel… Mairie de Saint-Ouen… autant de noms qui pour nous nés à l’intérieur de ces espaces marginaux que sont les périphéries des grandes villes résonnent de la même musique brutale que pour les « chibanis » ayant travaillé durant quarante ans chez Renault ou chez Citroën et pour leurs fils qui sont nos camarades de la zone.

Porte de Saint-Ouen… à la page 25 du Journal de mes Algéries en France à la date de « Fin avril » alors que nous sommes au début de ce mois d’avril à peine printanier je découvre ces lignes qui me parlent très intimement... Il s’agit de quelques phrases que lui a dites un vieil Algérien qui a connu son père. « (…) Tu nous as oubliés… Tu as oublié le pays et nous, les Algériens… » (…) « Vous êtes une fille de mon quartier. J’ai lu vos livres. Le Clos Salembier, c’est pas ce que vous dites, mais vous êtes la fille de Mohamed, vous êtes la fille de mon quartier, je vous aime bien. Bonne journée. » Au changement de la Place Clichy je descends de la rame le livre à la main avec la carte à la dédicace pour ne pas perdre la page... En croisant le regard tranquille d’un vieux Maghrébin qui s’éloigne vers la sortie un sac à carreaux roses et blancs de chez Tati à la main je me demande si moi aussi je suis une « fille de leur quartier »...

 dedicace-petit.jpg

Et toi Leïla, ne te sens-tu pas plus proche parfois de ces vieux algériens ceux que tu nommes dans tes livres « les chibanis » ceux de la première immigration algérienne que des intellectuels qui sont les immigrés récents des années 90 ?

 Ton enfance algérienne, dont tu as longuement parlé dans tes livres, et ta relation privilégiée à ton père cet « étranger bien aimé » ne t’a-t-elle pas mise dans un contact intime avec les gens de la population algérienne parce qu’ils approchaient ton père et ta mère à l’école qu’ils étaient là partout, simplement présents même sans les connaître ni parler leur langue ?

 Un contact affectif et fort qui n’est pas de l’ordre des idées échangées mais de ce qu’on ressent de la même manière une souffrance partagée pour ce qui nous échappe d’un paysage d’une fraternité tant désirée réciproquement comme l’évoquent si bien les mots de cet homme qui te téléphone chez toi la nuit pour te parler ?

 

 

Leïla Sebbar :  Mon étonnement depuis que j’écris c’est d’éprouver une si profonde familiarité avec chibanis, chibanias, pères et mères maghrébins des enfants nés en France dans l’exil parental (Shérazade, Momo le Chinois vert d’Afrique, Jaffar de JH cherche âme-sœur, celui qui revient après de longues années d’absence dans le HLM familial de Parle mon fils, parle à ta mère, republié en avril 2005 et les autres) affinités particulières avec ces enfants-là, filles et garçons de la 2°, 3° génération aujourd’hui. Etonnement, parce que je n’ai jamais vécu, de corps, avec des Algériens et des Algériennes dans la maison, sauf Fatima et Aïcha avec lesquelles je ne vivais pas et qui ont aidé ma mère à la maison, l’une après l’autre pendant les années Hennaya. J’ai ainsi hérité malgré les apparences, malgré la domination coloniale et le silence de la langue de mon père, dans la maison d’école, de ce qui fait que je peux, sans me tromper, parler de mes sœurs étrangères, de mes frères étrangers. 

 

      Tenir un Journal, quelle idée étrange… c’est ce que je pense en m’installant dans la rame de la ligne 2 à côté d’un homme d’allure asiatique qui épluche soigneusement des lechees dont il jette les écorces roses au fond d’un gros sac en plastique rempli de courses et qu’il déguste sans voir personne autour de lui... Ecrire de petites notes à la manière de celles et de ceux qui comme Leïla,savent qu’en les publiant ils préserveront une part de ce qui n’a pas été mis en mots de leur histoire et de celle des gens qui l’ont partagée...Oui… des mots qui racontent une histoire quotidienne qui malgré sa précarité et surtout à cause d’elle et de la fugacité de ses instants est la nôtre… Et pour ce qui nous concerne nous qui avons la certitude d’appartenir à une réalité métisse partir à la recherche de l’histoire de celles et de ceux qui participent à cette réalité avant que la mort ne les engloutisse...leila-jean.jpg

Au moment où je lève la tête attirée par la lumière de la station Barbès qui est sur la partie aérienne de la ligne je songe que le quartier où Leïla rencontre elle les Algériens de Paris se trouve juste à l’opposé de celui-ci que traverse la ligne également aérienne encerclant la ville par le Sud... La ligne 6 qui longe le marché du Boulevard Auguste Blanqui où on trouve de la menthe fraîche et de la coriandre avec la même abondance que par ici... Au moment où la rame repart je lis page 32 du Journal de mes Algéries en France à la date de « Mi-juin » : « Rue de Tolbiac, dans un coin de La Postale à lui seul réservé, un chibani algérien roule une cigarette en buvant un ballon de rouge. Au pied du verre, le paquet jaune « Le Zouave » ZIG-ZAG qu’on trouve encore dans certains tabacs. Le buraliste de L’Ariel vend des « Zouave ». Pour combien de temps ? »

 

 

A suivre...

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20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 21:54

Cet article est publié sur le site : www.info-palestine.net

Égypte : l’explosion des revendications ouvrières

Dimanche 20 février 2011Armee-egyptienne.jpg

Viviane Lafont - Lutte Ouvrière

 Bien peu de temps s’était écoulé depuis l’annonce du départ de Moubarak avant que les généraux du Conseil militaire suprême affirment dans un communiqué télévisé - le numéro 5 - que les “ Égyptiens honorables savent que les grèves, dans cette période délicate, produisent des résultats négatifs ” et “ appellent les citoyens et les syndicats professionnels et ouvriers à assumer leur rôle de la meilleure manière, chacun à sa place ”.

 Les travailleurs, ces “ Égyptiens non honorables ” sans doute, avaient depuis le départ du dictateur multiplié les mouvements de grève et les sit-in, au Caire et dans d’autres villes. Le responsable d’une organisation syndicale d’opposition jugeait même plus juste, plutôt que de se demander qui est en grève, de poser la question : “ Qui ne l’est pas ? ”.

On peut, malgré l’éloignement, se référer à de nombreux témoignages pour constater que, dans de multiples secteurs de l’industrie et des services, les travailleurs sont mobilisés pour que leurs revendications essentielles, sur les salaires très insuffisants, les conditions de travail souvent moyenâgeuses et la précarité des emplois, soient exprimées, publiquement, dans cette “ période délicate ”, comme la nomment les militaires au pouvoir.

Dans une Égypte de 85 millions d’habitants environ, comprenant près de 27 millions d’“ actifs ”, plus de la moitié de ceux-ci survivraient, selon une statistique syndicale récente, dans le secteur que les économistes nomment “ l’économie informelle ”, de ces petits jobs que tous les travailleurs des pays pauvres connaissent de près. Les autres, quelques millions de paysans pauvres, quelques millions de petits employés de l’État et quelques millions d’ouvriers et employés, ont depuis longtemps accumulé les raisons de se révolter.

Le salaire moyen, quelques centaines de livres égyptiennes, soit 50 à 70 euros, permet difficilement, même en cumulant plusieurs emplois, d’assurer à la fois le logement, les études des enfants et la nourriture de la famille. Dans de nombreux secteurs de l’industrie, étatisée ou privée, ainsi que dans la fonction publique, les emplois sont précaires et l’embauche n’est même pas obtenue, parfois, après des années dans la place. Dans les usines du textile, du ciment, dans des services, les équipes de douze heures, six jours sur sept, les heures supplémentaires non payées, sont quasiment la règle. Seul un syndicat officiel, appendice du pouvoir, réglait jusqu’à présent les salaires et les conditions de vie, en “ négociant ” avec directeurs d’usines et patrons !

 Les mouvements de la classe ouvrière se sont bien heureusement rendus très visibles quelques jours déjà avant le départ de Moubarak. Pour n’en citer que quelques-uns : 1 500 travailleurs de l’hôpital de Kafr ez-Zayyat, dans le delta, ont organisé un sit-in sur les salaires, bloqués depuis des années ; des milliers d’ouvriers de l’immense usine textile d’État de Mahalla el-Kubra ont fait grève pour les salaires et l’embauche des précaires. Les 15 % d’augmentation des ouvriers d’État annoncés en hâte par Moubarak avant son départ ne couvriraient, selon des syndicalistes indépendants, que l’inflation d’une année... 2 000 grévistes à la Coke Companyd’Helouan, dans la banlieue sud du Caire ; 400 dans l’aciérie de Suez ; des grévistes dans les usines d’armement.

Et après le 11 février les mouvements se sont étendus. 4 000 ouvriers des différentes minoteries de l’est du delta exigent 70 % de hausse de salaire. Ceux de la sucrerie d’El Fayoum, les employés de la poste, de la pétrochimie, de la banque nationale, de certains ministères formulent les mêmes revendications, et pour cause !

On ne peut pas dire que ces mouvements soient nouveaux, même s’ils sont étendus à de nombreux secteurs, s’ils semblent plus visibles en tout cas. Depuis plusieurs années, les grèves se sont multipliées dans l’industrie et les services, pour obtenir par exemple des primes permettant au moins de rattraper l’inflation, mais aussi pour tenter d’imposer des syndicats indépendants du pouvoir. Une vaste mobilisation des employés des impôts a ainsi abouti à la constitution d’un syndicat indépendant, le premier alors reconnu par le pouvoir. Et surtout, en 2007 et 2008, au milieu de mouvements qui depuis longtemps n’avaient pas compté autant de participants - plusieurs centaines de milliers de grévistes dans le pays au total, selon une ONG - deux importants mouvements ont bloqué à chaque fois pendant plusieurs jours la grande usine textile de Mahalla el-Kubra, où 24 000 ouvriers fabriquent les profits des privilégiés proches du pouvoir, des banques et des groupes capitalistes occidentaux.

Pour ses intérêtsEnfants-egyptiens.jpg propres, mais aussi pour ceux des millions de pauvres qui survivent avec moins de 1,5 euro, ou ceux des petits paysans spoliés depuis tant d’années d’au moins 6 millions d’hectares de terre, la classe ouvrière égyptienne a, espérons-le, seulement commencé à faire entendre sa voix.

18 février 2011 - Lutte Ouvrière - Vous pouvez consulter cet article à :

http://www.lutte-ouvriere-journal.o... 

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 19:59

Déjà qu'il neige sur la lune suite...La-famille-maternelle-avril-1923.jpg

 

Aujourd’hui ils ont décidé

Hier ils décidaient déjà

J’avais 47 ans et je descendais du métro sans armes sans coursiers vernis de pollen station Porte d’Orléans

Ma ligne d’horizon finit ici Hey Man ! je n’irai pas plus loin je ne ferai plus de nouvelles rencontres

Ce sont les mots qui tombaient de ma bouche comme des canines inutiles

Les perles du collier cassé de ma jeunesse un 24 septembre que je venais semer

Sur le trottoir tiré devant la porte obscure du terrier de la cave du tombeau de la pierre

Qui bouche l’entrée de l’urne et l’ombre blanche d’un coquillage du déluge a commencé

A dévorer le temps limaille du granit et sa plaie de nostalgie à rebrousse rage

Où ne s’enfonceront pas mes pas mais où scintillent au creux d’un soupirail carnivore

Depuis que mes oreilles saignent au bout d’un message téléphonique vampire sur sa proie

Deux photophores bleu turquoise les yeux perdus de mon ami sur la terre

Hier ils décidaient déjà

A la place de celui qui a connu les noces têtues des créateurs d’Algérie avec le soleil et la gloire salamandre

Sabre du feu planté et avalé debout face à la mer poètes natifs de Novembre sacre du sel

Et leur soif d’avant le temps de la grande séparation

Les vendeurs de cigarettes le regardent déposer dans chaque baraque du bidonville

De la Femme Sauvage à Alger en 1962 une feuille de cahier et des roses achetées au sable

Pour Fatima qui est femme de ménage et qui n’a pas porté de besace emplie d’épices

Sous son voile dans les rues de la Kasbah Fatima qui attend le retour de son fils du djebel

Et la caméra sautille se cogne aux recoins du gourbi gonflé d’absence au silence caillé

Et les places des marchés sont vrillées de troupeaux de mouches vibrantes

Que le preneur de sons capture émeraudes de pauvretéJean-yeux-2.jpg

Les clefs du royaume des oliviers carillonnent aux ceintures des femmes

Qui épongent le sang des boucheries et pressent le corps des kakis pour jeter le jus

De la mise à sac le scénario est écrit déjà hier et le soldat de Stalingrad traverse l’image

En courant il est en retard sur l’histoire et demain Miles Davis joue Kind of Blue à Paris

Mais il n’arrivera pas à l’heure

Hey Man ! Est‑ce que tu le sais que tu seras toujours en retard ?

Au Ravin Fatima joue sa vie devant les projecteurs pipés

Hier on a taxé les dés en bois de citronniers et les touristes ont lâché le décor

Mais personne ne s’en doute encore le grisou a donné un incendie lucide au Sud

Qui répand sa bave rose sur le néant nacré et les ténèbres miraculées au sucre violent des cannes

De Cuba à Bamako d’Oran à Dakar de Tipaza à Tamanrasset de Haouch el Kateb à la rue Elysée Reclus

Yahya le voyageur fulmine fume et chique le tabac jasmin du peuple algérien et son rêve qui crame

Lui fait aux doigts des tâches rousses et il note pour Fatima

Dessus les feuilles de papier à rouler les mots fragiles de la foule éparpillée des nénuphars

Qui remonte du fond de boue de l’oued rouge et déballe sa race d’oiseau Phoenix au djebel soleil

Pour Fatima qui est femme de ménage et qui supplie ceux qui savent lire d’arrêter les guerres

Mais la chair sucrée du poème n’a rien arrêté du tout et les Paroles de la Rose Paroles-de-la-rose.jpg

Ont l’air décadent de l’Audubon Ballroom de New York à Manhattan

Et le désespoir est devenu doux comme une grenade entre nos mains

Que nous ne lançons pas

Hey Yahya ! Quand tu te cachais entre les roseaux au bord de l’oued dans la plaine de la Mitidja

Est‑ce que tu savais qui tu étais ? Dis est‑ce que tu le savais ?

 

Aujourd’hui ils ont décidé

Hier ils décidaient déjà

J’ai 50 ans je descends du métro à la station Edgar Quinet le jour de la St Jean offrande

Des feux de paille ce sont mes retrouvailles avec la lumière il fait tellement chaud

Au bord du grand champ de blé jaune et les fleurs de tournesol me grimpent entre les doigts

Sur le quai un homme assis vêtu d’un uniforme de l’armée rouge qui joue de la trompette

Entre ses pieds aux bottes de cuir déchirées un sac en plastique bourré de cannettes

De Chimay et de Kriek c’est le dernier rendez‑vous qu’on s’est fixé avant que le présent

Nous remette chacun à notre place le cimetière du Montparnasse ça n’est pas loin

En coupant à travers les prairies qu’on connaît comme notre poche lui et moi nous marchons

A la boussole c’est une vieille habitude qui permet d’égarer le chien du temps

Qui renifle les solstices aux aisselles citronnelle et les équinoxes aux crinières réglisse

Le soldat de l’armée rouge ne transpire pas nous fumons comme des lessiveuses de neige

Fondant dans le four des locomotives en prenant d’assaut l’allée 4 ses cratères de lune

Aussi gros que des terriers de loups aux corridors incroyables

Tout au bout Fatima silhouette accroupie impatientes ses lavandes et sa djellaba bleue

A balayé la terre la ghessa creuse son trou remplie de couscous sur les feuilles de bananier

A l’abri de la stèle dressée les azulejos que le jardinier de l’Alhambra de Grenade m’a donnés

Dessinent ton nom vols saugrenus Yahya martins pêcheurs orange et turquoise frôleurs

De bougainvillées violets noyés dans leurs miroirs Fatima allume les écorces des araucarias

Cavaliers corps d’arbres ton oncle a mené jusqu’au Jardin d’Essai à Alger Jean-et-l-auto-du-grand-pere-2.jpg

Leurs talons crevasses éloignent les passants leurs lucioles de camphre clignotant

Qui auraient l’intention de s’arrêter de ce côté‑ci du temps et d’assister à notre cérémonie

Du passage du feu à d’autres roses de sel les bâtons de pluie sont plantés

Ils avouent notre peau qui veut retourner à la chaleur d’un désespoir jaune

Et la tribu des salamandres cogne sa tête contre tam‑tam peau de chèvre le soleil la tend

On entend leurs coups petits et sourds qui lancent des pierres d’horizons de l’autre côté Magiciennes elles peuvent le forcer à descendre en marche à midi aussi

La tribu avance vient lance c’est Potick le chien de la ferme y a cinquante ans

Hey Man tu te souviens hein ? tu te souviens ? Potick museau bâillonné qui les boit météores    

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 01:26

      Algérie encore...

      Quelques mots pour continuer notre histoire algérienne avec Rénia Aouadène que vous connaissez bien si vous venez souvent faire un tour par ici... Voici un entretien que Rania m'a envoyé que je vous repasse et qui ne dit pas tout de sa grande colère face au silence qui entoure la société et le peuple algériens mais un peu de patience car ça commence à bouger et probable que quand nos amis d'Al Djazaïr vont se révolter pour de bon ça va être quelque chose... on les connaît on leur fait confiance...

Ecrire-pour-exorciser-1.jpg

Ecrire-pour-exorciser-2.jpg

      Et pour poursuivre avec Jean Sénac voici un tout petit extrait tiré d'un des récents numéro de la revue Algérie Littérature Action animée par Marie Virolle que vous connaissez bien aussi et qui a publié pour notre bonheur à tous ces textes en prose inédits jusqu'ici dans le n° 133-136.

Ces quelques lignes disent tellement qui il était...alg_Jean_Senac.jpg

 

Journal 1947 Sana

Mourir d'aimer trop

Mardi 7 janvier 47, 18 h.

      ( ... ) J'ai vu aujourd'hui Roblès. Très chic. Je ne sais pourquoi l'envie me prend de flanquer en l'air le Cercle Lélian et " mes " relations pour me consacrer à une vie simple et terriblement égoïste. Si cela se produisait, je crois qu'en Alger, les seules personnes dont je rechercherais la compagnie seraient Brua, Randau, Rousse et surtout cette chère Madame Lecoq. Je sens qu'eux sont généreux et francs. Ils me font du bien. Tandis que les autres... Ou bien je ne les connais pas suffisamment ou bien leur " hauteur " et leur attitude me blessent. Ce que je voudrais trouver chez autrui c'est la franchise et l'humilité ( qui n'exclut certes pas l'orgueil ! ) Brua sur ce point est un grand frère et je regrette de ne pas le rencontrer plus souvent.

      Sans pencher vers le vice ou la petite jouissance, j'éprouve souvent un ardent besoin d'aij.-senac-petit.jpgmer " n'importe quand, n'importe quel et n'importe où ". Aimer d'un pur amour tel visage d'homme rencontré, tel regard de jeune fille. Des cheveux, un nez, des lèvres et cette communion parfaite de deux êtres prêts à mourir pour un idéal commun. Je donnerais dix ans de ma vie pour une seule seconde de communion et d'amour " exact ".

      Depuis quelques jours je ne rime plus. Des vers éblouissants et simples me déchirent l'esprit et je n'ai ,i la force ,i la volonté de les écrire. Dans le tram, dans la rue, chez mes amis, la poésie me harcèle. Elle exige de moi un sacrifice complet. Je suis prêt à cette offrande de moi-même pour me sauver en me perdant ( horribles formules littéraires ! Je ne peux pourtant m'exprimer autrement... )

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 20:08

 Les poètes assassinésPortrait Sénac


      Après ce qui s'est passé samedi en Algérie à l'occasion de la marche pour la liberté qui a été interdite et réprimée par le pouvoir en place il me semble intéressant de rapeler que c'est déjà ce même pouvoir qui a zigouillé Jean Sénac les derniers jours d'août 1973 dans sa cave-vigie rue Elisée Reclus à Alger...

      Il y a eu ensuite bien d'autres poètes et créateurs algériens assassinés comme on sait mais Jean Sénac est à lui seul le symbole de cette barbarie qui n'a jamais cessé car il était résolument hors de tous les coups tordus de la politique et de ses dicktats et pire encore pour tous les donneurs de mort il était poète et homosexuel... enfin et surtout il avait un tort qu'aucun chef militaire ne supporte : il aimait le peuple...

      Voici quelques mots qu'ont échangé ses amis après qu'il ait été empêché de nous poser entre les mains son soleil...

 

Mort-Jean-Senac.jpg

 

Jean Pélégri à Jean de Maisonseul

 

Sept 73

Mort Jean

 

Plus envie de faire quoi que ce soit,

pas même de vous écrire un mot !

Jour et nuit son image, comme si

j’avais été témoin. A quoi a‑t‑il

songé pendant que le soleil le

quittait. A sa mère, à l’Algérie,

Aux deux ?

… Nous voici mutilés. L’intercesseur,

le dépositaire des rites

et des mots de passe s’est retiré. Comme nous

allons être seuls, désormais.

Combien nous allons nous sentir séparés. 

 

Lettre de Jean de Maisonseul à Jean Pélégri après la mort de Jean Sénac

 

Alger, 3 octobre 1973

 

Mon cher Jean,

 

Je vous demande pardon de ne pas vous avoir écrit plus tôt, mais je n’en ai pas eu le courage, j’étais véritablement épuisé. J’avais cependant écrit une longue lettre aux Vitalis-Cros, le lendemain de l’enterrement de Jean qui a eu lieu le 12 Septembre. Je leur avais demandé de vous communiquer cette lettre pour que vous puissiez aussi en faire part à Mourad et à Dib et à Benanteur. Pour chacun d’entre-vous j’ai jeté un collier de jasmin sur la tombe de Jean. Avez-vous eu cette lettre ? Voulez-vous demander aux Vitalis s’ils l’ont bien reçue et me le dire.

Par un étrange pressentiment, Jean avait laissé à Mireille, avant notre départ en France, son testament, ce qui nous a permis d’agir. Jacques Miel, qui est arrivé à Alger en même temps que nous accompagné par Denise Krief, est son unique héritier et exécuteur testamentaire. Maintenant il nous faut sauver son œuvre. Il a constitué un conseil littéraire dont vous faites partie. Je suis en train de réunir les adresses des membres à qui je vais adresser une photocopie du testament, accompagné d’une note exposant les premières dispositions que nous avons prises avec Jacques Miel.

Tous ses papiers de la rue Elysée Reclus sont encore aux mains de la police et de la justice, aussi nous avons pris comme avocat Maître Benabdallah, que je connais bien, pour défendre sa mémoire et récupérer ses papiers. Nous avons à la maison un fond important, toute la période de jeunesse, jusqu’à 1954, que Mireille est en train de classer avec le Père Déjeu, la période 1954-1962 se trouve à Paris chez Pierre Omeikons que Jacques va récupérer, mais toute la période 62-73, se trouvait dans sa cave, c’est cela qui m’inquiète le plus. C’est pourquoi il est important de constituer le conseil littéraire.

Oui, le grand Eveilleur est mort, j’avais espéré pour sa grandeur que ce fut un crime passionnel, mais il n’est que sordide. Nous attendons chaque jour ses yeux rieurs et sa barbe triomphante. Mireille est véritablement désespérée, notre dernier lien avec ce pays est coupé, nous y sommes seuls.

 

Mireille et moi nous vous embrassons tous deux avec toute notre affection.

 

Jean

 

P.S : Il est certainement mort brusquement d’un traumatisme crânien, car les 5 coups de couteau, comme les 5 branches de son soleil, 3 dans le thorax et 2 au ventre n’ont pas laissé de sang.


Jules-Roy-Memoires-barbares.jpg 

Lettre de Jules Roy à Jean Pélégri juste après la mort de Jean Sénac.


29 sept. 73

 

Mon cher Jean, Sénac a eu la fin qu’il risquait et que sourdement je pressentais pour lui. Il paie durement toutes les raisons qui ont compté dans son droit de la citoyenneté algérienne. Il y avait quelque chose de noir dans son soleil, du tragique, une sorte de condamnation. Nous n’avons pas fini d’y penser et d’en souffrir. Notre vérité à nous a été de fuir l’Algérie. Encore faut-il pouvoir. Je voudrais fuir le Morvan, l’étang noir devant lequel je suis, les bois tristes où j’erre, et tout m’y cloue pour le moment. Je savais depuis longtemps que j’allais vers une période amère de ma vie. M’y voici.

L’année 1974 sera sans doute la plus dure, ou peut-être le plus dur est-il passé. Après les certitudes, l’incertitude. Après la foi, le néant. Après la maison donnée, les refus, les doutes, les menaces d’engloutissement. Acceptons de bon cœur, sans rechigner, ce que donne la main céleste. Mangeons le pain sec, buvons de l’eau, rasons-nous la tête en esprit d’humilité et regardons en face l’horizon brouillé. Toute épreuve est bonne si elle grandit. Je me dis que je n’ai plus qu’une année à souffrir et qu’après, tout sera léger, que j’aurai exorcisé ma propre Algérie et racheté mon propre péché et celui de nos pères. Tania me dit que ce que je fais servira. Je doute que cela me servira, à moi. J’ai peut-être tort. Mais pour l’instant je suis dans la nuit. Passons. En tout cas, je n’irai pas à Paris quand j’en aurai fini avec ce que je dois écrire et que je n’ai pas encore commencé, tant je me sens impuissant à rendre ces deux années 1961 et 1962, tant je maîtrise peu mon histoire, tant j’erre et cafouille, tant je merdoie, tant je suis inquiet.

Mais je me réjouis du moins que toi tu trouves dans une maison ce qui fut si longtemps ma force et ma paix. La puissance des maisons est immense et mystérieuse et sacrée. Le malheur de Sénac est qu’il était sans maison et que l’Algérie même, qu’il voulait sa patrie, n’en était pas une.

La patrie des poètes, qu’est-ce donc ?

 

Affection pour vous deux.

   

Jules Roy

Mort-Jean-Senac.-2-jpg.jpg

Poème de Jean Pélégri dédié à Jean Sénac à l’occasion d’un hommage à Paris, Librairie Moati, Novembre‑décembre 1973

 

Quand un homme a le pouvoir d’apporter la LUMIÈRE dans les ténèbres

de dénouer complications et ambiguïtés pour rendre sensible l’ÉVIDENCE

de mêler vie et mort pour que VIE pèse plus lourd

 il a pour nom POÈTE

et, quand sous sa plume les mots de tous les jours deviennent

graine, sève, AVENIR

il s’appelle JEAN

Au‑delà des maladies, des races et des frontières

il cueille des mots, rassemble des fruits

il définit une patrie TRIOMPHANTE

où l’amour polémique.

 

DOULEUR, CACTUS de la Douleur

L’intercesseur s’est retiré, le dépositaire des rites et des secrets

L’EXORCISEUR

Nous voici mutilésPELEGRI-SENAC.jpg

… Reste le mot, tout simple, qui lui seravit de recours

PEUPLE

Peuple‑visage, peuple‑sourire, parole

Peuple‑terrasse, peuple‑rue, RIVAGE

PEUPLE‑MÉMOIRE ET SÉPULTURE

SOLEIL !

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 23:44

Quand nous n’aurons plus peurRevolution.jpg

Paris, 11 février 2011

 

Au peuple égyptien

Aux peuples

 

 

Mabrouk ! Mabrouk ! Mabrouk !

 

Un peuple vient de décider de son histoire de sa destinée avec son sang soleil qui a pris possession de la figure obscure du monde et l’a fait se lever oiseau rubis s’ébrouer s’égoutter à l’horizon ou on devine d’ici une lueur qui bondit hors de la grenade fraîche coupée là…

Un peuple vient d’écrire son histoire avec ses mots à lui des mots de pierres à ténèbres cassées au bâton d’olivier déjà criblé de petites feuilles et aux morceaux de ferraille des forges lavés de feu la nuit et la nuit et d’autres nuits de laine noire… et les pierres ont rempli les catapultes en planches de caisses d’oranges et les frondes bois de citronniers et les mains nues…

Un peuple a conçu cette épopée bonne à nos lèvres d’hommes en marche et affamés et il nous a nourris de cette Intifada couleur azur ce bleu d’Arabie qui nous arrive comme une météorite détachée de notre petite terre voyageuse et nous comble de poussière gourmande à mâcher lentement…

Un peuple qui a bu sa délivrance au fleuve abondant venu des plateaux indigo d’Ethiopie an‑Nil al‑Azraq plongé comme l’enfant du jour dans la source sacrée du Tana a écarté de ses poings gardiens de l’épeautre et des yeux turquoise des statues les gestes des géants prêts à jeter par‑dessus bord les pierres à encre et les rouleaux d’argile fraîche et à vendre nos destinées aux idoles anciennes qui ont tiré sur nous la couverture de braise des déserts…

Un peuple a porté sa jeunesse ouverte comme la fleur des baobabs en haut du tronc luisant d’abeilles de son désir dressé chaque nuit de notre fin d’hivernage et le lait de sa candeur a rendu aux pierres la clarté des promesses fécondes faites aux roses des sables et leur parfum fou…

Un peuple a poussé la porte de la terre accordée à notre joie de paysans et d’ouvriers et l’enfant de beauté est entrée avec à ses talons roses les bracelets de lumière douce et nous avons marché à sa rencontre dans la bonté du petit matin…

 

Mabrouk ! Mabrouk ! Mabrouk !

 

ALLONS ENFANTS D'ALGERIE, MARCHONS!


 

Rénia Aouadène11-fevrier-2011.jpg

 

Il est temps de se réveiller et de  dire que nous ne subiss ons aucune fatalité. On nous a fait croire pendant des décennies que l'Algérie était victime d'un sort qui la condamnait à subir la violence provoquée par ceux qui la gouvernent depuis 1962. L es Tunisiens ont dit non, les Egyptiens le hurlent chaque jour car Moubarak et ses sbires ne veulent pas céder avec la bénédiction de l'Occident inquiet de voir apparaître de réelles démocraties qui annoncent un profond changement, établi depuis “ la décolonisation ”qui en fait n'en était pas une.

Nous avons vu se multiplier des dictateurs, véritables amis des chefs d'état occidentaux qui n'ont cessé de fermer les yeux devant leurs exactions commises, leurs atteintes aux droits de l'homme, les emprisonnements, la presse muselée et l'absence de projets pour ces jeunes qui ont choisi la mort en Harraga que la vie sans rêves et illusions. Nous marcherons car chacun d'entre nous a versé le sang des siens pour qu'enfin nous devenions des citoyens libres et capables de faire un choix de vie en accord avec la Terre où nos aïeux n'ont cessé de semer les graines de la Liberté face aux nombreux envahisseurs qui l'ont souillée voulant nous mettre à genoux.

Alors que l'on a tenté de faire du peuple algérien, un peuple déculturé , celui-ci a montré qu'il s'était au fil des siècles enrichi et qu'il pouvait être fier de ses racines, de son histoire, de son passé.

 Nous marcherons car les autorités algériennes sentant le danger, continuent de brandir le spectre de l'intégrisme, histoire de réveiller en chacun d'entre-nous, les horreurs d'une guerre civile que nous ne devons pas  oublier car ils sont les seuls coupables de l'avoir engendrée à force de spoliation, de détournement des biens de l'état, d'abus de pouvoir ....

Nous marcherons parce que, nous devons rendre honneur à nos pères qui sont morts sous les balles de ces voleurs de Liberté qui déjà, se préparaient à s'accaparer notre histoire et à se prétendre les seuls véritables combattants de l'indépendance alors que les véritables héros se révoltent sous la terre de tant de mensonges et de tant d'ignominie.

Nous marcherons car nous voulons réhabiliter l'histoire, dire qu'il est temps de demander des comptes, crier que nous aspirons à la Liberté, au droit de choisir un avenir pour chacun des nôtres qui a préféré vivre sur sa Terre afin que chaque mère n'ait plus à pleurer le départ forPeuples.jpgcé de son enfant vers des lieux dont elle sait qu'il ne reviendra pas si nous persistons à baisser les bras.

Alors Enfants de l'Algérie, Hommes et Femmes en amour de ce pays, il est temps de hurler: Adieu despotes ! Nous sommes et nous serons des hommes libres, de véritables descendants d'un peuple Libre !

 

Demain samedi à Alger, le départ est fixé à 11 heures ( 10 heures GMT ) Place du 1er mai ( baptisée Place de la Concorde ) et le point d'arrivée est la Place des Martyrs, aux pieds de la Casbah et à l'entrée de Bab el Oued, théâtre traditionnel de la révolte.

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