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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 20:25

Des nouvelles du cormoran

 Chercheur-d-innocence.jpg

 

 Oaouf ! Ouaouf ! Et ben voilà… c’est cézigue qu’est de retour avec le clébard l’enchanteur à aboiements et tout… et vu comment vous avez tous réagi nombreux innombrables une foule à mourir normal le succès ça attire à la  nouvelle que je m’étais explosé la patte droite et à ce p’tit bout de désarroi que je vous avais tartiné habile de la patte gauche on a cogité l’imprévisible clébarde et moi que ça vous ferait plaisir bézef d’en avoir d’autres des news et que probable vous vous demandez vous inquiétez hein ?

Oh non ! faut pas… ça va bien trop bien même au point que je m’demande si je n’vais pas me la jouer et en reprendre un coup des fois tant ça me met en bonheur l’estropiage et l’impossibilité y’a six semaines que ça dure… de pouvoir tendre la paluche pour attraper le bol de café qu’est perché zut ! fallait y penser… sur le bar un peu trop haut et Hop ! Ziouh ! et tout est comme ça mais vous êtes pas venus avec la famille les amis et les autres pour que je vous raconte ma galère je me doute… Ouaouf ! Des jérémiades vous en avez des wagons que vous trimbalez derrière votre grosse loco vapeur vous aussi Hein ? 

C’est drôle… les amis on les compte ça y’a un bail que je l’ai pigé et avec trois doigts en général ça suffit même ceux des pieds j’y arrive bien et ça a commencé quand j’ai dérapé du côté de mon job de critique litt et que je me suis retrouvée comme ça tourbillon avec la chienne en embuscade aux fraises sans grand-chose pour nous retourner… Ouais c’est à c’moment précis que j’ai capté comment les lumières de la night et même les p’tites loupiotes comme la mienne une toute bricolée alors de bouts de ferraille de récup et de bouts de verre de couleur qui combure sans s’en faire léger léger elles attirent un tas de bestioles à élytres qu’ont l’habitude de zoner autour de c’qui se voit brille s’auréole et que ça fait un bruit d’enfer… Vrouh ! Vrouh ! Vrouh !…

Oh ! pas que ça soit gênant pour le comptage vu que mézigue j’ai toujours su compter que jusqu’à trois voire cinq en insistant et sur mes doigts alors tout ce monde il m’esbrouffait bien vu que les gens honnêtes les vieux hommes et les vieilles femmes les immigrés maghrébins et les autres ceux du village de mon enfance je vous ai raconté ils étaient pas nombreux et on se reconnaissait sans qu’y ait besoin de faire les présentations… On se reniflait de loin quoi on avait la même façon d’être des pas grand-chose et ça nous allait comme ça… Ouaouf ! Mais la basse‑cour celle qui se pointe à la distributions celle qui rapplique vite fait et caquetante si vous en avez pas goûté au moins une fois dans votre life c’est mézigue qui vous dit que vous vous ferez avoir… Si si vous verrez c’est comac…Le-savoir-sans-permission.jpg

Pas facile quand on a démarré dans ce monde‑ci milieu des quartiers populaires de l’époque et chez les anciens ouvriers paysans et qu’on s’trimbale depuis cinquante piges sur des sentiers de rêves avec entre les pattes une vraie bâtarde de chienne qu’arrive à vous estourbir à force de vous la montrer son amitié que c’est mouillé gluant et chaud tout sauf la frime et que pourtant on m’avait bien prévenue Ouaouf ! Ouaouf ! chez ces gens‑là y’a que ça qui compte… ouais pas facile de s’retrouver comac du jour au lendemain avec personne qui te connaît plus et même peut-être que vous n’me croirez pas y en a qui font un détour quand ils me repèrent à l’entrée d’un Salon du Livre pour surtout pas croiser ma frime !

Oh non ! je n’vous cause pas des personnes qui ont des intérêts qui la retournent comme on sait pour un minable paquet d’artiche ou parce que y’a une place à prendre et à se faire reluire les écailles sur le derrière… non c’est pas ça… Mais ceux dont je vous cause ce sont les autres tous les autres… ceux qui viennent vous voir parce que vous écrivez mais jamais pour ce que vous écrivez hein ?… d’ailleurs pas la peine d’essayer de leur dire vaguement ce qu’y a dans votre dernier ours celui que vous avez mis trois piges à relire et qu’il vous a donné du mal l’animal ! Mais ça n’les intéresse pas du tout alors ! Mais comment que vous les saoulez avec vos histoires que c’est pas ça qu’ils sont venus chercher Ah ouiche ! S’ils pouvaient ils vous couperaient la parole là tout de suite que vous arrêtiez d’aboyer de leur exposer votre affaire ce style qui vous a donné tant de soucis Ah la la !… Ce qu’ils sont venus chercher eux c’est le moyen d’en faire partie de la bande des écrivains… Ouaouf ! Ouaouf !

Et y a ceux qui ont acheté votre premier bouquin celui qui est criblé de fautes vu qu’à l’époque c’est mézigue qui l’était analphabête et celui‑là il avait à peine 60 pages et c’était dur déjà ! Vrai que le premier on n’peut pas l’oublier c’est la féerie à l’état pur mais eux à chaque fois qu’ils vous voient ils ne vous causent que de ça et si vous leur sortez le dernier tout chaud encore à peine s’il vient de quitter les linges de l’imprimerie que vous l’avez là dedans votre musette une chance !… alors ils vous tournent le dos et Zouh ! Eh ! attendez qu’on s’explique… pas le temps de les rattraper qu’ils sont déjà loin de leur dire que c’était pas pour leur faire l’article rien que de la jubilation à partager un bonheur tout neuf et que vous vouliez leur en refiler un brin… Et vous restez là avec votre petit bonheur et voilà… Ouaouf !

Oh ! avant de me l’estropier la patte vous vous souvenez… des amateurs de mes p’tites écritures j’en avais rencontré des tas de sortes et comme j’n’ai pas beaucoup grandi depuis mes années d’utopie je n’les ai pas vu venir… Vrai ce qu’on est nase de croire à la sincérité deux sous de poésie et de tendresse humaine… Ouaouf ! L’espèce la plus roublarde c’est celle qui se ramène avec ses boniments à compliments plein la musette et qui vous endort faut voir comme… Et qu’ils voudraient vraiment vous aider… que c’est pas possible un talent comme le vôtre… que s’ils avaient la moindre possibilité ils hésiteraient pas un instant… m’enfin vraiment c’est trop injuste… Ils se grattent la touffe à s’en fairla-proie2000overbloge des blessures pour savoir… qu’on leur dise là tout de suite qu’ils sont prêts à tout ! Alors vu qu’ils insistent timidement vous osez leur demander si ça ne les dérangeait pas trop de vous acheter un bouquin… et Hop là ! Oh ! vraiment c’est trop bête ils sont désolés… ils ont pas pris leur porte‑monnaie avant de partir ils se doutaient pas… Ouaouf !

Alors finalement vous voyez depuis que je l’ai cette patte cassée… vous savez la droite celle qui me sert pour mes petites écritures ouais… eh bien voilà ! je me dis chaque jour où les séances de rééducation me font sortir des miaulements vous ne vous doutez pas c’que ça peut être duraille d’apprendre à écrire à cet âge vous… je me dis qu’au fond j’y suis drôlement bien là tout au fond de mon trou à solitude où y a que le lièvre Yanda et Yurugu le renard pâle qui savent me trouver quand la lune verte a dépassé le rebord de la calebasse où elle roupillait tranquille et qu’ils arrivent se pointent si des fois je l’aurais pas repris le stylo pour voir… Ouais j’y suis sacrément tranquille loin des amis de passage et des distributeurs de prix de bourses de pognon de médailles et de titres et que c’est pas demain qu’on m’y reprendra ! Ouaouf ! Ouaouf !   

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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 22:02

Je juxtapose sans hésiter ce poème intitulé " Palestine " et un court extrait du livre d'entretiens sur la poésie de Mahmoud Darwich parce que c'est évident qu'il n'y a aucune comparaison possible entre l'un des plus grands poètes arabes et mézigue et parce que aujourd'hui plus que jamais j'ai envie de dédier ce poème aux Palestiniennes et aux Palestiniens... 

Palestine

 Mardi, 25 avril 2000

 Des deux côtés de ton nomAllumeuse de soleil. 2jpg

La veilleuse d'un visage de femme

Petite lampe de l'huile première

Pressoir qui garde un peu de la lumière

Et du cœur d'un village

Qui n'existe plus

 

Des deux côtés de la verrière rose

Monte la nef mouvante

L'ondoyante mémoire

La minuscule flamme penchée d'un corps de femme

Qui écrit

 

Dans la nuit d'une ville

Où des cœurs pressés des hommes

L'huile ne coule pas

Pour allumer les lampes

 

De chaque côté du nom de ton absence

Je sais la lueur de son attente légère

Et sa douleur crépitante

Surtout que personne ne vienne

L'étreindre et la prendre

Elle rayonne jusqu'à la voûte

Où des nichées de livres

Réveillent l'ombre de ce qui demeure

 

De chaque côté de la verrière s'envole

Rose auréole d'or doux Sa chevelure

Et me sépare de l'obscur Et du sang

Des chevaux courant à l'intérieur de Guerre

Qui me nomment étrangère à sa chaleur

Femme familière Sœur

 

De l'autre côté de ton nom Terre

Sept branches d'un petit arbre de bronze

Dessinent le fruit gorgé de l'huile première

Une solitude semblable à la mienne

 

Brûlant au poignet de sa main qui écritRivage

De l'autre côté de la verrière

Qui n'existe plus                      

Rose opale les cinq pétales

Ses doigts de femme s'allumant

Dans la fente d'une chandelle

Retirent de la main des enfants les pierres

Et tracent sur la page le nom des villages

Disparus

Surtout que personne ne vienne

M'éteindre sa douceur première

 

De chaque côté de son visage aimant

Brille le corps d'un village endormi

Que berce dans son sillage mouvant

La minuscule flamme penchée d'un désir de femme

Qui écrit.

 Amandiers.jpg

" Arbre mon frère. Ils t’ont fait souffrir tout comme moi. Ne demande pas miséricorde pour le bûcheron de ma mère et de la tienne. "

“ Le Discours de l'Indien Rouge ” Mahmud Darwich

 Entretiens sur la poésieEntretiens-sur-la-poesie.jpg

Mahmoud Darwich ( Auteur ), Abdo Wazen ( Auteur ), Abbas Beydoun( Auteur ), Farouk Mardam-Bey ( Traduction ) Ed. Actes Sud, Collection “ Mondes Arabes ”, 2006

Les cinq entretiens avec Abdo Wazen ont été publiés dans le quotidien arabe de Londres Al‑Hayât, en décembre 2005. Celui avec Abbad Beydoun est paru dans le quotidien de Beyrouth As-Safir, le 21 novembre 203

Présentation de l’éditeur :

     Dans ces cinq entretiens avec le poète libanais Abdo Wazen, Mahmoud Darwich apporte de précieuses informations sur sa vie et son œuvre, et notamment sur ses derniers recueils marqués à la fois par un renouvellement thématique et par une grande exigence formelle. Prolongeant son précédent livre d’entretiens, La Palestine comme métaphore, il précise ses positions sur l’engagement politique de l’écrivain, rend hommage à quelques grands poètes européens du XXe siècle, aborde sa production poétique arabe depuis le début des années 1950 jusqu’à nos jours et, surtout, explique comment naît un poème, à partir d’une idée, d’une sensation, d’une image ou d’une cadence. L’ensemble est sous-tendu par sa lancinante réflexion sur la frontière ténue entre la poésie et la prose.

L’entretien avec Abbas Beydoun complète ses propos sur le métier de poète et sur les débats qui agitent la scène poétique arabe.

Abdo Wazen – Vous avez dépassé la soixantaine, mais vous ne cessez de rajeunir sur le plan poétique ?

Mahmoud Darwich – Mon secret n’est pas si compliqué.

Abdo Wazen – Il n’est pas simple non plus !

Mahmoud Darwich – Je ne dis pas qu’il est simple d’un point de vue littéraire, mais il l’est dans ma manière d’en parler.

D’abord, je ne me satisfais jamais de ce que j’écris et je suis perpétuellement en quête d’un nouveau langage qui permette à ma poésie de devenir … plus poétique, si je puis dire. J’essaie sans relâche d’alléger la pression qu’exerce le moment historique sur mon écriture poétique sans pour autant ignorer ce moment.

Ensuite, je ne crois pas aux applaudissements. Je sais qu’ils sont passagers, trompeurs, et qu’ils peuvent détourner le poète de la poésie. Je suis en fait hanté par cette idée parce que je n’ai pas encore écrit ce que je voudrais écrire. Vous me demanderez : “ Et que voulez-vous écrire ? ” Et je vous répondrai : “ Je n’en sais rien ! ” Je me meus dans une contrée inconnue, à la recherche d’un poème qui soit capable de dépasser ses conditions historiques, de vivre dans un autre temps. Voilà ce que je cherche, mais comment parvenir à l’expliciter ?

Il n’y a pas de réponse théorique à cette question. La réponse se situe forcément dans la création poétique elle-même. Tout ce qu’on dit à propos de la poésie n’a de sens que s’il est réalisé effectivement, dans l’écriture poétique. Je suis toujours inquiet, insatisfait de ce que je fais, et c’est là mon secret.

Je vous dis en toute sincérité : je ne lis jamais ma poésie, je ne la relis pas, si bien que je l’oublie. Cependant, avant de la publier, je ne cesse de la réécrire et de la polir. Une fois le recueil édité, je considère qu’il ne m’appartient plus, qu’il appartient désormais aux lecteurs et aux critiques.

La questions la plus difficile que je me pose alors est la suivante : que faire maintenant ? Je me sens totalement démuni, habité d’une inquiétude existentielle. Serai-je capable d’écrire de nouveau ? Chaque fois que je publie un livre, j’ai l’impression que c’est le dernier.

Site de François Xavier sur Mahmoud Darwich

http://mahmoud-darwich.chez-alice.fr/entretiens.html

mahmud_darwich.jpg  

 

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2 octobre 2010 6 02 /10 /octobre /2010 21:33

Cet article est publié sur le site www.info-palestine.net

État juif ou démocratie israélienne ?Boycott Israel

Vendredi 1er octobre 2010

 Shlomo Sand - Haaretz

            Au cours des pourparlers qui se dérouleraient entre Israël et le premier ministre palestinien, Benjamin Netanyahu a demandé à son partenaire aux négociations de reconnaître Israël comme un État juif.

On peut comprendre le premier ministre : cet homme observe si peu la tradition religieuse juive qu’il n’est pas certain de son identité juive, d’où son insécurité concernant l’identité de son État et la nécessité de la faire valider par ses voisins.

En Israël, cette dernière lubie jusqu’à récemment absente de la diplomatie israélienne, est beaucoup trop peu critiquée. Pendant des années, Israël s’est battu pour être reconnu par le monde arabe. Toutefois, en mars 2002, lorsque la Ligue arabe et le monde musulman ont abordé l’initiative saoudienne reconnaissant Israël dans ses frontières de 1967, une nouvelle menace est apparue : une paix qui peut fragmenter le caractère juif de l’État depuis l’intérieur et à juste titre.

L’accord est unanime sur la définition d’Israël comme un État juif, depuis le Yisrael Beiteinu jusqu’au Meretz, englobant les journalistes éclairés et les professeurs érudits . Mais cette notion ressemble de façon frappante avec celle qui définit l’Iran comme une république islamique ou les USA comme un pays chrétien. Il est vrai que certains évangélistes étasuniens croient que le caractère chrétien des USA est en danger et cherchent à le consolider dans la législation. Mais à l’instar du reste du monde éclairé,les USA se considèrent toujours comme appartenant à tous les citoyens, indépendamment de leur religion ou de leurs croyances.

La plupart des Israéliens rétorqueraient que le judaïsme et la judéité ne constituent pas une religion, mais un peuple, de sorte qu’Israël doit appartenir, non pas à tous ses citoyens, mais aux juifs du monde entier qui, comme le savons, préfèrent ne pas vivre ici.Colonisarion

Bizarre... je ne savais pas que vous pouviez faire partie d’un peuple uniquement en vous convertissant à sa religion sans prendre part à sa culture générale. Mais peut-être il y a‑t‑il une culture juive séculière que je ne connais pas ? Peut-être que Woody Allen, Philip Roth et d’autres maîtrisent secrètement l’hébreu, le cinéma, la littérature et le théâtre dans cette langue ? Pour moi, on n’appartient à un peuple que si on connaît le nom d’au moins une équipe de football d’une ligue locale.

Le problème est que l’entreprise sioniste, qui a créé un nouveau peuple ici, est loin d’être satisfaite de son oeuvre et préfère le considérer comme un bâtard. Elle préfère s’accrocher à l’idée d’un peuple/race juif profitant pour l’instant de son existence imaginaire. Souvenons-nous que ce n’est pas la forte solidarité entre chrétiens évangéliques, ni l’association entre membres de la foi bahaïe qui en font un peuple ou une nation.Images RetourClef 300 0

Comme le savons, Rahm Emanuel appartient au peuple étasunien et Bernard Kouchner fait partie du peuple français. Mais si demain, les USA décidaient de se définir comme pays anglo-saxon plutôt que comme les USA, ou que la France cherchait à se faire reconnaître non pas en tant que nation française, mais comme une république gallo‑catholique, ces deux hommes devront émigrer en Israël.

Je suis certain que beaucoup d’entre nous le souhaiteraient. C’est encore une autre raison pour laquelle Israël insiste sur le fait qu’il est un État du peuple juif et non pas une démocratie israélienne.

 Comme tous les non juifs parmi nous ne peuvent pas s’identifier à leur État, il ne leur reste donc plus qu’à s’identifier à l’Autorité palestinienne, au Hamas ou au film “ Avatar ” et à exiger peut-être demain que la Galilée, qui comme nous le savons n’a pas une majorité juive, devienne le Kosovo du Moyen-Orient. 

Du même auteur :Shlomo Sand

Ces “ lieux saints ” qui tuent la paix - 22 mars 2010

Article lié :

Shlomo Sand : Comment le peuple juif fut inventé - 8 mars 2009

1er octobre 2010 - Cet article peut être consulté ici :

http://www.haaretz.com/print-editio...

Traduction : Info-Palestine.net

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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 23:28

      Ce texte de Yurugu est en chantier vous l'aurez compris... C'est une histoire qui n'a pas fini de s'écrire par la bonne volonté du renard pâle et du devin qui l'accompagne... Ainsi vous verrez jour après jour se construire un récit conte alors si ça vous dit...


Le testament de Yurugu

Le-repos.jpg

Je ne veux pas habiter ce monde ! 

Vous qui vivez ici vous détruisez ce que nous avons construit depuis que le forgeron

Le premier ancêtre a jeté l’enclume et le bâton du voleur de feu

Qui ont fait jaillir les moissons et les fours pour cuire les outres à eau et à hydromel

Je veux rejoindre les femmes potières de Kalabougou

Je ne veux pas habiter ce monde ! 

Où vous avez brisé la force des masques pour en faire des fétiches de mort qui brillent noirs

Derrière les morceaux de verre qui vous servent de tombeaux

Alors que le nayma des arbres ne meurt jamais et qu’il nous regarde bienveillant

Je veux rejoindre la Yasigine la sœur des masques et son dege

Salut jeune fille à la parure de plumes rouges Salut !

Je ne veux pas habiter ce monde !

Où vous devenez plus nombreux que les insectes qui entourent nos greniers à mil

Et où nous sommes plus rares que la pluie remplissant les calebasses oubliées

Dans la cour de la ginna commune que les oiseaux décorent de scarabées iris et or

Je veux rejoindre les femmes rapportant les tiges de mil dans le panier Tazu

Tressé comme l’arche aux quatre coins déchirés

Je ne veux pas habiter ce monde !

Que vos gourous ne protègent pas des bouches avides qui crachent les liqueurs épaisses

Dévorant les animaux compagnons d’Amma et de sa femme la terre l’antilope le guépard

Et les fils du renard qui connaît notre destin et celui de nos rêves ont fui

Les portes de pierres grises et ocre sont encore ouvertes il est temps

Il est temps d’aller rejoindre les femmes auprès des manguiers et des tamariniers

Elles ont préparé au creux de la calebasse la bière de mil que Yurugu a bue

Il l’a vidée tout à fait Ah Yurugu !

De ton ivresse jaillissent des tribus d’hommes qui mâchent la chair d’Aya le caïman

Comme on chique du tabac Aya le dieu du fleuve abrité dans les boues fauves du Niger

Avec Luro‑na le python aux anneaux de jade passés autour des doigts de l’eau

Et sa corne géante comme le croissant qui tord sa queue d’argent mat

Elle frappe le toit des nénuphars au cœur crème orangé et safran lilas indigo et vert jade

Pour qu’il s’ouvre et que le Nommo s’échappe les hommes partis et revenus

Connaissent la bonté des remèdes Ah Yurugu !

C’est en suivant tes pas sur la piste que je les ai rencontrés

Ils venaient de Bamako rois d’une pirogue chargée de rayons de sel

Ils avaient dormi dans le quartier des pêcheurs dessous un ciel à poussière roseRapsodie-foraine.jpg

A l’intérieur d’une baraque en planches peintes en rouge il y a mon rêve

A l’époque d’une jeunesse africaine dessous nos masques blancs Ah Yurugu ! 

Ils ont posé leurs mains sur mon épaule et ils m’ont dit : il est temps !

Je n’ai pas pu les suivre parce que j’étais de l’autre côté du fleuve Niger et ses ânes gris

Et roux dans l’eau jusqu’aux cuisses j’étais de l’autre côté du fleuve Casamance

Et ses fours à karité au milieu des jardins des quartiers en banco de Ziguinchor

J’étais de l’autre côté de Ségou les jours de marché quand les pinasses débordent de bassines

De tôle de sacs de grains qui fument de rangées de poissons séchés Ah Yurugu !

Les femmes de Kalabougou m’apprendront ce que j’ai su de la terre sacrée

Et des grands feux qui ont brûlé mon rêve de l’autre côté il était plus précieux

Que les diamants du Katanga noués autour de cou des tortues de Segoukouro

Qui refont chaque nuit le chemin jusqu’à la mosquée aux murailles d’argile écarlate

Pour offrir à une vieille femme leur trésor je l’avais écrit sur les feuilles des journaux

Attachées aux branches basses des balanzans Ah Yurugu !

I l est temps ! Arrivée enfin au pays des arbres qui marchent je me souviendrai

De mon passage par la Babel inévitable et de ses fils esclaves sanglants

Je me souviendrai des abattoirs pas très loin de la ruelle aux pavés glissant de givre

Où les sabots des chevaux échappés allumaient les lampes d’amadou

De mon rêve de boue noire du Niger plein les paumes de mes mains et de mes pieds

Aux crevasses des pistes calcinées Ah Yurugu !

Il est temps de dessiner sur les toiles de coton trempées dans l’ocre jaune

Des feuilles de n’galama les vagues de l’océan nées du corps du serpent lébé

Qui est revenu de la mort avec des herbes fraîches et les petits triangles aux pointes tournées

Vers le levant je les mouillerai d’un bouillon de racines de n’péku de la nuit au matin  

Je saisirai le soleil qui monte entre les jambes des arbres qui marchent et je le plongerai

Au fond du chaudron gris métal sorti du ventre des autos les 404 Peugeot à plateau

Que les jeunes voyageurs les fils d’ouvriers partis rejoindre leurs frères blacks

A Bamako à Dakar à Tombouctou vendaient aux Africains pour payer leur retour

Le soleil du chaudron c’est lui qui sera le premier vêtu du bogolan séché à son brasero

Ah Yurugu ! Il n’y aura pas de retour à la transhumance du renard pâle

 

Je ne veux plus habiter ce monde !L'été secret

Où les caniveaux des abattoirs descendent jusqu’aux fleuves et leur liqueur empoisonne

La chair des iris violets les îlots que les colibris et les martins pêcheurs tapissent de fourrures

De chenilles fluorescentes où les peuples des forêts privés de leurs rituels et des totems Tranchent avec les poignards d’ébène des ancêtres les liens d’écorce du chemin des rêves

Il est temps de retrouver les rives du fleuve Niger ses jardins bordés de manguiers

Au creux de la calebasse coule le nyama des couples jumeaux et la chair bleue des acacias

Et  la chair orange des mangues remplissent les mains des femmes

De la promesse d’Amma d’un monde qui a la bonté des fruits

Et le parfum des galettes de fonio écrasé avec les feuilles de baobab

Il est temps d’aller rejoindre les femmes qui surveillent le tõnu du caméléon

Sur les roches sanguines de l’abri du Songo où les jeunes garçons sont accroupis

Soleil brisé entre leurs cuisses le chaudron ne garde pas leur sang mêlé à l’argile du fleuve Que les femmes récoltent devant les yeux mi-clos d’Aya le maître des eaux

Sa force habite le nyama de la boue étalée sur les claies de branches de fromagers

Sa force habite les gourdes de terre que les yébans du feu arrosent de leur chevelure laquée

Et les poignets des femmes potières de Kalabougou leurs épaules me soutiennent

Pendant que le caméléon reçoit sa ration de charbon pilé de bouillie de mil et de sang

Il est temps d’aller rejoindre les femmes qui refusent le sacrifice du Nommo 

Les femmes qui marchent sur les traces de Yurugu le renard pâle

 

Je ne veux plus habiter ce monde ! 

C’est le cri de Gao le premier cri du fils d’Amma le frère jumeau que le griot m’a donné

Amma celui qui veille sur une terre généreuse et sur les habitants de la falaise

Qu’il a nourrie de son lait des rêves avant que les jumeaux ne se séparent

Les jumeaux vivaient à l’intérieur de l’œuf de terre

Et sur sa peau de la couleur du renard pâle Amma a réuni

Les signes pour écrire l’histoire des hommes d’avant qui ont peuplé les flancs de Badiagara

Les hommes aux tuniques de coton écru où la nuit laisse les empreintes des triangles indigo

Et Yurugu erre dans la poussière brune de brousse à la recherche

Du mot qui veut dire âme dans la langue des hommes qu’il a perdue

C’est lui le devin qui peut écrire notre destin sur le sable couleur grenade

De la maison couchée que les chasseurs dessinent à l’écart des totems

Et les seigneurs des masques l’appellent Ah Yurugu ! Yurugu !

Amma a modelé la terre un jour avec ses deux mains

Et il a jeté le croissant d’argile rouge comme le feu des braises dans le ciel

Il y en a qui disent que c’était un œuf grand comme le monde

Qui est né des mains bonnes d’Amma mais moi je dis que c’était un croissant

Comme la lune cuite au four de la colline et trempée dans l’eau du Raku

L’eau des jarres ouvertes oLa-fin.jpgù les femmes de Kalabougou

Plongent les poteries sorties des braises grasses de l’acacia bleu

Je peux dire ce que je veux car je n’appartiens à aucune caste et j’ai droit à la parole

La parole de Gao le premier jumeau mon frère est celle de l’ancêtre griot

Qui ne m’a pas refusé le droit de raconter le monde tel que je l’ai vu

Derrière le masque de l’antilope walu que Yurugu le renard pâle

Reconnaît penchée sur l’eau des marigots et il la laisse boire

Ah Yurugu ! il est temps !

 

 

 

A suivre...

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24 septembre 2010 5 24 /09 /septembre /2010 23:28

Cher Jean,Montage-caillou-copie.jpg

      Il y a sept ans aujourd'hui qu'on ne se voit plus et que je continue à correspondre avec vous sur mon carnet comme s'il y avait une chance un jour que vous me lisiez comme si vous n'étiez pas parti ailleurs vous qui avez été durant six années incroyablement courtes et bonnes l'ami le plus fidèle et le plus soucieux d'une relation que nous avions nouée tardivement et qui nous étonnait et nous enchantait...

      Je ne sais pas comment c'est possible mais je continue à vivre depuis ce 24 septembre 2003 dans l'étrangeté d'un monde qui n'a plus votre sourire que je retrouvais avec la certitude que ça ne pouvait pas être autrement et que notre rencontre était programmée sur cette page du temps qui nous retire ce qu'il nous donne comme si nous n'avions pas ces trente et quelques piges qui nous séparaient... Cette-obscurite-fraiche.jpg

      Votre amitié l'estime et la tendresse d'un homme simple et grand  dont le savoir-faire et le talent poétique  ont ébloui une génération de créateurs algériens m'ont donné la confiance qu'il faut quand on vient d'un milieu où écrire ça n'est pas un métier et la conviction que c'est d'abord une façon de vivre et de s'émerveiller...

       Quel aurait été ce chemin si hasardeux et totalement improvisé que j'ai emprunté il y a quinze ans de ça dans un monde de personnages rôdés aux mécanismes des apparences moi qui sortait d'un terrier de renard en pleine brousse et qui avais tous les poils de la colère et de l'insoumission farouche hérissés si vous ne m'aviez apprivoisée avec la gentillesse et la malice enfantine que vous n'avez jamais cessé d'offrir à tous ceux qui vous approchaient ?

        Je n'ai jamais su ce qui m'avait fait prendre un stylo et entamer un premier cahier ni par quelle naïveté j'ai pu croire un instant que ces paroles qui me venaient de mes ancêtres paysans ouvriers pouvaient témoigner pour d'autres qui ne sont pas plus que moi des écrivains mais qui ont autant que moi des grenades de mots à dégoupiller pour sortir de l'absence où ils n'ont pas fini d'être réduits par cette caste de savants à l'orthographe sûre et polie comme un capot de voiture de luxe...

Montage-mains-copie.jpg      Votre présence familière complètement insensée à mes côtés et ce que vous m'avez peu à peu ouvert de vos territoires mystérieux et de ces paysages d'Algérie où j'ai voyagé avec vous durant ces six années que notre compagnonnage qui en a surpris plus d'un a duré m'ont permis de traverser sans m'en rendre compte cette société que j'ai toujours fui depuis l'adolescence pourrie à ras bord de créatures masquées aux rires figées de charognes étalées en plein midi et de bouffons grotesques et vains qui m'ont fait si peur alors que j'étais enfant et d'être pour la seule fois sans doute au milieu de cette nasse grouillante dans une insouciance et une légèreté de colibri...

      Et puis un de ces mauvais jours dont la vie a plein son sac à misère cher Jean il s'est passé ce qui n'arrive pas dans les contes car personne ne meurt et rien ne finit et les renards ont des Petits Princes qui les attendent avec des puits plein d'eau fraîche et de roses au milieu du désert... Un jour ça a été l'automne comme aujourd'hui et nous qui sommes des êtres de l'été nous n'avons rien vu venir pas même cette étrange tristesse qui pour la première fois nous avait gardé silencieux devant la couleur rouquine des arbres et le départ des hirondelles vers le Sud qui est ce paysage de votre jeunesse et de notre amitié...Lettre-Jean-a-Dom-copie.jpg

 

      Ces six années cher Jean ont été tellement lumineuses en votre compagnie qu'elles sont désormais la petite lampe chaude et douce à mes mains dans l'obscur des journées où la solitude a remplacé heureusement les fausses illusions et où je cherche  au creux des nuits de lune verte les empreintes du renard roux qui m'emmène là où vous n'avez pas cessé de m'attendre...    

     


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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 20:14

Le rire du nain suite...

saint denis canal Jeunes plus fleurs petit

Pour retourner à la tess’ faut marcher et comme ça caille à donf c’est Bakary toujours un peu feignasse qu’a l’idée d’aller prendre le bus à l’arrêt de la gare qu’est pas loin… Le vent pas gêné lui et froid drôlement et ses munitions de billes d’acier il remet ça un bon coup dessous la capuche du jogging… Vrouh !… Vrouh !… Autour d’eux les guerriers au visage rude terre d’Afrique la cagoule rabattue sur les yeux d’ombre pour ne pas se prendre les flocons qui commencent à voleter et les femmes avec les petits attachés sur leurs reins larges comme des plateaux d’ébène et bien protégés au creux des tissus éléphants familiers ils se grouillent pendant qu’ils voient soudain pas croyable le nain en trottinette passer à grande allure juste un peu devant entouré d’une sorte de halo rouge ardent pareil à un gyrophare et s’enfuir dans la nuit pointillée de blanc…

Seydou cette fois il a eu le réflexe il a déclenché juste avant que le loustic il replonge au fond de l’obscur et il se marre d’avance en pensant à ce qui va sortir des cuves du labo de Marko !… Après avoir sautillé d’un pied l’autre au moins un quart d’heure parmi les gens qu’attendent emballés dedans leurs chiffons de couleur trop légers et les jeunes avec les cagoules de laine noire pareils et les joggings trop grands vu que le bus il arrive pas ils se décident encore à aller jusqu’à l’arrêt suivant qu’est toujours débordant et déjà y a plein de guerriers des brousses à l’arrêt qui guettent ça fait un moment on dirait…

Bakary il commence à flipper secos vu qu’il doit être pas loin de six plombes et si Noussata elle les voit pas rappliquer pour le dîner que c’est dimanche et qu’y a le daron qui se ramène c’est leur rituel à eux faut que toute la famille elle se retrouve autour de la marmite de poisson et de riz au safran et au curcuma alors elle va les attendre avec sa babouche à la main une exprès en cuir bien souple qu’elle garde pour les corriger et vu qu’elle est bâtie genre costaud et que c’est elle qui dirige dans le gourbi ils vont prendre sérieux devant les p’tits et c’est pas le daron qui dira quelque chose… saint-denis-canal-011.jpg

Dedans son boubou bleu indigo éternel qu’il a toujours refusé d’échanger contre un jean et un blouson normal et le keffieh palestinien qui lui enveloppe la tête et les épaules Toumani qui vient rendre visite à sa femme et à ses deux fils Bakary et Seydou trois fois par semaine avec le caddie plein des provisions qu’il achète pour eux au magasin low coast à côté des Tanneurs et à la fin du mois il apporte une partie de sa paie d’agent de nettoyage il se farcit les couloirs du métro y a vingt piges que ça dure c’est comme ça… Toumani il va jamais les défendre s’ils obéissent pas à Noussata c’est elle qu’a l’autorité vous comprenez ?…

Seydou il a garé le Canon sous son jogging et s’il fait le mec qu’en a rien à glander il voudrait bien qu’il radine le bus avec les flocons de neige tout autour qui leur tombent pareils à des papillons minuscules qu’ils n’chassent même plus de leurs paupières de leur nez de leurs lèvres qu’ils ont oubliés à force… Ouais c’est sûr qu’il aimerait bien !…

Vroum !… Broum !… Vroum !… un peu avant qu’il finisse par s’arrêter et qu’ils sautent dedans juste pour s’asseoir et pour avoir chaud et pour retirer les cagoules de laine noire qui leur grattent terrible dans le cou… juste avant ils ont cru voir tous les deux ahuris qui traversait plus vite qu’un météore de lave rouge au bord de la nuit totale absolue de la banlieue le nain black avec sa trottinette qui avait enfoncé la capuche de son jogging sur son crâne et qui les narguait en passant d’un petit rire… Hi Hi Hi !…

A suivre...

saint-denis-canal-017.jpg

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21 septembre 2010 2 21 /09 /septembre /2010 19:57

      " Autour de l'île il y a de l'eau... "

Abandon

     

      Il y a quelques jours en lisant l'article plein de bonheur concernant la résistance des enfants palestiniens et leurs incroyables lancers de cerfs-volants je me disais que l'enfance nous sauve du désespoir et de la fin de notre espèce humaine...

      Et puis hier matin je suis tombée sur cet article de Libération Bretagne qui m'a d'abord paru irréel et impossible : un mauvais récit inventé mais non ! Voilà comment de nos jours on traite des mômes " légèrement attardés mentaux " dans nos jolis pays d'Occident civilisés et bien loin des tortionnaires qu'on sait...

      Je reproduis cette horreur qui fait penser aux camps de redressement où on enfermait les jeunes jugés délinquants il y a quelques années de ça et dont Prévert a si bien parlé dans son poème superbe " La chasse à l'enfant "... Sauf que là c'est un gamin abandonné à son sort : les parents ils sont où ? et malade qu'on place dans un camp de " rupture "... Ce mot il ne vous dit rien ?...

      En lisant ça je me disais que les enfants palestiniens eux s'ils ne connaissent ni la paix ni l'insouciance ne connaîtront jamais ce genre de sort. On n'abandonne pas un enfant en Palestine et s'il se retrouve privé de sa famille il aura de toute façon des gens autour de lui pour l'accueillir même dans le plus pauvre des abris.

      La comparaison entre les deux récits vaut la peine et je vous la recommande...

 

21/09/2010  Libé Rennes

 

Le lynchage à mort de Cyril, 15 ans, devant les assises du Finistère

 

JUSTICE - Le procès des tortionnaires de Cyril Driancourt, mort le 17 mars 2003 en Zambie où le jeune adolescent avait été placé en camp “ éducatif ”, s’ouvre aujourd’hui à Quimper et durera deux semaines. Sur le banc des accusés Frédéric Aupérin, 46 ans, l’” éducateur ” sans diplôme plus prompt à donner des coups qu’à tout autre chose, et deux jeunes mineurs au moment des faits ayant participé au lynchage de Cyril, comparaîtront pour “ actes de torture et de barbarie ”. Le président de l’association Vagabondage, Robert Antraygues, responsable des séjours de “ rupture ” organisés en Zambie, devra répondre d’” homicide involontaire ”. Lire la suite...

Légèrement attardé mental, très nerveux, fugueur et renvoyé du collège pour son comportement, Cyril Driancourt n’était pas un enfant facile lorsqu’il a été décidé de l’envoyer en Afrique, loin de tout, pour un séjour censé l’éduquer. Ce n’était pas non plus un délinquant endurci. Mais ce qui l’attend dans la savane, à 200 kms de Lusaka, la capitale de la Zambie, où il doit participer avec une poignée d’autres jeunes à la construction d’un “ village fermier ”, tournera vite au martyre.

Souffre-douleur du groupe, il tentera de s’enfuir avant d’être rattrapé et roué de coups. Une “ correction ” qui ne s’arrête pas là. Sur les ordres de Frédéric Aupérin, seul adulte du camp avec son épouse zambienne, l’adolescent est déshabillé, ligoté et traîné dans la boue d’un enclos à cochons. Là, son visage est plongé dans la mare jusqu’à suffocation, son corps est recouvert d’excréments, les autres stagiaires urinent sur lui.

Attaché à un poteau, il passera la nuit, sans eau ni nourriture, dans l’enclos. Trois jours plus tard, après avoir encore subi des sévices et dans un état second, Cyril est pris de convulsions dans le camion qui l‘emmène  à Lusaka. Frédéric Aupérin se décide à le conduire dans une clinique qui lui administre une injection de valium. Puis à l’hôpital où il est placé sous assistance respiratoire et où il mourra le 17 mars 2003.

Selon un expert neurologue, l'adolescent est décédé d'un mal épileptique dû aux tortures et sévices subis, à l'absence de sommeil et au sevrage médicamenteux. Sujet à des crises d’épilepsie, Cyril devait en effet prendre des médicaments préventifs qui lui avaient été confisqués dès le début de son séjour.

Frédéric Aupérin tentera dans un premier temps de faire croire à un accident de vélo puis il expliquera que les sévices auraient été infligés par le groupe en dehors de sa présence, même s’il reconnaît avoir eu recours à la violence physique lors de ces séjours.

Les deux jeunes co-accusés d’actes de torture et de barbarie seront également parties civiles dans ce procès, reprochant à l’” éducateur ” de les avoir frappés. Tout comme quatre autres jeunes du groupe condamnés en mai dernier par le tribunal des enfants de Brest à des peines allant de cinq à dix mois de prison avec sursis.Enfant grillage

Outre les faits qui pourront être reprochés à chacun, la cour se penchera sur la responsabilité de l’association Vagabondage qui n’avait aucun agrément et n’exerçait quasiment aucun contrôle sur ses camps de rupture.

Elle devrait aussi examiner les conditions dans lesquels le conseil général du Finistère avait confié Cyril, sur décision d'un juge pour enfants, à cette association. Pierre Maille, le président du conseil général, dont dépend l'aide sociale à l'enfance et qui s’est constitué partie civile, devrait venir s'en expliquer.

Le procès, prévu jusqu'au 1er octobre, pourrait se dérouler à huis clos. Les accusés encourent des peines de trois à vingt ans de réclusion criminelle.

 

Pierre-Henri ALLAIN

 

Gaza, des enfants qui résistent

Dimanche 19 septembre 2010

 

Vittorio Arrigoni

 Cerfs-volants-Palestine.jpg

Croyez-moi, les enfants de Gaza sont des gamins qui battent tous les records. Ils ont survécu à Plomb Durci et ils survivent chaque jour à la guerre en temps de paix.

 

Sur la plage, des enfants et des milliers de cerfs-volants...

 

 

Couverts de sang, ils ont rampé sous les ruines des immeubles bombardés et pendant des jours ils ont pris soin de leurs plus jeunes frères, des corps agonisants de leurs parents ensevelis sous les débris de leurs berceaux. Tels des héros sortis de Walt Disney, ils ont glissé hors du ventre de la mort encore barbouillés de liquide amniotique pour découvrir le lourd héritage de la condition d’exilé palestinien.

Plus de la moitié de la population de cette pauvre Bande de terre est composée d’enfants, et bien qu’aucun de ces mineurs n’ait jamais voté pour Hamas, ils sont bien les victimes désignées des opérations militaires israéliennes et plus généralement du siège imposé à Gaza.

Des enfants qui résistent. Aux maladies : selon un rapport récent de la Palestinian Medical Relief Society, 52 % des enfants de Gaza sont anémiques et souffrent de graves carences nutritionnelles en raison d’une alimentation pauvre en phosphore, calcium et zinc. Les données concernant les maladies respiratoires sont également inquiétantes.

Des enfants qui résistent aux psychoses, à ces blessures de la mémoire les ramenant face à des corps démembrés et à des bâtiments en flammes, à ces traumatismes indélébiles qui les rendent anxieux et dépressifs, insomniaques et incontinents.

Ils vivent dans des espaces surpeuplés, privés de terrains de jeu. Dans les rues, ils ont vu la chair brûler vive et se décomposer. Missiles, désolations et mort sont évoqués dans les dessins lorsqu’on met une feuille blanche devant eux.

Si le droit au jeu ici est un luxe, le droit aux études est quant à lui interdit : outre les jouets, Israël a également interdit l’entrée des livres d’école primaire dans la Bande.

Contrairement aux Israéliens de leur âge, libres de pratiquer des sports en plein air ou de s’amuser avec leur playstation, les enfants de Gaza sont rendus esclaves d’un maître nommé faim, et je les vois chaque jour pousser des charrues dans les champs, fouiller dans les poubelles à la recherche de matériaux de récupération. Dans la chaleur insupportable de cet été caniculaire, ils sont assis sur des chariots tirés par des mulets surchargés de briques et pierres récupérées dans les bâtiments bombardés, ou on les retrouve au carrefour des rues en train de vendre des babioles, le regard vieux et fatigué de rêver de cours vertes, de terrains de football et de glaces.

Ce n’est pas en jouant à cache-cache qu’ils disparaissent sous terre dans les tunnels de Rafah : avec le risque d’être enterrés vivants, ils sont la main-d’œuvre économiquement et physiquement plus adaptée pour le trafic des marchandises qui autrement n’arriveraient jamais sur les rayons des magasins de Gaza.

Il y a quelque temps, Jasmine Whitbread, Directrice Générale de Save the Children pour le Royaume Uni, s’était exprimée en ces termes : “ Les enfants à Gaza ont faim en raison des restrictions considérables touchant l’entrée de nourriture dans la région, et ils sont en train de mourir parce qu’ils ne peuvent pas quitter Gaza pour recevoir les soins médicaux dont ils ont un besoin urgent. Des centaines de milliers d’enfants grandissent sans recevoir une instruction décente parce que les bâtiments scolaires sont gravement endommagés et les limitations dans le passage et l’approvisionnement en matériaux de construction empêchent leur rénovation. Ce sont les enfants qui paient le prix le plus cher du siège. ” Outre ces exploits souvent oubliés, les enfants de la Bande de Gaza ont battu en sept jours deux records célébrés par le Guiness.

Le jeudi 22 juillet, sur l’aire de l’aéroport fantôme de Rafah détruit par l’aviation militaire israélienne en 2001, dans le cadre de la fin des camps d’été organisés par l’Unrwa ( agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens ), plus de 7.200 enfants ont fait rebondir en même temps, pendant 5 minutes, autant de ballons de basket alors qu’hier le record du monde du vol simultané de cerfs-volants a été établi.

Sur la plage de Beit Laya, devant la frontière Nord avec Israël, le ciel était tapissé de milliers d’hexagones colorés, dans une sorte de célébration animée de cette liberté rêvée même par les plus petits. Plus de 7.000 enfants ont fait voler leurs cerfs-volants, multipliant par deux le record qui avait déjà été enregistré à Gaza l’année dernière.

 

John Ging, chef des opérations de l’Unrwa, a affirmé au terme de l’événement : “ C’est un succès incroyable de parvenir à battre deux records mondiaux en une semaine. Une démonstration de ce que peuvent faire les enfants de Gaza si on leur en donne l’opportunité. Les enfants de la Bande sont comme tous les autres enfants du monde, ils souhaitent mener une vie normale loin des épreuves qu’ils sont obligés d’affronter jour après jour ”, a conclu Ging. “ Ce jour de fête est l’expression de la demande de liberté pour ces enfants. ”

Contrairement aux ballons de basket utilisés à Rafah, les cerfs-volants qui ont flotté hier sur Beit Laya ne sont pas industriels, mais ils ont été fabriqués par les mains de ces mêmes enfants qui les ont hissés dans le ciel.

Certains présentaient des dessins éclatants, beaucoup portaient avec fierté les couleurs du drapeau palestinien.

Un cri de résistance visible face aux tourelles de surveillance israéliennes se dressant à quelques centaines de mètres.

 

Peu après l’enregistrement du nouveau Guiness des Records, un navire de guerre de Tsahal ( l’armée israélienne ) est apparu à l’horizon et s’est approché de la côte de Beit Laya, rappelant que l’heure de la récréation était finie.

 

Restons humains.La-mer-a-Gaza.jpg

 

Vittorio Arrigoni réside à Gaza ville. Journaliste freelance et militant pacifiste italien, membre de l’ISM ( International Solidarity Movement ), il écrit notamment pour le quotidien Il Manifesto. Il vit dans la bande de Gaza depuis 2008. Il est l’auteur de Rester humain à Gaza ( Gaza. Restiamo umani ), précieux témoignage relatant les journées d’horreur de l’opération “ Plomb durci ” vécues de manière directe aux côtés des ambulanciers du Croissant-Rouge palestinien.

 

Son blog peut être consulté à :

http://guerrillaradio.iobloggo.com/

 

Du même auteur :

-  Eid Mubarak, Gaza ! Shana Tovah, Israel ! - 17 septembre 2010

 

18 août 2010 - Vous pouvez consulter cet article à :

http://www.association-belgo-palest...   Traduction de l’italien : Y. Khamal

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18 septembre 2010 6 18 /09 /septembre /2010 22:22

Le rire du nain suite...

Saint-Denis-f-erie-petit.jpg

 

      ‑ Ça y est maintenant faut descendre… qu’il informe Bakary… c’est un peu plus bas sous l’pont… D’un coup ça vrombit comme pour un bombardement et ils hésitent chouïa à cause du va-et-vient d’un drôle de courant d’air bien humide et à glaçons qui leur met des cristaux de givre aux carreaux mais on est pas des trouillards nous autres dans la banlieue !

Là qu’ils arrivent qu’ils se glissent qu’ils se coulent l’endroit où ils descendent c’est facile à situer vous connaissez sûrement… Juste à côté d’la Gare de St-Denis sous le pont du chemin de fer y a la boue et les herbes ronces qui les retiennent et les orties mais ils n’reluquent que les couleurs sur les murs béton gris qui mordent la brume avec leurs grandes bouches rose vif et les bombes de peinture par terre qu’ils ramasseraient bien comme un totem d’ici sur Seine la banlieue… Pfuitt… Pfuitt… Vous entendez ? 

C’est vrai que le coin par ici il est trop bon pour l’aventure des chercheurs de trésors qu’ils sont des vrais baroudeurs avec les tags qui redessinent fortiches le décor de leur théâtre d’la banlieue et en face le camion cramé un J7 où les p’tits se sont faits une cabane et les êtres de l’eau au milieu ils leur sautent dessus… Croa !… Croa !… sortis de l’herbe en délire et de quelques détritus… bleus… roses… jaunes… ils vont pas résister… c’est leur monde à eux ! et si le vent les glace ça n’fait rien… alors Zouh !… Taggeur-bleu-d-tail.jpg

En haut dessus la nationale y a les sirènes des bagnoles de flics qui passent régulier et Bakari ça n’le rassure pas avec les événements c’est pas un temps à rigoler… Seydou il est parti dans la chasse il s’occupe pas et c’est Bakari à force de faire le guetteur qu’observe depuis un moment de l’autre côté d’la palissade en bois rafistolée au bout du mur à tags une sorte de mirador ferraille rouillé sculpture des fourmis d’l’industrie qui font d’nos banlieues des musées d’l’art métallique comme nulle part et contre le mirador art modern c’est un gourbi en bois et en bouts de verre avec une jolie cheminée qui dépasse pas dans le décor grave du lieu et une fumée ocre claire… Bakary se dit qu’à l’intérieur il doit faire bon…

Boum… Boum… Ra ta ta boum !… ça c’est un des lézards géants d’acier qui les vrille parc’que le pont du chemin de fer il est là y n’faut pas l’oublier… Et de l’usine désaffectée abandonnée larguée en rade y’a quelqu’un qui a fait sa maison… un squatt comme y en a tant dans la périféerie et qu’on n’les voit pas… mais là c’est retapé de manière vraiment trop top… des châssis avec des vitres qui font les gros yeux au canal… A l’intérieur Bakary qu’écarquille les calots il devine que c’est bourré d’étagères de bouquins et en fixant encore un peu derrière une des vitres on dirait un visage d’un vieux bonhomme avec une sorte de turban rouge brillant autour de la touffe et une barbe blanche qu’a l’allure de la mousse des arbres du fleuve qui les regarde…saint-denis-canal-ours-petit.jpg

‑ Eh Bakary ! tu glandes quoi là ? Tu surveilles ou tu surveilles pas ?

­‑ Eh Seydou ! vas‑y y a un type qui nous mâte dans la baraque en récup derrière les carreaux !… Vise un peu sa tronche qu’on dirait un sorcier !… C’est pas bon ça…

‑ Oualla Baka le gros nase que t’es alors !… il ricane Seydou qu’a fini avec les tags de la muraille d’l’entrepôt et il en profite pour flasher trois quatre fois direction du squatt pour les archives de Marko y s’ra joyce avec ça et peut‑être qu’il viendra glander voir qui c’est qu’a monté une piaule dedans l’usine… Un sorcier Baka !… Espèce de bouffon d’négro va !… T’as la trouille mon gars ou quoi ?…

Bakary il hausse les épaules il en a marre d’être là à s’les geler ça caille trop toutes les bestioles du fleuve sont planquées au fond des terriers de boue et de feuilles… de l’autre côté de la vitre la tête au turban rouge a disparu… Le froid les prend solide et il les givre malgré les cagoules de laine noire pour les oreilles et aussi loin qu’ils peuvent voir c’est le canal avec sa goulée de brume qui serre la gorge et les points d’exclamation rouges de ses écluses… La nuit elle commence à se ramener gentil et les frangins décident d’y aller malgré l’envoûtement du lieu qui les a alpagués et soudain on dirait quelqu’un qui sort de la mélasse noire sous le pont un angle mort qu’ils ont pas repéré ?…

Drôlement épatés Bakary et Seydou voient le nain tout noir sa trottinette à la main qui lui bienheureux ne les renifle pas… Aussitôt rejoint le chemin de hallage le nain saute sur sa trottinette et se taille direction de la gare et ils le perdent dans le noir peint partout…

 Le-nain.jpg  A suivre...

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15 septembre 2010 3 15 /09 /septembre /2010 20:53

Paris, mercredi, 16 septembre 2010    Beyrouth Septembre 1982

        Boycott Israel  Comme tout être humain je suis sensible à l’histoire tragique du peuple de Palestine que j’ai découvert avec la grande baraka qui est la mienne pour les trouvailles littéraires par l’intermédiaire du poète Mahmoud Darwich un des poètes arabes les plus fascinants dont tous ceux qui l’ont entendu dire ses poèmes savent désormais que la parole se communique autrement que par son sens : par l’émotion qu’elle transmet et la musique qui l’enchante… merci Céline… 

Dans les années 80 je vivais au cœur des Cévennes et malgré notre isolement au bout de 5 kilomètres de chemin de terre et sans téléphone je n’ai jamais oublié ce qui s’est passé à Beyrouth au mois de septembre 1982 et je me souviens encore des frissons sur toute ma peau quand les mots nous sont arrivés grâce à un vieux poste de radio où on écoutait France Inter pour se relier au monde ailleurs… J’étais pourtant bien politisée à cette époque avec l’insoumission de tous les poteaux et d’abord de mon ami Marko à qui les gendarmes filaient le train jusqu’en haut de notre plateau et puis on créchait dedans un hameau en ruine qu’on squattait… Ouais mais comme la plupart des jeunes lascars des années solidaires je ne savais rien ou presque de ce qui privait des gens un peuple entier du lieu où il a toujours vécu et où ses arbres et les os de ses ancêtres sont plantés…

Je n’en savais rien mais ce qui s’est passé à Beyrouth dans les camps palestiniens ce mois de septembre‑là je crois que c’est la première des actions humaines innommable que j’ai traversée en n’étant plus une enfant car le 17 octobre 1961 je n’avais que 5 piges et que ça soit la guerre d’Algérie ou du Viêt-Nam j’étais encore très jeune… Est‑ce que c’est à cause de cette naïveté la mienne face à l’horreur du massacre de Sabra et de Chatila et de la façon dont j’écoutais les mots des journalistes et des survivants les seuls témoins en me disant qu’il y avait quelque chose que la langue ne pourrait jamais communiquer que cette tragédie dans toute sa cruauté m’a marquée si profond ?… 

Ils ont été deux des êtres de référence pour moi dans cette affaire avec les mots avec la langue avec la force de l’émotion qui se passe du sens à écrire sur Beyrouth 1982 et sur ce qui me renvoie aujourd’hui encore à ce que je ne peux pas appeler autrement que de la douleur et du désespoir… Jean Genet et Mahmoud Darwich qui connaissaient tous les deux parfaitement l’histoire du peuple de Palestine chassé de son paysage en 1948 ainsi que la transhumance au Liban et puis l’histoire de Beyrouth où chacun d’eux a vécu enfin tout le monde sait ça… Je n’avais aucune des vagues références littéraires ni historique que j’ai aujourd’hui quand j’ai lu ces deux récits et je les ai lus pour tenter de conjurer cette épouvante qui m’avait prise alors aux tripes dans notre hameau cévenol loin de cette réalité‑là…Jean-Genet.jpg

Chacun de ces textes est chez moi dans la bibliothèque à portée de ma main je les feuillette souvent je les relis ils ne me quittent pas… Mais ni l’un ni l’autre dans leur gravité poétique ne m’ont retiré ni ma douleur ni mon désespoir face à ce qui a eu lieu là et qui n’est toujours 28 ans après ni reconnu pour ce qui s’est passé : un massacre de femmes de gamins et de vieillards dans la souffrance et la peur les plus grandes… par ceux qui l’ont accompli ni par aucun de ceux qui y ont de près ou de loin participé par la trahison de la parole donnée par leur silence et leur acquiescement muet. Ni reconnu ni dénoncé ni châtié ni commémoré ni nommé ni tracé dans le sable de la mémoire humaine commune… 

 Faut dire quand même au cas où… que j’ai aucun goût particulier pour la vengeance telle que l’ont exercée certains Juifs survivants en pourchassant les nazis dont on sait que beaucoup ont échappé à tout jugement et qu’on a retrouvés par la suite dans les dictatures d’Amérique du Sud… Je n’ai pas expérimenté l’horreur d’avoir face à soi des fous armés et des tueurs professionnels comme le sont tous les militaires de toutes les armées du monde et pire sans doute encore si ça se peut les militaires avec pour conscience ou pour inconscience la religion et ses démences sexuelles et morbides et par une tendance perso à l’utopie d’une possible harmonie humaine partagée j’ai fui le plus que j’ai pu toute forme d’affrontements… En gros je préfère croire à la bonté et à l’intelligence qu’à la haine et à la bêtise infinie qui mène les troupeaux de tarés vers la boucherie…

Et pourtant là à chaque fois que la date de ce 16 septembre et plus généralement de ce début du mois infâme qui a vu aussi en 1973 ce11 qu’on a effacé de la mémoire populaire le putch de Pinochet et ses sbires menant Salvador Allende à la mort je me dis que nous autres les jongleurs de mots nous ne pouvons pas nous ne savons pas nommer ce qui dans l’homme est réellement un fond de barbarie et de mort… la présence même de l’inhumain à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui au quotidien dans les sociétés occidentales et justement peut‑être à cause de notre impuissance…

Le texte de Genet “ Quatre heures à Chatila ” qui est fort de sa proximité avec les jeunes feddayin palestinien va aussi profond qu’on peut aller dans le témoignage et la traduction impitoyable du crime avec la beauté du style qu’on lui connaît et l’amour lumineux qu’il porte à ces combattants et à ce peuple qui sert à nos sociétés occidentales de parfait bouc émissaire de leurs turpitudes.

“ Sur les six parties, deux seulement sont consacrées à la description des charniers de Chatila. Pour aller plus loin et ne pas être aspiré par cette réalité insoutenable, disparaître en elle comme l'on sombre dans un gouffre, pour réagir et comprendre, Genet se remémore ce qu'il sait des Palestiniens quand il était parmi eux encore vivants. C'est l'objet des quatre autres parties qui sont une échappée de la mémoire en Jordanie, douze ans auparavant, alors que Genet vivait dans les camps palestiniens. Le visiteur hébété de Chatila se doit, pour ne pas devenir fou au milieu des cadavres en décomposition, de mettre au clair ce qu'ont été pour lui les Palestiniens vivants, et impérativement de parler de lui pour parler d'eux ”. ( Alain Milianti, Le fils de la honte. Éd. Solin, 1992 ).

Mahmoud-Darwish.jpgMahmoud Darwich parle de Beyrouth dans Une mémoire pour l’oubli avec toute la présence poétique de l’homme qui a connu au Liban et d’abord dans cette ville qui est comme sa seconde peau une seconde patrie… A le lire la violence qui s’installe en moi dès que je remémore les mots utilisés par certains tortionnaires parmi les phalangistes chrétiens libanais qui encore aujourd’hui vivent “ tranquilles ” sans aucune conscience ni aucun remord de leurs actes et s’en vantent à l’occasion… à le lire mon envie de hurler s’apaise et devient le refus de consentir qui prépare les paroles réclamant justice et châtiment au nom de ceux qui en Palestine et dans l’exil n’ont jamais plus revus les leurs qu’ils avaient confiés aux promesses de protection des responsables politiques US Français ( 1982 : Mitterrand ) et Italien et de leurs armées respectives…  

“ Je n'ai plus de patrie, je n'ai plus de corps.

Le bombardement se poursuit sur les cantiques de gloire et les dialogues des morts se coulant dans un sang comme lumière qui dévore une litanies de questions glacées.

Qu'est-ce que je cherche? Un trop-plein de poudre, une satiété de colère ?

Les obus pénètrent chaque pore de ma peau et ressortent comme si de rien n'était.

Quelle puissance ! Je ne ressens pas l'enfer partout répandu dans les airs tant que je l'avale à chaque respiration, tant je le respire de tout mon corps.

Je veux chanter, parfaitement, je veux chanter ce jour brûlé, je veux le chanter, inventer les mots qui feront de la langue l'acier de l'esprit, une langue capable d'abattre ces avions, ces insectes de fer brillant. Je veux chanter, inventer la langue qui me portera et que je porterai, qui témoignera et me prendra à témoin de cette force, en nous, capable de surmonter la solitude universelle.

Et m'en aller.

M'en aller pour me voir marcher d'un pas ferme, libre, y compris de moi-même, au milieu de la rue, au beau milieu de la rue. Les monstres volants hurlent autour de moi, crachent leur feu, mais je ne m'en soucie pas.

Je n'entends que le bruit de mes pas sur l'asphalte dévasté. Personne. Qu'est-ce que je cherche ? Rien. Ou peut-être est-ce l'obstination de ce défi jeté pour masquer la peur de la solitude, ou encore la crainte de périr sous les décombres qui guident mes pas et me font arpenter les rues endormies.

Je n'avais jamais vu Beyrouth endormie de ce sommeil matinal. Pour la première fois, je vois les trottoirs, rien que les trottoirs, les arbres, rien que les arbres, avec leurs troncs, leurs branches, leurs feuilles éternellement vertes.

Beyrouth est-elle belle en elle-même ? L'agitation, les paroles, la bousculade, le vacarme du commerce n'avaient jamais permis que surgisse une telle question. Beyrouth n'était pas une ville, mais une idée, un concept, un mot, une façon de dire. ”

 Amandiers.jpgOui les mots et ceux de Genet aussi peuvent dire cela mais qui et avec quels aboiements quels hurlements quelles plaintes pourra nommer épeler marquer de manière à ce qu’ils traversent le temps les noms de ceux qu’on a privé de leur vie et de leur histoire ce jour du 16 septembre 1982 tracés en une litanie sans fin dans la pierre comme le sont enfin ceux qui ont été assassinés par les milices de Pinochet dans le stade de Santiago le 11 Septembre 1973 et les jours qui ont suivi ?

Qui nommera ceux qui ont participé à cette tuerie parmi les phalangistes chrétiens libanais et parmi les militaires israéliens présents à Beyrouth pour les guider dans leur massacre ? Imaginez un peu que vous alliez à Beyrouth un de ces jours… votre chauffeur de taxi ou le patron du bistrot où vous vous arrêtez est peut‑être de ceux‑là comment savoir ? et comment accepter de ne pas savoir ? Et le silence d’hier et le silence d’aujourd’hui signent la même complicité de ceux qui à Beyrouth…

Avec quels mots pourrions‑nous nous autres qui n’avons affronté ni guerres ni massacres ni vols de notre espace vital tenter d’écrire ce que l’inhumain réclame comme l’expression de sa puissance à tuer à violer à terroriser à déshumaniser… et qui s’il n’est pas dénoncé et châtié et empêché de se communiquer à ces êtres revenus à la première barbarie avant l’intelligence se répandra et c’est déjà le cas dans le cerveau dément et vide d’autres apôtres du terrible “ Viva la muerte ! ” de Franco ?

Qui inventera les mots qui n’existent pas encore pour apporter la compassion la bienveillance et la consolation et d’abord qui saura dire notre douleur et notre désespoir communs quand cela n’a jamais même été murmuré sous la clarté obscure de la honte ? Qui saura réclamer exiger assez haut assez impitoyablement la lumière sur ce que les Etats les responsables des manipulations politiques et historiques de toutes sortes et les exécutants serviteurs infâmes des maîtres d’un monde sans âme ont passé au blanc il y a 28 ans et ça dure… pour que les Palestiniens et les Libanais qui ont vu leur famille entière dévastée à Beyrouth septembre 1982 puissent avoir enfin un lieu où venir ensemble se souvenir des leurs prier ou pleurer ou crier leur détresse se consoler par la présence les uns auprès des autres des fils et des filles de ceux qui ont survécu et trouver dans cette reconnaissance un peu de paix et de douceur quand les images si violentes commenceront à faire un peu moins mal ?Caillou-alg-rien.jpg

Et qui dans la clarté rayonnante d’une lune amicale et fraîche dans la renaissance généreuse d’un soleil printanier qui pleut ses gouttes légères ira cueillir sur cette terre sans tombes et sans sépultures les premières fleurs des amandiers nées du sang de la souffrance mêlé au lait de la jeunesse d’un monde où l’inconscience et la saveur de la mort seront scellées au fond des catacombes de l’oubli par notre refus d’accueillir parmi nous ces créatures qui nous ressemblent tant et qu’on ne peut pas nommer ?  

 

Lamentation de Hadja Hassan Mohammed

Mardi 14 septembre 2010gaza-enfant-nounours.jpg

Franklin P. Lamb

       “ Comme je vous envie vous qui étiez là quand ceux que j’aime sont morts. Est-ce qu’ils avaient soif ? Avez-vous eu la bonté de leur donner à boire ? ”

 

Cher Franklin

 Merci beaucoup de m’avoir fait suivre ce texte. C’est très pénible, mais je me souviens de tout ce qui s’est passé la nuit du 17 septembre 1982 quand Mounir a été amené par ses amis à la salle d’urgence de l’hôpital de Gaza. Tout ce qu’il arrivait à dire était Israéliens, Haddad, Kataeb et il s’est évanoui. Il a été le dernier patient que j’ai opéré avant que les miliciens ne nous obligent à quitter notre salle d’opération en sous-sol. Il avait reçu trois balles et perdait beaucoup de sang - son hémoglobine était tombée à 4gms ( le niveau normal est de 12-13 gms ).

Comme les autres, Mounir a vécu pendant des mois à Chatila dans la maison où sa famille avait été assassinée ; il revivait constamment ses cauchemars et finalement on a réussi à l’envoyer avec son frère aux USA pour qu’il puisse commencer une nouvelle vie. Je l’ai rencontré à de nombreuses reprises et même maintenant il me demande de regarder ses cicatrices.

Par respect, j’ai changé son nom dans mon livre, mais l’année dernière il m’a dit qu’il se sentait plus solide ; je peux maintenant raconter son histoire - celle d’un jeune garçon de 11 ans. J’ai également inclus les photos de sa grand-mère et de son grand-père dans mon livre ainsi que les lamentations de sa grand-mère.

Le moment est peut-être venu de faire entendre au Liban et dans le monde les lamentations de feu sa grand-mère, qui a marché 20 km du Sud Liban jusqu’à Chatila... Elle est arrivée à Chatila ce jour de septembre pour constater que 27 membres de sa famille avaient été tués - seuls Mounir et Nabil avaient survécu. Elle dit :je_rage.jpg

 “ Nos colombes sont toujours là. Nos oeillets exhalent leur parfum. Les moineaux chantent leurs chants de toujours. Mais Abou Zuhair est introuvable.

Beyrouth tu as pris tout ce que j’avais. Tu as pris ma dernière étincelle de vie et mon coeur gît dans tes rues.

Abou Zuhair, le grand, le jeune arbre a été cruellement coupé de ses racines sur ton sol.

Puisse le sang de celui qui t’a tué se mélanger au tien. Puisse sa mère souffrir la même agonie.

Qui a creusé ta tombe Abou Zuhair ? Qui nous a apporté ce désastre ? Qu’est-ce que je peux dire en ta mémoire ?

Mon coeur est lourd de reproches pour ce monde insensible. Cent navires, deux cents étalons ne suffiront pas pour porter le poids de la douleur dans mon coeur.

Qu’est-ce que je peux dire ? « Mère » tu me dis « va à nos tombes et prie pour ceux qu’elles ont engloutis »

Je vais aux tombes et j’étreins tendrement leur pierre. Je dis « faites que vos pierres entourent chaleureusement les corps de ceux que j’aime, prenez soin d’eux, je vous les confie. »

 Je pleure votre jeunesse et je pleure toutes les jeunes filles qui n’ont jamais connu un moment de bonheur ou de contentement. Elles sont allées à la rencontre de la vie pleines d’espoir et d’impatience pour se faire piétiner et déchirer par sa férocité.

Mon Dieu, je n’ai plus de force. Il était l’homme le plus beau et le jeune homme le plus fort des garçons. Il préparait la voie pour les autres afin de faciliter leur marche.

Ton jeune corps s’est mélangé au sable trop tôt et le sable remplit tes yeux.

Qu’est-ce que je peux encore donner à mon pays ? Mon coeur est pénétré de souffrance et de reproches à la vie.

Comme je vous envie vous qui étiez là quand ceux que j’aime sont morts. Est-ce qu’ils avaient soif ? Avez-vous eu la bonté de leur donner à boire ?

J’implore chaque oiseau qui passe de vous porter mon angoisse et mon amour et de me ramener des nouvelles de ceux que j’aime.

Mon enfant, ton corps est criblé de balles. Qui t’a envoyé à moi, oiseau de malheur ? Pourquoi m’infliger tous ces désastres à la fois ? Épargne-moi un peu, oh mon Dieu. Mon Dieu - attends au moins un an, et puis que ta volonté soit faite.

Je vous en supplie, vous les croque-morts, avancez lentement. Ne vous hâtez pas. Laissez-moi voir encore une fois ceux que j’aime.

Je vais vers les tombes et je reste là égarée. J’appelle Abou Zuhair, puis Oum Walid ( sa sœur ). Pas de réponse. Ils ne sont pas là. Ils ont suivi Oum Zuhair ( la femme d’Abou Zuhair ) et les enfants. Ils sont tous partis une nuit sous la lune - tous ceux que j’aime.

Mon enfant, tu n’es plus près de moi. Des montagnes de distance nous séparent...

Nabil ( neveu d’ Abou Zuhair ) appelle sa mère. « Mère » dit-il « à qui m’as - tu confié ? »

Zahra répond « je t’ai laissé à tes oncles. Ils devraient te donner de mes nouvelles et t’emmener jusqu’à ma tombe pour que mes yeux puissent te regarder et que mon coeur puisse t’atteindre ». Mais Abou Zuhair est parti et il ne peut pas accomplir le souhait de Zahra.

Zuhair ( fils d’Abou Zuhair ) demande à son père « à qui m’as tu confié ? »

« Ton grand-père viendra te chercher. C’est toi qui continues sa vie ».

Mais la vie, qu’est-ce qui nous reste de vie ? Nos coeurs sont morts. Nous n’avons plus de larmes pour tous les jeunes, hommes et femmes qui sont morts.

Où puis-je me tourner ? Où sont mes enfants ?

Mon enfant, que Dieu te montre la voie sacrée et que mon amour et mon affection soient une lanterne qui t’accompagne sur le chemin.

Dieu tout-puissant, donne-moi la patience. Jeunes gens, restez loin de moi : vous rouvrez mes plaies et je suis si lasse. Qu’est ce que je peux dire ? ”

 Lamentation de Hadja Hassan Mohammed, octobre 1982. ( pp. 84.85,86 de From Beirut to Jerusalem ).Fleurs-d-amandier-3.jpg

 Veuillez diffuser ce texte - une grand-mère palestinienne à sa famille, massacrée à Sabra et Chatila - j’ai conservé ses paroles et je les lis à tous ceux qui veulent les entendre depuis 28 ans

9 septembre 2010 - Ce texte peut être consulté ici :

www.thepeoplesvoice.org/TPV3...

Traduction : Anne-Marie Goossens   

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13 septembre 2010 1 13 /09 /septembre /2010 23:02

Yurugu le renard pâlefennec-petit.jpg

Epinay, samedi, 11septembre 2010

 

J’ai rencontré Yurugu parce que je n’avais plus de bras

Pour emporter des brassées de livres d’un côté et d’autre de ma vie

Il y a longtemps qu’il était à la porte de ma baraque aux histoires errant et solitaire

Il y a longtemps que sa force vitale sa nyama me nourrissait de l’eau des marigots sauvages

La nuit je ne savais pas pourquoi je me levais pour écrire avec la lune

Il y a longtemps que les devins les griots les guérisseurs les forgerons

D’Afrique de Nord et de l’Ouest m’ont confiée

Aux bonnes mains d’Amma qui m’a laissé apprendre à modeler la terre rouge des poteries

Tremper mes doigts aux couleurs noire sanguine et blanche et dessiner les figures des totems

Avant que Yurugu le renard pâle mon jumeau ne m’apporte

Au jour de ma dernière naissance les mots interdits de l’histoire des peuples des masques

Yurugu a pointé son petit museau clair curieux et décidé à la porte de ma baraque aux histoires

Au moment où mon bras droit cassé pendait

Comme l’aile inutile d’un moulin à vent qui n’a rien à moudre

Et j’ai su que c’était ses empreintes sur ma table de divination ma kala au sable gris‑bleu

 Que je suivais depuis toujours

Et maintenant c’est Yurugu qui trace les bummo à ma place

Yurugu le renard pâle mon frère sur la terre chaque nuit

Vient et m’emporte sous l’ombre de grand acacia du village d’Iréli au pied de la falaise de Badiagara

Qui rêve ma guérison et mes deux mains ouvertes pour donner et pour recevoir

Chaque nuit Yurugu m’apporte un croissant de lune qui a la couleur de mes yeux

Il grandit jusqu’à devenir un marigot où je trempe mon corps blessé

Et quand je sors couverte du pelage du renard pâle

J’ai quatre pattes pour marcher sur le chemin du ciel et de la terre.

 

Amma a créé le grand métier à tisser

Du monde il a taillé ses montants

Dans le bois de lune vert des tamariniers

Et dans l’écorce soleil des acacias bleus

Le fil de trame écru se balade

Sur le dos des moutons de Bandiagara

Qui descendent le long des pégué de mil

Ils font voler la poussière rouge et mousser

Les bonnes mains d’Amma enchantant

La première parole que le marinier

Nommo a tissée dans l’eau de son corps sableux

La poulie devient la mère du fil

la-proie2000overblog

Ses nerfs qui grincent sont les triangles nomades

Indigo écrits aux flancs de Bandiagara

 

Amma a créé l’âme du monde jumelle

Elle est lune elle est soleil emmêlés

Amant d’air et de feu de terre et d’eau maîtresse

Dans son œuf d’argile deux poissons silures

Se nourrissent au lait de la même bouche

Ogo a dénoué le lien de laine blanc

Il a crevé l’écorce de l’acacia bleu

Séparé de sa sœur son sexe rebelle

Veut éclabousser de sa liqueur salée

Les masques de lune verte qui se dressent

Figure de femme dege à la parure

De plumes rouges personne ne touche

Ce qu’Amma a conçu et l’astre brûlant

Dort dans la fourmilière auprès de son double

 

Amma a créé la parole née de l’outre

Où soleil et lune ont rêvé enlacés

La naissance des forêts ils ont rêvé

La nyama des grands arbres descendus

A l’intérieur du sac du premier ancêtre

Forgeron le long du fil de l’arc‑en‑ciel

Avec les outils de labour et des cuissons

Les signes tracés sur le ventre de l’outre

Où les jumeaux poissons buvaient le lait glacé

Du ciel c’est Amma qui les a enlevés

En devenant Yurugu Ogo a perdu

La parole et le chant qui relie les êtres

Yurugu le renard pâle privé du miel

Des mots va sur la terre sèche sans moissons

 

Mais pour Yurugu fils de l’obscur la lune

A tissé à l’aube une tunique blanche

Dans la poussière de la savane rouge

Où il erre loin des villages les flaques

Sauvages l’abreuvent de lumière bleue

C’est Yurugu le renard pâle qui a lu

L’histoire des hommes qu’Amma a oubliée

A l’écart des greniers à mil de terre brune

Et de la ginna où les femmes ont aux hanches

Des enfants jumeaux quand l’ombre s’étire et bouge

Au frais des tamariniers les devins traquent

Dans les tables de sable où le songe pleut

Les empreintes de celui qui n’est pas élu

 

Mais pour Yurugu la jeune fennec rusé

Et têtu rival secret et solitaire

Du Nommo au corps sacrifié serviteur

De la parole posée dans la nyama

De l’acacia bleu c’est sa différence

Qui fait de lui le lecteur préféré des rêves

D’aduno le monde né dans la poussière

Rouge des bonnes mains d’Amma le grand tisseur

Oui c’est Yurugu le renard qui a usé

De sa robe pâle que la lune claire

Et le couple des tamariniers protecteurs

Lui ont donné pour dessiner sur la kala

Aux six cases où les doigts du devin dansent

La trame de sable avant que le jour se lève

Avec sa queue il suit la trace première

De sa divination jeune ancêtre farceur

 

Mais pour Yurugu le renard le temps est là

Où la terre desséchée de l’autre monde

Va mourir où le premier lagon vert

Que le Nommo a conçu pour donner à boire

Aux champs de riz aux manguiers et aux troupeaux

Va tarir où le langage d’Amma

Ne parlera plus aux gyinu ni au lézard

Ugulu oui Yurugu le temps est là

Où l’eau et le sang qui ont dessiné le monde

Et les pluies fécondantes dans le ventre ouvert

De Bandiagara rentrent à la grotte noire

Où attendent les sacoches de peau

Qui gardent les paroles et le nyama

Des arbres jumeaux grands maîtres du hasard

 

Il est temps pour toi Yurugu et il est temps

Pour moi de se défaire de la charretteMuse

Où les hommes ont entassé les gravats morts

De leurs maisons plus hautes que Badiagara

Qu’il n’y ait plus personne pour tirer les restes

De leurs charniers où sèchent des caillots d’étoiles

La ginna en banco à trous d’hirondelles

M’accueille avec ses calebasses remplies

De blanc de rouge et de noir car il est temps

De tremper les mains la bouillie est prête

Pour inventer un bummo je mets tout mon corps

A l’ouvrage chaque signe nouveau sera

Celui de la sœur des masques et ses gestes

Ouvriront à Yurugu le renard pâle

Le chemin des danseurs de rêves fidèles

A la source du lébé nous boirons l’oubli. 

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