Il y a quelques temps j'avais copié pour notre blog les petites notes intitulées Petits contes à rebours qui étaient en fait le début d'un projet de bouquin sur ma traversée perso des années 70 et l'étonnante aventure qu'a été ma vie à partir de là... Ma rupture avec un destin bien précis ainsi que ça a été le cas je crois pour pas mal d'entre nous qui ont aujourd'hui un peu marre d'entrendre dire n'imorte quoi et le pire sur notre jeunesse extra...
Et en voici donc la suite avec un texte que j'avais publié dans mon ex revue défunte et que je réécris en ce moment pour ce p'tit futur bouquin...
A celles et ceux qui ont aussi vécu des choses incroyables à c't'époque d'utopies généreuses et colorées de juger...
En plein vol Ecoute… écoute… je voudrais te raconter une histoire…
"Les gouines !… les goui-neuh-euh-euh !…" Le mot m’avait percutée en plein vol… La première fois que je l’ai entendu ce mot j'avais treize années derrière moi qui traînaient les pieds. C'était en plein milieu d'un pré frissonnant de petites herbes crues. La première fois je ne savais absolument pas ce que ça voulait dire et comme j’étais un peu naïve encore j’avais ri pendant que les autres autour de moi et de ma copine Caroll que je tenais drôlement fort soudain par la main dans le pré aux petites herbes crues sous les pommiers promis à une agonie d’automne tournaient la ronde en répétant : "Les gouines !… les goui-neuh-euh-euh !…" Les autres filles de l’internat qui pour moi restera toujours jusqu’à ce qu’on me fasse la même chose qu’aux pommiers cet automne-là « la pension » tournaient tournaient sur leurs pieds lourds de fillettes adolescentes aux godasses assez moches et aux blouses bleues qui leur donnaient l’allure de petites vieilles qui vont au marché… Vont au marché leur panier au bras elles dodelinent de la tête pareilles à des pintades dos déjà arrondi piétinant sans légèreté et sans l’élégance des oiseaux préparant un ballet de grains de blé autour d’elles… Elles c’étaient deux pâquerettes givrées au creux de la même peur… Elles c’étaient des filles aussi et les filles ne les aimaient pas…
"Les gouines !… les goui-neuh-euh-euh !…" La même peur… Elle les prenait sournoise et avec une petite grimace pas vu pas pris à l’intérieur du ventre… Et elles ne savaient pas pourquoi… La même peur ouais… En regardant la tête pourtant baissée de plus en plus… baissée… les yeux railleurs et cruels des chanteuses qui resserraient de plus en plus… resserraient la ronde… qui haussaient la voix pour que la ritournelle devienne un cri sorti de leurs gorges où des rires résonnaient comme des culs de casseroles qu’on frotte avec un clou. Des culs de casseroles où leurs visages grimaces se reflétaient… "Les gouines !… les goui-neuh-euh-euh !…" La première fois qu’elle l’avait entendu c’était à la rentrée du second automne à l’internat et elle croyait qu’elle en avait fini d’avoir mal à cause de l’habitude prise du retour dans les bras camarades de réclusion des pommiers qui l’attendaient au fond de la cour là où le petite herbe crue poussait comme un gros hérisson vert doux. Et à cause de la main de Caroll dans la sienne. Nos corps silencieux se donnaient Et le sang était venu cette année-là de leurs douze ans… Cette année-là du grand bouleversement des mondes encore enfants… Des mondes tout comme elles et comme Tom l’ours en peluche embarqué vite fait dans le sac du départ imposture vers la pension sans prévenir à la fin de l’été avec le bleu doux incrédule de ses yeux… Tout ce qui me restait… Tout ce qui me restait dans cette année 1968 où un peu de mon sang allait rejoindre celui des rêves réunis des jeunes garçons et filles… eux et moi réunis dans une blessure qui n’en finirait pas… Tom l’ours en peluche tout ce qui me restait…
A suivre...
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