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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 19:17

 

Gao ir ma koïma suite...

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Yurugu il y a longtemps que je le sais

C’est toi qui as écris mon histoire parmi celles des Jeli au creux des tables de sable du grand désert d’as‑Sahara et des Tassili c’est toi qui m’as nommé Gao et tous les Jeli qui posent leurs pieds sur la terre n’importe où entre les quatre points de l’horizon c’est toi Yurugu qui les as nommés. Asif n'Azidan fleuve de douceur l’histoire du monde est née ici à l’intérieur de l’arche du Tazu de paille le grand panier aux quatre coins et les porteurs de paroles ont entendu le chant du sable. Ils sont venus chacun à la rencontre du récit qui danse entre les dunes géantes du gris orangé inconnu de l’erg d’Ubari ou au milieu des taupinières glacées du Désert Blanc grattant la pierre turquoise du ciel. Mais tous ils finiront pas se retrouver ici au bord de Joliba sur les flancs roses de Koïma Hondo.

Le Tobol des Djnoun bat au creux des irrekane du Tassili N’hagarra et rebondit entre les ruelles de silice et de grès noir il se cogne aux linteaux des portes trop basses pour les géants de Jabbaren. Arbres de pierre de Wan Tejedit et dédales roses de Sefar au grand dieu bras ouverts au‑dessus des Têtes Rondes sans visages qui marchent de Tin Aboteka à Jabbaren. Abris des antilopes au corps d’éléphant qui percutent les troncs des tarout les cyprès ancêtres de Tamghit où l’écho s’enroule autour de la lumière guidant le vol des quatre naines à crâne d’oiseau. Le Tobol des Djnoun qu’accompagne l’appel des Kel Essouf les génies de la solitude. Le sable qui chante aux oreilles des Jeli et des voyageurs de la soif tambourine sous les mains des sorciers frappant le grand tambour tabalé qui lui répond. Il transmet le récit de l’épopée des peuples et des hommes solitaires haranguant la lune tout le long du fleuve jusqu’à sa source en haut du Fouta­‑Djallon.

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De ce côté‑ci du monde je connais mon destin moi Gao fils des pères de mes pères nés dans la tribu de Soundjata Keïta et fils des ancêtres de ma mère les Berbères alliés aux pêcheurs Sorko maîtres de l’eau pour chasser le grand poisson. Bagu le silure et Luro‑na le python les génies d’eau du peuple Dogon où je suis né et où je ne cesse de retourner par mon double totémique sont les ancêtres Binu qui n’ont jamais connu la mort. Le double sacré de la tribu ancienne qui m’a adopté est le python‑nommo qui habite l’été à l’intérieur des baobabs creux gardiens de l’eau des pluies et de la terre. A l’hivernage il se déroule et sort de la bouche des vieux puits pour s’installer dans l’arc‑en‑ciel Lömmo et puis il revient avec la pluie pour nourrir les graines du fonio et du mil.

Yurugu moi qui n’ai goûté ni à la profondeur des sillons de terre brune ni à la douceur ronde des épis généreux ni à l’élan des branches des rosiers et des lianes du jasmin… moi qui ne connais que le poids des mangues mûres au creux de la paume l’odeur épaisse des paniers d’oignons sur la tête des femmes et la cadence lente des pileuses de mil dans le petit matin… j’ai quitté la tribu des anciens et leurs greniers à grains aux toits pointés comme des doigts vers les auvents de roche peints de signes rituels. 

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Comme toi Yurugu j’ai laissé les hommes accrochés en bas de la falaise de Bandiagara aux toguna les maisons communes dont les colonnes sont habitées par deux jumeaux androgynes petites présences de bois taillés les premières créatures terrestres du royaume d’Amma qui a façonné notre terre dans une boule d’argile et en a fait sa femme.

Comme toi Yurugu fils rebelle d’Amma je suis en quête des hommes qui croient à la force des habitants d’Ifriqiya et à la légèreté des cavaliers cités par l’oracle d’Amon maître de l’acropole d’Aghourmi dans l’oasis de Siouah tout près du pays de Libye.

Comme toi Yurugu moi Gao l’enfant d’Irani au pied de Bandiagara j’ai marché le long des pistes de traverse où tout n’est qu’ivresse de solitude et de désenchantement à la rencontre des étrangers à nos tribus de paysans qui montions la terre sur nos têtes en haut de la falaise à nos tribus de pêcheurs qui jettent les filets autour des pinasses à l’aube orangée au Sud de Tasharan à nos tribus de chasseurs d’hippopotames de Ouatagouna proche d’Ansongo là où l’île de Bentia a donné naissance à l’Empire des Songhaï les miens.

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Comme toi Yurugu j’ai erré à la rencontre des bédouins d’as‑Sahara les Kel Tamashek et les Kel Ajjer enfants de la lointaine tribu maternelle dont je connais dans ma chair le désir inassouvi d’errance en imaginant la bonté de l’eau qu’on boit à la dellou commune auprès de l’aïn sa bouche de sable ouverte “ Aouid aman donne‑moi de l’eau ” et de la tagella qu’on partage sauvée de son fourneau de cendres et de sable. Mais l’eau des hommes perdus ne soulage pas de la soif devenue une prison pour celui qui ne peut quitter le pays dont on l’a dépossédé. Et la tagella cuite aux braises du couchant ne rassasie pas celui qui cherche l’âme des hommes sans refuge sans bivouac sans repos.

Toi Yurugu frère de tous tes frères sauvages qui ont poussé les portes de verre des déserts où se faufile la lumière prudente des nuits tu devines l’endroit où ceux qui n’ont plus de terre pour mener leurs troupeaux et leurs pas qui ont compté tous les replis et les pierres des ténéré se réunissent pour chanter les combats futurs et montent les campements aussi fugaces que la rosée dans les nécropoles ruinées d’Al‑Charaig et d’Al Hatyah. Parce que ta demeure est mouvante et qu’elle se plie à la trajectoire changeante des eaux souterraines et aux puits éphémères tu imagines le début des mondes dont l’oracle a prédit la fin dans le mouvement de va‑et‑vient sans cesse que tu fais d’un bout d’as‑Sahara à l’autre comme la navette du métier à tisser aux pieds de bois plantés chacun à une extrémité du temps.

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Toi Yurugu tu sais que je suis paysan songhaï et forgeron dogon parmi les paysans d’un peuple dont les hommes ont laissé là l’un après l’autre les champs étroits et fins comme les bandes tissées aux métiers où va et revient la navette de la parole recommencée. Ils sont allés se vendre aux marchands d’esclaves qui les ont parqués à l’intérieur des mégapoles de l’exil où flottent des tentes de chiffons aux marchands de mort qui ont enfermé la terre la mère du monde dans des cerceaux de barbelés.

Toi Yurugu tu sais que je suis pêcheur bozo parmi les pêcheurs nomades de Joliba créant leurs demeures de paille au gré des îlots fugaces de joncs et de roseaux guidant leurs pinasses brunes aux flancs scarifiés de bleu turquoise et de jaune paille tatoués de marguerites blanches le long des rives mousseuses et souvent marchant leur filet à deux mains dans les eaux basses du grand affluent Mayo Dembé aux rives du Lac Debo et au creux des marres. Pêcheur bozo et forgerons dogon liés par la parenté à plaisanterie ont laissé leurs rires s’envoler au loin des forges minuscules entre leurs pieds et des fours d’argile où l’odeur du poisson graissant les paumes à fini de sécher.

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Toi Yurugu tu sais que je suis berger peuhl et nomade tamashek parmi les bergers errants et menant les troupeaux de boeufs au bord du fleuve à Diafarabé. C’est le retour chez soi après la longue transhumance et la traversée rituelle des eaux de sang depuis la première traversée conduite par Sékou Amadou le roi de Macina. Les bergers déclament les poèmes qui racontent leurs aventures de pérégrination et les chants du Yaaral et du Dégal résonnent sur tout l’espace du delta intérieur de Joliba. Nomade parmi les Kel Tamashek je mènerai les caravanes de chameaux les meilleurs depuis Terist et Tessalit où on a choisi les plus vaillants pendant les trois jours de fête. Ils seront montés pour les Ziarras de Ghât l’Illizi de Djanet ou de Tazrouk et pour le marché au bétail de Gossi par les hommes généreux Afekay dressés debout sur leur terik de cuir fauve aux petits clous d’argent et le tindé résonnera aux paumes des femmes pour que les chameaux dansent l’Ilougan.

Toi Yurugu tu sais que je suis né là où aucun cavalier n’a défendu notre royaume contre son partage en morceaux aussi petits et aussi vastes que la ghalabia du ciel étoilé.

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Toi Yurugu tu sais que dans les villages au pied de la falaise de Bandiagara l’eau qui ruisselle au long des failles ocre forme des mares fraîches où le Nommo donne à boire à l’âme du ciel assoiffée comme Amon maître de l’acropole d’Aghourmi veille sur la fraîcheur des sources et la justesse des paroles dans l’oasis de Siouah tout près du pays de Libye.

Dans l’oasis de Siouah Ammoneion qui a nommé l’eau Aman pour le peuple d’Arabie et d’Afrique te reconnaît comme son fils toi Yurugu le renard pâle. A la fin de chacun de tes périples tu empruntes la piste de Sikkah el‑Sultan le Chemin du Prince pour venir plonger au creux des eaux chaudes d’Aïn es‑Shams la fontaine du soleil aux côtés de l’astre qui rejoint le dieu Horus dans sa course nocturne jusqu’au nouveau jour levant sur l’oasis.

Comme toi Yurugu je sais que le maître du royaume perdu le serviteur d’Horus et de Thôt est de ceux qui peuvent relier entre elles les tribus par la parole mais nos frères éparpillés de Gao à Tazrouk et de Ghât à al­‑Joufrah se moquent de la parole et des histoires qui sont venues à nos lèvres dans le même temps que l’eau souterraine voyageant sous des kilomètres de ténéré de hamada et de sebka.

C’est cette eau qui a réveillé ta soif et la mienne intarissables à travers les sables du Gourma et du Tanezzouft à travers les roches du Tassili N’Ahaggar et du Tassili N’Ajjers au creux des replis du Fezzan du désert blanc et du désert noir d’Egypte. Notre soif que ni les marmites d’Afilal ni la guelta d’Issandilène ne peut rassasier. L’eau de toutes les errances et de tous les signes tracés sur les ostraka et les tessons de terre c’est elle qui jaillit bondit et rebondit aux 300 sources et torrents de l’oasis de Siouah. Dans ses jeux se reflètent les mosaïques bleues des coupoles d’Arabie pendant que Nout la déesse des ténèbres verse au fond de nos yeux la chaîne mouvante des signes de vie entourée des palmiers aux touffes dressées au‑dessus du temple d’Amon.

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 Yurugu il y a longtemps que je le sais

Les Aw‑Targi les fils des bédouins les fiers Kel Tamasheq n’habitent nulle part ou peut‑être qu’ils habitent très loin dans des pays d’eau comme celui de Targa que les lacs d’Ubari criblent de leurs éclats de pierres d’émeraude encerclés de dunes blanches et leurs anneaux lunaires. Le maître du royaume perdu a choisi l’Erg Ubari pour y planter sa khaïma aux pieux d’acacia vigoureux et aux peaux de chèvres brunes et blanches sur les taoussit tressés de laine écrue par les femmes de la tribu à l’intérieur de l’assabeur de roseaux qui sépare le campement de la demeure couchée du désert parce qu’il sait que les méandres de pierres du Tadrart Akakus le protègeront des hommes venus du Nord.

D’Ubari à la nécropole royale d’Al‑Hatyah il sait le maître du royaume perdu d’Ifriqiya qu’il peut errer des mois durant avec les tribus qui l’ont accompagné depuis l’oasis de Sabha quand il a débarqué à l’aéroport avec les meilleurs de ses fils ses combattants. A bord de leurs Pick‑up ils n’auront aucun mal à rejoindre le Ténéré du Niger en traversant le plateau du Djado où la forteresse ruinée du village crépite de petites lueurs sanguine rasant les murailles éboulées et les niches d’ombre indigo qui leur font des yeux de géants crevés fixes au milieu des touffes de palmiers laiteux et des broussailles de la savane rousse.

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Une fois franchie la passe d’Orida direction Tafassasset plus rien ne sépare les bédouins des rouleaux de sable gris aux miroitements d’un rose doré qui se déroulent sous les pieds des chameaux ni des nappes d’eau turquoise flottant au bout du ciel qui arrivent à leur rencontre semblables aux lacs des oasis. A partir de Tafassasset le Ténéré du Niger devient l’allié des voyageurs du sable qui rejoignent sans hésiter sur la direction à suivre magie de leur savoir‑faire ancestral la croûte de terre minérale rouge qui se brise sous le pas des montures laissant voir le ventre rose de son corps de poussière. 

De ce désert‑là Yurugu toi qui sais lire les moindres signes tu as choisi la piste du Sud celle des taghlamt les caravanes du sel qui font halte au puits d’Achegour avant de repartir pour Bilma à la quête du sel gris et du sel blanc qui rend les langues fertiles en histoires. Pour les hommes du pays perdu il n’y a pas de terre accueillante ni d’oasis généreuse où on troque le mil et le blé contre les dattes et les oranges ou les grenades car il faudra de partout que le campement reprenne la route d’un exil qui ne connaît pas sa fin… Amghar neshikel celui qui connaît le chemin errera le long de toutes les pistes.

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   La dernière fois que tu as pris la parole Yurugu c’était à Tazrouk pour la Ziarra des Tamashek au cœur rafraîchi de l’été par les jardins avec leurs lances de palmes leurs abricotiers leurs grenadiers et leurs milliers de figuiers centenaires à Taharine sur les bords de l’oued Tazrouk. Et le devin t’a demandé quel serait le chemin de celui qui dirigeait l’Ilougan la danse des chameaux tournant dedans les geysers de sable ocre autour des groupes des femmes enroulées au creux des ilouchanne indigo et jaune ou vert pomme et rose grenadine qui battent les tambours ganga et les tindi et font monter les chants de leur gorge. Mais tu n’as pas répondu.

La dernière fois Yurugu tu avais traversé le désert du Gourma jusqu’à la carrière de sel gemme de Taoudeni où les hommes de peine creusant les tunnels blancs ne mangeaient que le mil rouge des animaux et ils devaient marcher jusqu’au puits de Moul‑Essem à quatre jours de là afin que l’eau salée de chaque gorgée qui attisait leur soif soit enfin lavée par de grandes lampées d’eau douce. S’ils parvenaient à fuir la barbarie des gardes qui les faisaient danser nus sur la plaque écarlate du fourneau de sable ils s’enfonçaient au creux des gorges aux lances aiguisées de l’Oued Telik et ses quarante puits nourris d’eaux vives.

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Toi Yurugu tu avais suivi l’azalaï la caravane de sel qui remontait de Mopti aux rives du fleuve Niger avec les bats des chameaux bourrés de provisions et d’objets échangés contre des morceaux de sel aux marchés de la ville au bord du fleuve vers la mine de Taoudenni et puis une fois quitté les hommes et leurs bêtes après le dernier aïn où ils faisaient la queue pour se désaltérer jusqu’à ce que l’ombre les recouvre tu as traversé le Tassili N’Ahaggar par la piste de Bidon V. Tu la connaissais par cœur et tu as rejoint les oasis de Tamanrasset et de Djanet et tu es arrivé juste à temps pour la fête aux jardins de Tazrouk.  

Mais le delta du fleuve Niger décide une autre transhumance Ô Yurugu maître de la parole et des tables de sable.

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C’est un homme parti d’un pays où on a oublié la mémoire des fleuves parce qu’ils ont dans leur eau trop de sang un homme au crayon cassé que les tribus Dogon du Mali les confréries des masques Awa ont reconnu comme un des leurs.

C’est un homme parti d’une terre dont le peuple ne sait pas la soif ni son désir qui a fait rouler la parole jusqu’au pied de la falaise de Bandiagara là où ne vont pas les pêcheurs Bozos du fleuve Niger à bord de leurs pinasses et son âme sa nyama est attentive à la grandeur des habitants pour qui Nommo réalise la présence sacrée d’Amma créateur d’un monde où chaque être a conscience de sa soif.

Nommo au corps double de jumeaux parfaits anime les mares des villages de son chant et la saison de korsor où naissent les pluies de sa danse féconde a reçu la première parole que toi Yurugu le renard pâle tu lui as ravie. Toi Yurugu le renard pâle le fils rebelle d’Amma et de sa femme la terre tu marcheras tout seul et sans fin d’un bout de ce monde à l’autre car ta transhumance est éternelle.

Ô Yurugu toi le maître de la parole et des signes que tu as pris au Nommo pour les faire tiens et leur donner ton odeur et ta force tu écris sur le sable nocturne le destin des hommes qui ne savent pas lire leurs rêves dans les déserts où leur histoire s’égare en quête de la soif.

Et l’homme descendu du pays du Nord où le peuple a perdu la mémoire des grands fleuves a rencontré le vieux guerrier aveugle au village dogon d’Ogol‑du‑Bas dans la cour entre les greniers à grains à moitié morts aux toits pointus de paille assis par‑dessus leurs murets de terre rouge.

“ – Salut à ceux qui ont soif ! dit‑il… ”

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A suivre...

 

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 22:16

Ghât et l'Erg Ubari

7 tassili carte

Quand j’ai commencé à écrire mes petites histoires libyennes je ne savais pas que ce pays qui était alors riche et impliqué par Mouamar Kadhafi dans l’histoire récente de l’Afrique je ne savais pas qu’il serait à peine un an et demi après détruit et pillé par les bouffons d’Occident et leurs acteurs du chaos sur place les extrémistes religieux. Je ne savais pas que la Syrie suivrait de près et que les tueurs qui dirigent le monde s’en prendraient sans plus attendre au Mali autre de mes terres d’utopies et d’écritures pays des Jeli et de la parole qui se passe et se repasse comme un livre. Moi la voyageuse de papier j’ai toujours été fascinée par l’Afrique comme vous savez et après des années de fréquentation assidue de la création algérienne j’ai voulu m’enfoncer profond au‑dedans de l’Afrique de l’Ouest que je pistais depuis l’adolescence à cause de ses griots et de ses porteurs de paroles et d’images encore et encore…

L’Afrique de l’Ouest parce qu’au départ c’était plus simple un morceau de continent entièrement francophone avec des écrivains poètes prenant le relais de Frantz Fanon ou de Jean Sénac comme L.Sédar Senghor  Amadou Hampathé Ba Ahmadou Kourouma Ousmane Sembene  Aminata Dramane Traoré et des explorateurs ethnographes tels que Marcel Griaule et le réalisateur Jean Rouch qui m’ont fait rêver ces peuples et ces civilisations parce que je voulais être une nomade des mots. L’Algérie mon territoire familier depuis vingt piges et depuis toujours l’enfance a connu elle aussi elle d’abord dans sa décennie noire la terreur qui a fait arriver ici la plupart des créateurs que j’ai connus par la suite. L’Algérie a une frontière avec la Libye d’un bord et avec le Mali de l’autre bord… Alors on comprend mieux pourquoi sans même m’en douter j’ai traversé ses frontières pour retrouver les caravanes des Touarègues les Kel Tamashek partout où je pouvais les rejoindre d’une oasis l’autre…

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Après mille tribulations d’une tranche de ce paysage des banlieues du Nord où je suis née comme vous savez en passant par les plateaux souffleurs de djnoun à leur façon du Larzac de la Marjoride des Millevaches et les causses Noir et Méjean j’ai vadrouillé là où à l’époque on pouvait facile travailler aux saisons des tailles d’arbres et de vigne l’hiver et aux cueillettes des fruits l’été en finissant par les vendanges d’automne c’était la belle vie… Et nomade déjà pour toujours j’y ai fait les rencontres d’autres travailleurs immigrés maghrébins que ceux de nos cités d’urgence et de folie qui m’ont donné plus que jamais le goût salé de l’aventure d’ailleurs et d’Afrique hein ? Je n’écrivais pas comme je l’ai fait par la suite et désormais c’est ma façon de ne pas m’oublier tout à fait mais je notais des bribes de récits des bourlingues et des histoires amères et sucrées afin de me souvenir un jour par mégarde… Montpellier et les contreforts au Sud des Cévennes et puis les recoins de la Drôme provençale la vallée de la Durance vous connaissez ? En ces temps nous étions tous mêlés besogneux d’Afrique et d’ici sans rancoeurs et sans coups de pieds au cœur et j’étais déjà en route direction le grand fleuve de sang Joliba mais je ne le savais pas…

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Je crois bien que ce sont mes lectures répétées et mes écritures hésitantes au rebord des articles de Frantz Fanon publiés dans le journal de la période révolutionnaire algérienne El‑Moudjahid ainsi que son essai L’an V de la révolution algérienne qui m’ont fait prendre conscience de ce que à l’approche des Indépendances sur le grand continent on allait appeler “ l’unité africaine ”. Elle est le thème central du bouquin Pour la révolution africaine Ecrits politiques qui sort en 1964 chez Maspero où sont réunies les chroniques écrites par Fanon pendant son exil à Tunis et les articles d’El Moudjahid. Par un hasard amusant le premier Congrès des Ecrivains et Artistes Noirs à Paris en 1956 a lieu l’année de ma naissance et c’est un écrivain historien et anthropologue sénégalais Cheikh‑Anta Diop qui participe à ce Congrès que je découvrirai des années après. Sa théorie très discutée de l’origine africaine de la culture égyptienne voire aussi des particularités physiques de type nègre des égyptiens m'a tout de suite parue évidente.

Le fait qu’il ait avancé et cherché à démontrer dans ses travaux que l’Egypte ancienne aurait été une civilisation proche de celle de l’Ethiopie contrairement à ce que prônaient les européocentristes ainsi que son approfondissement du rôle de l’Afrique noire dans l’origine de la civilisation humaine m’ont fascinée aussitôt et je ne savais pas qu’en l’année 2011 les extrémistes salafistes libyens refuseraient aux Noirs leur appartenance à ce peuple avec certainement en arrière pensée une idée de leur supériorité d’“ hommes blancs ”. L’Afrocentrisme de Cheikh‑Anta Diop me fait penser bien sûr à ce qui s’échange en 1958 lors de la première conférence des Etats Africains Indépendants qui se tient à Accra la capitale du Ghana sous l’égide de Kwamé N’krumah cette expression “ Etats-Unis d’Afrique ” qui sera aussi présente sans cesse en creux dans le désir constant de Mouamar Kadhafi de relier entre eux les Etats africains bordant les rives de Joliba et ceux de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à l’Océan Atlantique.

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C’est une évidence poétique que si le personnage criblé d’étrangeté de Mouamar Kadhafi n’avait pas d’un seul coup pris à mes yeux l’allure hallucinée de Caligula et évidemment du Caligula  de Camus pièce de théâtre dont la folie n’a pas cessé de m’accompagner depuis que j’écris et surtout cette phrase ultime hurlée par Caligula assassiné : “ Je suis toujours vivant ! ” tandis que la clique des tueurs d’Occident assiégeait cet homme seul dans sa ville de Syrte et que le peuple libyen était anéanti par une soixantaine de pays rien que ça… je n’aurais peut‑être pas eu soudain l’envie irrésistible de faire se rejoindre le Sud libyen terre d’oasis et pays des Kel Tamashek Ajjer et le Nord malien pays de l’Azawad au cœur d’un récit dont la veille encore j’ignorais ce qu’il allait être. Le hasard de mon épaule explosée m’avait fait rencontrer le pays Dogon comme vous savez et l’histoire de Yurugu le renard pâle un an auparavant et c’est là que le personnage de Gao qui porte le nom de la ville touarègue sur le Joliba aux portes du désert du Gourma point de départ d’intenses transhumances est né.

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Yurugu le renard frère jumeau rebelle du Nommo créé par le Dieu Ama dans la cosmogonie Dogon voleur de la parole et lecteur devin des tables de sable ne pouvait que me mener jusqu’à Gao l’enfant de Koïma la dune des sorciers de l’Empire Songhaï au Nord de la ville de Gao sur le parcours qui mène à Gossi le plus grand marché touareg de chameaux en direction du Tassili N’Ahaggar d’Algérie vers Tamanrasset et Djanet. La route fameuse qui passe par Bidon V avant de traverser les deux oasis et de se frotter au célèbre Fort Gardel proche de la frontière libyenne où trône l’ancienne forteresse de Ghât tout près de la Tadrar des djnoun du mont Idinen. Et selon moi Mouamar Kadhafi fils et petit fils de Bédouins ne pouvait venir affronter son destin qu’au cœur du désert du Fezzan là où se trouvent les tombes des guerriers Garamantes à al‑Hatya à l’intérieur du triangle formé par Ubari Mourzouk et Ghât la cité de la ziara touarègue du Sud libyen.

Rue de Tamanrasset

Sitôt découvert sur la carte de Libye la ligne frontière qui longe l’Algérie et le plateau rocheux de l’Akakus qui sépare le désert du Fezzan du Tassili N’Ajjer algérien j’ai pointé du bout de mon stylo la ville de Ghât pour ne plus la quitter. Et je ne savais pas que bien longtemps avant moi cette citadelle du désert avait été le point de départ de multiples expéditions entreprises par des Occidentaux voyageurs menant du côté Est de l’oasis d’al‑Barkat un peu plus au Sud vers l’Aïr nigérien ou Ayar en Tamashek qui s’étend jusqu’à Agadez ville située au cœur du pays des Kel Tamashek et du côté Ouest vers la Tadrar Akakus en direction de l’Erg Ubari et le Messak Settafet en direction de l’Erg Mourzouk. Ces précisions géographiques historiques aussi et littéraires tout comme c’est le cas pour Gao et Tombouctou au Mali je les réunis ici avec ce topo qui explique la piste que j’emprunte parce que ni les bouquins ni les cartes ni les infos concernant ces pays‑là et essentiellement la Libye ne sont faciles à trouver.

J’ai moi‑même sacrément galéré faut dire pour m’y retrouver dans le dédale des infos partielles concernant le Sud libyen et la plus grande partie du Mali mais c’est comme ça quasi pour toute l’Afrique : c’est un continent entier qui ne compte pas hein ? Donc y a que les passionnés des civilisations qui ont un rapport plus vrai et plus puissant que les nôtres avec la nature et la grande Pacha Mama qui se sont penchés sur ces espaces fabuleux d’authenticité et de proximité avec des dieux qui ne mettent pas forcément le couteau sous la gorge du premier quidam venu par l’intermédiaire de leurs exécuteurs. Oui je ne savais pas avant d’avoir lu Souvenirs du Fezzan 1950­‑1952 par Jean Soupene radio militaire de ce territoire encore français comme il le dit : “ Le 17 juin 1950, venant d'Ouargla j'arrive à Sebha. Je suis affecté au réseau radio du territoire militaire du Fezzan. ” que le Fezzan ou territoire du Fezzan‑Ghadamès est une portion de la Libye administrée par la France du 11 avril 1943 et le 24 décembre 1951. C’est Leclerc qui en fait la conquête sur les Italiens en 1942.

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Les  Français obtiennent l'administration de leur conquête et les Anglais l’administration militaire des provinces de Cyrénaïque et de Tripolitaine. Le 11 avril 1943, le territoire du Fezzan‑Ghadamès est créé et on retrouve des années après l’opposition brute entre ces trois régions qui n’ont été unies en un pays et un Etat libre et moderne que sous Mouamar Kadhafi qui n’a pas laissé les tribus s’affronter et se détruire les unes les autres comme c’est le cas à nouveau depuis qu’on l’a assassiné. La France tente d’intégrer le Fezzan administrativement et financièrement à l'Algérie. En 48 Ghadamès est rattaché administrativement à la Tunisie et Ghat à l'administration militaire du Sahara algérien. Dans les milieux nationalistes libyens on soupçonne la France de vouloir faire exploser le territoire libyen… Tien ça ne vous rappelle rien ?

Bon assez d’histoire historique comme ça on a pigé que le Fezzan parce que c’est un espace immense hanté de poésie et de légendes qui continue le Sahara algérien nigérien tchadien et que le lieu du désert même est habité par ce que les peuples de ce lieu appellent le Tobol des Djnoun est traversé par les aventuriers les plus étonnants. Les premiers visiteurs ont été des missionnaires italiens disparus au Soudan dans les années 1710‑11 suivis au 19° Siècle par le Docteur Oudney de la Royal Navy El Tebib pour les Touaregs  qui a accompagné les explorateurs Dixon Denham et Hugh Clapperton Abdellah en Afrique sub-saharienne. Il a découvert Ghât en 1922. Ils sont suivis par J. Richardson Yakoub qui fit un gros boulot de repérage et de notations aussi bien dans la ville que dans le Fezzan. Ce qui le rend sympathique c’est qu’il était profondément anti‑esclavagiste.

Borne-Sebha.jpg

L’Allemand H. Barth Abd el Kerim pour les Sahariens arrive à Ghât en 1850. Il décrit la vie des Touaregs Ajjer et leurs zeriba. Le Docteur Krause quant à lui va à la rencontre de Ghât à travers un informateur qu’il connaît à Tripoli El Hadj Athman ben Omar en 1870 et en dessine le plan telle qu’elle est à l’époque. Un autre voyageur fou Erwin von Bary un Français part de Ghât en 1876 en direction du Hoggar algérien et il arrivera à entrevoir les traces des fameux crocodiles signalés par H. Duveyrier. A peine de retour à Ghât il meurt subitement et y est enterré dans une tombe recouverte de pierres au pied de la citadelle. Il a laissé un Journal de bord très précis et des croquis de son expédition. Et moi je ne connaissais pas un de ces explorateurs avant d’avoir décidé que les principaux récits que j’écrivais sue la Libye se situeraient dans cette région de la Tadrat Akakus et de l’Erg Ubari avec pour point de rencontre Ghât la Tamashek !

Ghat.jpgA suivre...  Tombe-Garamante-Ubari.jpg

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27 octobre 2012 6 27 /10 /octobre /2012 01:41

 

      Il y a bien des jours que je me demande à quoi peut servir tout ce fatras d'écritures qui s'entasse ici et puis voilà je pense que peut-être ma longue expérience du Monde Arabe et de l'Afrique à travers ceux qui me les ont racontés doivent être communiqués et repassés à d'autres...

      Des tas de documents que j'ai scanés méthodiquement après les avoir décryptés durant des heures vieillissent dans mes dossiers et d'autres documents originaux que j'ai triés avec Juliette Pélégri et avec d'autres amis pourrissent à la BNF dans un tiroir sans fond dont personne ne se souciera jamais sans doute... 

      Tout ce travail qui dure depuis des années et qui ne sera jamais publié puisque c'est comme ça je vous en livre des fragments ici... En vrac et en pagaille mais il ne sera plus la propriété de personne. Comme pour mes notes sur l'Afrique à vous d'en faire ce que vous voudrez... Yalla et Aïdkoum Mabrouk !

Lettre de Jean de Maisonseul à Jean Pélégri sur papier à en tête du Musée National des Beaux-Arts d’Alger.

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 Alger 14 oct. 63

 Cher Ami,

 Je reçois votre lettre à l’instant. Il faut être sage, je crois, et remettre à l’année prochaine votre retour à Alger. Votre nouvelle affectation vous a en effet été notifiée trop tardivement et tant pour vous-mêmes que pour votre fils les raisons que vous pouvez donner sont tout à fait justifiables. Vous risquez de vous trouver dans de grandes difficultés pour trouver un logement et avoir votre année toute désorganisée pour votre travail.

Mais nous souhaiterions tous beaucoup vous avoir ici l’année prochaine. Il me semble que dans votre réponse vous pourriez demander le renouvellement de votre affectation en demandant d’être averti suffisamment à l’avance.

J’espère aussi que l’année prochaine la situation sera davantage stabilisée. Nous avons encore des mois difficiles à traverser.

J’attends votre livre avec impatience.

Bien amicalement.

Maisonseul

Maisonseul-2.jpg

Première lettre d’Albert Camus adressée à Jean Pélégri après lecture de L’embarquement du lundi. Jean Pélégri était alors professeur au Lycée Fesch à Ajaccio. Il s’agit de son premier livre.

31 octobre 1952

Monsieur,

J’ai commencé votre livre avec cette sorte de sympathie ou de complicité qui liera toujours deux Algériens, même lorsqu’ils ne se connaissent pas. En le terminant, je suis heureux de pouvoir y ajouter une estime entière. Il y a en vous un talent très rare, un pouvoir d’amitié avec le monde, d’abandon aux êtres, une sorte d’humilité non chrétienne, qui est tout à fait nouveau aujourd’hui. Les écrivains français de ce temps ont l’âme chagrine, et la mélancolie qui court pourtant dans votre livre est délivrée de toute amertume. Si je puis vous parler en camarade, il me semble que votre effort devrait être maintenant de resserrer vos dons et votre expression, un peu trop généreuse encore, peut-être, dans ce livre. Mais enfin pour maîtriser, il faut avoir quelque chose à maîtriser et vous avez eu raison de commencer par là. J’ai été heureux en tout cas de retrouver une ville que j’aime, peinte comme je l’aime. Et je fais des vœux, très chaleureux, pour le succès de ce beau livre.

Si vous vous trouvez un jour à Paris, faites-moi signe. Je serais heureux de vous serrer la main.

Albert Camus

 Lettre-Camus-52.jpg

Petites notes manuscrites prises au jour le jour concernant l'écriture et essentiellement l'écriture poétique à partir de 1948 et pendant le rédaction de L'embarquement du lundi.

Depuis que je suis en France je vis au jour le jour à petites lampées.
 Devant la mer.
Les vagues éclairées par derrière. Un mur (éphémère) à la transparence verte. La vague d’écume au-dessus.
Je comprends que la mer enivre les ambitieux.
1949 Jeudi

 Après… Quand j'ai ouvert le cahier, la page m'a semblé extraordinairement vide.

Je n'ai rien pu y rassembler : j'étais épars, marin.

Echoué, mais vivant.

Le sable d'une côte - autour ; la page blanche de l'autre. L'un ne pouvait entrer dans l'autre. Seulement y jeter des grains. ( Des grains différents ). Mais ces grains n'étaient pas des signes… : une présence.

Deux langages différents.

Y faire entrer le sable… et le paysage circulaire.

Comme un bloc de ciment - au milieu du sable. ( Le cahier ), la page ne peut se fondre dans le paysage : elle y flottait.

Comment dire le sable… ?

Et moi :

- j'étais le sable et aussi la vague quand je fermais les yeux…

- je n'en séparais pas le geste : faire couler le grain, battre du pied dans l'eau.

Fermer les yeux - Soleil :

j'étais au centre d'une sphère rouge ;

je savais encore que c'était ma peau tendue à l'extrême

Mais la sphère devint bientôt immense, le rouge tournait au clair - jusqu'à n'être plus qu'une fine pellicule ( transparente dépliée ).

J'y ai voulu voir mes veines et vaisseaux.

Quand j'ai ouvert les yeux, je fus comme un aveugle qui ignore le monde, les objets autour de lui : il devait y avoir le cahier…

 Tout mon effort : “ Redonner à la langue exténuée son poids de chair. ” ( Gide )

 28-11-1949

 Ma morale ?

 “ Je veux vivre comme un enfant ”Jean visage 7

Photo Djamel Farès

= anarchie

Sérieux ( il n’y a que les adultes qui jouent )

 

“ Avec une joie opérante ”

Et des tristesses que les hommes ne peuvent comprendre.

Seul remède à cette civilisation de “ termites ” ( Saint-Ex. )

 Ah !  l’imposture qu’il y a dans tout livre.

Si je revenais, j’irai habiter dans un pays tempéré, là où les choses ont des contours bien nets et où l’on ne risque pas de se tromper sur elles… J’habiterai une petite ville ou un village.

Et là, je me ferai menuisier.

 Quand un homme de lettres nous touche c’est simplement en nommant les objets les plus simples ( une pioche… ), alors je croirai aux livres.

 Embarquement

  Ce que j’ai voulu faire.

- Citation de Flaubert = Rien

 - Romancer les Méditations de Descartes. Toucher le Rien. Mais, bien vite, Je me suis laissé entraîner par la matière.

 25-2-1949

 POÉSIE

   Cf. dans Embarquement du Lundi( Mardi matin ) les différentes fonctions du corps.

 - fenêtre : “ rendez-vous des sensations ” Gide.

( - l’imaginaire. )

- l’inventeur poétique. Instaurateur et Créateur.

>< Contemplation ( Cf. Rilke ) = noumène ( Cela c’est une question d’âme . Je n’en suis pas encore là ).

Commencer par la rédemption charnelle

Tout est dans le regard

 Je suis d’accord avec beaucoup pour dire que le poète est un voyant

Je ne le suis plus quant à la manière de voir.

L’œil du corps – et non l’œil de ( l’esprit ).

 Kerner. Le poète comme séparé.

( Comme le mathématicien très avancé. )

L’admettre pour celui-là – comme pour celui-ci.

 Tous les enfants sont-ils poètes ?

Mais ne pas confondre enfant-poète et enfant immobile. Cf. contemplation et poésie.

 

Je veux -  non une poésie de la contemplation du monde – mais une poésie action sur le monde.

Soit - une action – gratuite : révélation seulement d’une autre façon de le voir. ( je touche ce mur et je vois la vitrine ). Je découvre.

Soit une action informante j’invente ( mais à partir de faits ( mot illisible ) ? réels ou imaginaires ? )

Poésie action car peut servir comme manière de voir, comme morale ( pratique ).

L’invention scientifique, elle aussi, comme manière de voir autrement le monde. ( Le monde microbien par exemple. )

 

Lettre de Jules Roy à Jean Pélégri après réception des Oliviers de la Justice
21 0ctobre 1959

Cher Jean Pélégri,

J’allais vous écrire quand votre livre, que j’avais déjà demandé, est arrivé avec votre dédicace si émouvante. Vous saurez tout ce que j’ai éprouvé à sa lecture quand je vous aurai dit que, né à Rovigo, j’ai passé toute mon enfance à Sidi-Moussa, près d’une ferme Pélégri que vous décrivez peut-être ; que ma mère appartenait à l’une des vieilles familles de la région, les Paris, dont le caveau est peut-être près de celui des vôtres ; que j’ai passé toute ma vie dans la nostalgie de cette terre, de sa richesse, de sa force, de sa tendresse ; que j’ai fait mes études au petit séminaire de St Eugène, près du collège des Jésuites ; enfin que si nous ne sommes pas parents, nous sommes bien frères par tout ce que vous écrivez de ce pays, des hommes qui y vivent, de votre père, de la même justice qui vous hante et de cette fraternité qui est notre pain et le sel de nos larmes.

Oui, il y a un sens à ce que vous soyez, comme moi, de Rovigo où mon père était gendarme. A sa mort, ma mère s’est remariée avec l’instituteur, mais ce sont les Paris qui m’ont formé et nourri. A 21 ans, j’ai commencé ma carrière militaire comme sous-lieutenant au 1er régiment de tirailleurs algériens, à Médéa.

Et puis je suis si heureux que nous nous rejoignions dans la même formule du salut de l’Algérie. Nous sommes probablement des idéalistes, mais ce sont les idéalistes qui ont généralement raison.

Jules-Roy-59.jpg

Je serai le mois prochain dans la région parisienne jusqu’aux environs de Noël. Donnez-moi votre adresse que je puisse vous toucher. Ici, j’ai une petite ferme ; mais on y travaille la terre avec la même passion qu’à Sidi-Moussa… Cher Jean Pélégri, nos pères ont défoncé le sol et planté les vignes. Nous avons cru les trahir un peu en nous expatriant, mais c’est que nous avions besoin de connaître la raison de tant de fatigues ; elles ne valaient leur poids d’or et d’étoiles que si elles menaient à la fraternité de deux races. Nous sommes leurs fils, et nous savons où placer exactement la justice et l’honneur, - ce que les intellectuels qui parlent de l’Algérie ignorent toujours. Ce n’est pas un roman que vous avez écrit, mais un chant ; le plus beau chant que je connaisse, qui ait été inspiré par le cœur d’un Algérien. Puisse-t-on l’écouter. Puissé-je un jour revenir sur la tombe de ma mère et de ma grand-mère que j’ai tant aimées en leur ramenant la paix.

Je vous serre affectueusement les mains.

Jules Roy

Suite carnet de notes :

 Faire sentir qu’il ( le personnage ) s’avance progressivement vers des réalités de plus en plus solides – sans perdre pour autant le poumon.

De la métaphore à la métamorphose. – même pour l’échec ( mercredi )

“ Comme je me sens vieux par rapport aux premiers jours. Différent. ”

 Supprimer jeudi le soleil-rideau ( déjà dit ).

 Besoin progressif de classification. Sa façon de faire des silences un usage malhonnête – comme les hommes ! L’action que le silence fait sur soi-même. Il faut apprendre à se faire taire. Et ne plus détailler. Jouer sur un déterminisme illusoire, fabriqué de toutes pièces. Si l’on s’écoutait, il n’y aurait que de la musique. Aucune parole : la parole fait obstacle à la rivière. Chaque mot joue toujours la même note. Et l’on serait terriblement malheureux.

 Maintenant que je connais mon tempérament, il doit m’être possible de déterminer d’une manière globale mon style et mes thèmes d’essayiste, de théâtre… par transposition ( des métaphores sensuelles aux intellectuelles… )

par réglage /et aux autres

ex. : Musique : Claudel me gêne. Donc je viens d’en parler comme lui par analyse de ce que j’ai fait

Cf. les essais de Proust

En littérature une chose mal dite est fausse et une chose bien dite est vraie.

10-11-1949

L’image, la comparaison et plus encore la métaphore véritables ont un ( leur ) métaphysique. Elle bouleverse les données du monde, elle trace d’un trait de feu des correspondances admirables. C’est une découverte.

Qu’on ne dise pas qu’elle est arbitraire ! Elle l’est comme toute intention. Mais elle peut se vérifier a posteriori.

Elle ne surgit que dans l’esprit de celui qui la cherche tout le temps.

Toutes les notes d’un même auteur sont une – même orientation.

L’écrivain pornographique quand il se fait voyeur. Pour… il lui suffit de faire l’amour. Lever le malentendu sur ce sujet.

 23-11-1949

Embarquement du Lundi. Tout mon effort a été d’inventer, minutieusement et musicalement, l’écoulement d’une expérience chez un personnage qui s’ouvre à une connaissance neuve ( au moins pour lui ) du monde.

“ L’ouverture ”… j’espère que Valery n’avait pas tout à fait raison.

Il y a de la poésie dans certains passages, mais du fait ( qu’elle ) ne cesse jamais de s’inscrire dans une histoire vécue – ( celle-ci ) ne se constitue jamais en poème – c.a.d. en morceau détachable qui n’a besoin d’aucune référence afin de se justifier.

La poésie, non le poème.

Si l’on veut vraiment faire une poésie de l’homme, il est temps de renoncer au poème. Le poème est un saut, un bond hors de l’être. Un coup d’épée dans le ciel.

Le poème c’est avant tout un élan.

Il faut des références          }              avant

             une certaine durée }  Temps            pendant

 Les sensations ( vraies ? ) viennent du dedans. Une “ Sinenalité ” touffue et sa honte ( bout ) au centre de nous-mêmes. Elle opère sur la sensibilité.Ainsi l’homme n’est jamais un simple instrument de communication, un appareil. Sa communication vit de lui, plus encore qu’il ne vit d’elle. Il informe ce dont il s’informe.

 Alors seulement une poésie de l’homme.

une poésie de l’existence

Jean-et-ses-livres.jpg

Photo Djamel Farès

Là-dedans, c’est la musique qui est tout

 “ Cogner ”. Dans toute communication ( lyrique ), il faut entendre le cœur cogner derrière les mots.

Chacune a son rythme.

Se demander toujours : “ où est mon sang ? ”

Le sang à la tête… entre les jambes… Répandu uniformément dans tout le corps = sentiment léger d’existence ( la matière… )

Sinon, il y a une partie de moi-même qui pèse plus que son poids normal : un déséquilibre en moi. Je trébuche…

Le silence. La solitude.

J.J. Rousseau. ( Sa vie : les portes fermées… )

 Humilité = impossibilité d’une poésie abstraite ( philosophique ) – même dans des “ Essais ”.

Pas de pensées brillantes ( Valery ).

Renoncer à la jonglerie. Ecouter la musique ; essayer seul de la rendre en autre langage.

( >< empirisme. Car je dis que tout vient du dedans. Même la sensation. )

 

Lettre de Jean de Maisonseul à Jean Pélégri

 Cuers 10-11-87

 Cher Jean,

Je viens de terminer les Oliviers de la Justice : c’est un très beau livre. On lit toujours les livres quand il le faut, peut-être qu’à sa parution, en 1959, je l’aurais moins compris. La fin du texte porte la date du 1er juin 1958, l’histoire, celle de la mort du père, se passe en août 55, vous avez dû l’écrire en 57/58 et vous saviez déjà que tout était fini, l’histoire est écrite au “ passé ”, tandis que le Maboul, publié après l’indépendance de l’Algérie, paraît écrit “ au présent ”.

Depuis mon passage à Barberousse – mai 56 – l’indépendance me paraissait certaine, suivant diverses formes et durées possibles, mais j’étais un urbain – de fait et de métier – avec nos amis algériens notre espoir était, de faire ensemble ce pays, entre tradition et modernité. Vous, rural d’origine et d’échanges vous étiez plus près de la réalité, vous saviez que le grain et le père doivent mourir pour que continue la vie. Certes, “ il y a toujours de l’eau quand on en cherche ” - p.99 – mais page 270 : “ c’était l’agonie sur le port et sur la ville… parce que nous n’avions pas voulu redonner l’eau à ceux qui avaient soif – parce que tout cela n’avait pas été et ne serait peut-être jamais. ”

Toute l’écriture est très émouvante, tout est juste. Je repensais à mon oncle Charles Bourlier, seigneur du Bou-Zegza, où il rendait la justice en arabe selon le Coran. A sa mort, en 1951, les “ arabes ” de la montagne sont venus demander son corps pour en faire un marabout. Son père était déjà maire, le petit fils le fut jusqu’en 1962, les séances du Conseil Municipal se tenaient en arabe.

J’ai envoyé un petit mot à Mourad pour la préface.

Bien affectueusement à vous et à Juliette.

Jean

Texte dactylographié non daté

Pélégri – L’Embarquement du Lundi

I° et II°

Alger. Un jeune homme sort d’une maison de repos, l’âme convalescente, aspirant à une joie toute païenne de vivre. Il ne rentrera pas chez lui. Et, pendant une semaine, caché au milieu de ce peuple pauvre, gesticulant et cosmopolite qui campe à la frontière de la Kasbah, il va marcher inlassablement, nuit après jour, en lui-même et dans les rues de la ville, cherchant quelqu’un, cherchant quelque chose, sous un ciel de début d’été. En proie aux sensations, et pour s’en évader, il tente des expériences, les plus singulières et les plus communes. Il essaye de dialoguer, humblement, avec les choses, les bêtes, le Soleil et la Mer – avec les hommes, quand il le peut. Il entre dans un atelier, dans la chambre d’une femme…

Pas de sujet, ni d’intrigue à ficelles, mais le récit d’une recherche où le détail le plus mince, vu ou même imaginé, prépare la conversion. Lesthèmes de l’intrigue se nouent et s’entrecroisent comme dans la musique de jazz, avec leurs accords et leurs dissonances, en se rythmant sur le battement du sang dans les veines.

L’auteur a essayé de faire du lyrisme une matière romanesque. Le temps n’est pas un objet, d’abord perdu, puis retrouvé. Le temps véritable, le temps vivant, c’est le temps poétique : flamme maladroite qui brûle et qui éclaire, comme le soleil.

 III° - Projets de bande

- “ J’aspirais à une joie païenne de vivre ”

- “ … une joie toute païenne de vivre ”

- “ La différence entre le bien et le mal n’est-elle peut-être qu’une différence de teinte, de couleur… ”

- “ Je veux qu’on se taise quand on cesse de ressentir ” André Breton

- “ Beau ciel, regarde-moi qui change ” Paul Valéry

 IV° - Notice biographique

Né en 1920 à Rovigo près d’Alger, dans une grande maison entourée de vignes, de roses et d’orangers. Famille de colons installée en Algérie depuis la conquête et ayant vécu cette période westernienne décrite par Louis Bertrand, puis les autres. Enfance à la campagne passée à jouer et à se battre avec des gamins arabes, italiens et espagnols. A seize ans, condamné à vivre en ville et à poursuivre ses études. Fait la guerre de novembre 42 jusqu’à l’armistice de 45. Trois ans à Paris le font professeur. Vit actuellement à Ajaccio.Jean-echarpe-gros-plan.jpg

Photo Jacques Du Mont

 

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20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 22:57

 

Asafuk Jour du soleil

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Samedi, 20 octobre 2012

 

Il y a un an une brume rousse s’est étendue sur Afrika pendant que la chamelle blanche

La porteuse d’eau celle qui marche devant a emporté le corps de l’homme supplicié

Reviens‑nous voir avec les mamelles de marbre ocre rose d’Ubari pendues à ton cou !

Reviens Ô toi Afekay le généreux la tribu du fennec d’or gris Abayghur et ses huit femelles fières

Et ses fils gardent les petites pyramides rouges cendre des tombeaux d’Al‑Hatya ta royale nécropole et tes guerriers Garamantes ont tendu leurs chars de cuir vert

Reviens Ô toi Afellan le sauvage et les hommes noirs de ton peuple sont retournés sur les rives de Joliba

Ils apprêtent ta fiancée de pierre au milieu du Désert Blanc de tous les bogolans nappes trop mûres des tables de sable

220px-Muammar_al-Gaddafi-2-30112006.jpg

Depuis un an ils n’ont pas cessé de tisser et de teindre

Pour l’enfant morte ses mèches ébène bleu nouées autour de ton corps ils t’ont lavé les maîtres iguanes mains des sorciers d’Umm al Maa

Ils ont cuit la taguella de tes noces de sable chaque puits s’ouvre pour ta bouche la couche turquoise du ciel est ton oreiller

Afoudagh ! J’ai soif répète le Moula‑Moula le bol est toujours plein de ton désir Afoudagh !

Tes frères de Gao déchirent la tunique salée collée à la chair d’Afrika il n’y a pas d’autre moyen que le sang de mil et les tambours d’eau

Reviens Ô Amenay cavalier seigneur et nourrit le cœur des hommes‑lions de grandeur le feu de ton enclume soleil coule entre leurs mains bonnes

Asafuk jour du soleil c’est ton heure plus d’esclaves nègres leur corps totem porte ton linceul de braise

L’homme qui t'a montré du doigt en riant connaît le sort de celui qui ne trouvera plus la trace pas de chamelle blanche au festin de la Hamada séchant ses os

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Ô Amenay entre dans la peau de l’homme noir du bédouin du forgeron il te nomme Aslal le rayon de miel

De Gao à Kidal de Tombouctou aux miroirs de sel de Taoudenni les poings chevauchent les tabalés pas de fenêtres aux tentes du Gourma

Ils habitent le souffle du Ghibli ils lui offrent l’asile de leurs maisons d’argile entre dans leurs cris et dans leur course les Ziarrha de Tazrouk et de Ghât et leur épouse lunaire

Laissons les tueurs et leurs haines de papier à l’affût leurs crânes taillés dans l’or de nos peuples

Asafuk jour du soleil aux joyaux d’Ubari d’Umm al Maa de Gabraoun tu t’ébroues et la chamelle blanche la porteuse d’eau est arrivée à la place où tu l’attends

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Ils ne savent pas que là où tu sommeilles un grand incendie s’est allumé les foggaras noyées par l’huile noire qu’ils boivent éblouissent leur aube

Et les bûchers là‑bas leurs livres d’histoire rongés leurs splendeurs prises dans le plâtre des murailles leurs forteresses roulées entre les doigts des jeli

Asafuk jour du soleil là où tu renais bientôt nous les chasserons même de la mémoire du temps.

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19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 00:55

Ir ma koï ma suite...

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Comme vous le savez bien maintenant les Jeli ( conteurs ) du Mali pareils aux griots de l’Afrique en général ont occupé à la cour de chacun des Empires, que ce soit celui du Ghana ou du Mali, l’Empire de Ségou ou l’Empire Songhaï, une place privilégiée car ce sont eux qui font passer les légendes qui marquent l’existence des peuples d’une génération à l’autre. Cette fonction sociale existe encore aujourd’hui et le récit oral demeure essentiel dans la constitution d’un imaginaire partagé, d’une culture commune au sein des différents peuples d’Afrique ( qui ne coïncident pas on le sait avec les frontières tracées par l’Occident ), et c’est sur l’oralité que s’appuie la quête des récits du Mali ancien.

Les traditions riches et vivaces au sein des multiples ethnies du Mali ne sont pas écrites dans un livre, et forcément leur transmission varie d'un village à l'autre et d'une région à l'autre mais celui qui a la maîtrise de la parole dans tous les pays africains et qui appartient à la caste des Griots est un personnage respecté qui joue un rôle aussi bien dans le tissage des liens locaux que dans celui qui relie chacun de ces peuples à l’extérieur. N’oublions pas que dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, dont le Sénégal, les griots sont ensevelis debout à l’intérieur du tronc d’un grand baobab. L’histoire du Mali nous parvient par ses contes et ses épopées ainsi que par ses chants avec beaucoup plus d’intensité que le récit historique des conquêtes et des défaites qui ont donné naissance au pays actuel.

 Il existe néanmoins plusieurs types de récits “ officiels ” concernant les Empires successifs, les chroniques ( Tarikh )  de ce qui a été appelé le Soudan au XVIe et XVIIe siècle,). Le Tarikh es-Sudan et le Tarikh el-Fettach retracent l'histoire de l'empire du Songhaï mais on y trouve une part de récit du royaume du Mali. Le Tarikh es-Sudan “ Histoire du pays des Noirs ” est un texte arabe rédigé vers 1650 par un érudit de Tombouctou Abderrahman ben Abdallah ben' Imran ben 'Amir Es-Sa'di qui retrace l'histoire du Soudan occidental.

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Ce document, le seul écrit aussi complet sur cette période, sert aujourd'hui de référence, tout comme le Tarikh el-Fettach, pour l'étude de l'histoire de l'Afrique occidentale. Rédigé aux XVIe-XVIIe siècles, Tarikh el-Fettach retrace l'histoire du Soudan occidental ( ou Tekrour ) depuis l'arrivée de l'islam jusqu'à la moitié du XVIIe siècle. L'intérêt du Tarikh es‑Sudan c’est qu’on y décrit aussi bien l’architecture que l’état d'esprit de la population et ses faits d'armes, les coutumes et anecdotes de la vie quotidienne. On y trouve également le récit de l'expédition marocaine qui a détruit l'Empire Songhaï en 1591 et en partie la splendeur de Tombouctou. Retrouvé à Djenné le manuscrit du Tarikh es-Sudan a été étudié et traduit à Paris par un spécialiste des langues orientales.

La tradition la plus connue est celle qui raconte l'ascension de Sunjata Keita notamment dans le récit de D.T. Niane Sunjata ou L'épopée mandingue. La vie de Soundiata Keïta le fondateur de l’Empire mandingue du Mali nous est connue grâce aux traditions orales rapportées par les griots sous la forme d'une épopée légendaire. Elles en font un héros-fondateur. Son rôle prépondérant est confirmé ainsi que le contexte géopolitique à l'époque de son règne chez deux auteurs arabo-berbères du XIVe siècle Ibn Khaldun et Ibn Battuta ainsi que dans les Tarikh écrites du XVIIIe siècle. Celles‑ci prouvent qu'il a été un personnage historique et corroborent certains faits évoqués dans les sagas orales.

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 Voici dans son intégralité le récit de la naissance de Soundiata Keïta tel qu’il est raconté par les Jeli.

 La Femme Buffle

Maghan Kon Fatta, le père de Soundjata, était réputé pour sa beauté dans tous les pays ; mais c'était aussi un bon roi aimé de tout le peuple. Dans sa capitale Nianiba 1 il aimait souvent s'asseoir au pied du grand fromager qui dominait son palais de Canco. Maghan Kon Fatta régnait depuis longtemps, son fils aîné Dankaran Touman avait déjà dix ans et venait souvent s'asseoir sur la peau de boeuf près de son père. Or donc un jour que le roi comme à son habitude s'était installé sous le fromager entouré de ses familiers, il vit venir vers lui un homme habillé en chasseur : il portait le pantalon serré des favoris de Kondolon ni Sané, sa blouse cousue de cauris indiquait qu'il était maître dans l'art de la Chasse ; toute l'assistance se tourna vers l'inconnu dont l'arc poli par l'usage brillait au soleil.

L'homme avança jusqu'au devant du roi qu'il reconnut au milieu de ses courtisans. Il s'inclina et dit :

— « Je te salue roi du Manding, je vous salue tous du Manding ; je suis un chasseur à la poursuite du gibier, je viens du Sangaran ; une biche intrépide m'a guidé jusqu'au mur de Nianiba. Par la Baraka de mon Maître, Grand Sïmbon, mes flèches l'ont touchée, elle gît non loin de vos murs. Comme cela se doit, O roi, je viens t'apporter ta part. »

Il sortit un gigot de son sac de cuir ; alors Gnankouman Doua, le griot du roi se saisit du gigot et dit :

— « Étranger, qui que tu sois tu seras l'hôte du roi car tu es respectueux des coutumes, viens prendre place sur la natte à nos côtés ; le roi est content car il aime les hommes droits. »

Le roi approuva de la tête et tous les courtisans approuvèrent. Le griot reprit sur un ton plus familier :

— « Toi qui viens du Sangaran pays des favoris de Kondolon ni Sané, Toi qui as eu sans doute un maître plein de Science, veux-tu nous ouvrir ton sac de savoir, veux-tu nous instruire par ta parole car sans doute tu as visité plusieurs pays. »

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Le roi, toujours muet, approuva de la tête — un courtisan ajouta :

— Les chasseurs du Sankaran sont les meilleurs devins ; si l'Étranger veut, nous pourrons beaucoup apprendre de lui.

Le chasseur vint s'asseoir près de Gnankouman Doua qui lui céda un bout de natte. Il dit :

— Griot du roi, je ne suis pas de ces chasseurs dont la langue est plus habile que le bras ; je ne suis pas un raconteur de bonne aventure, je n'aime pas abuser de la crédulité des braves gens ; mais grâce à la science que mon maître m'a enseignée, je puis me vanter d'être devin parmi les devins.

Il sortit de son « sassa » douze cauris qu'il jeta sur la natte ; le roi et tout son entourage s'étaient tournés vers l'Étranger qui malaxait de sa rude main les douze coquillages luisants. Gnankouman Doua fit discrètement remarquer au roi que le devin était gaucher. La main gauche est la main du mal, mais dans les arts divinatoires on dit que les gauchers sont les meilleurs. Le Chasseur murmurait tout bas des paroles incompréhensibles, sa main tournait et retournait les douze cauris qui prenaient des positions différentes qu'il méditait longuement ; soudain il leva les yeux sur le roi et dit :

— O roi, le monde est plein de mystère, tout est caché, on ne connaît que ce que l'on voit. Le fromager sort d'un grain minuscule, celui qui défie les tempêtes ne pèse dans son germe pas plus qu'un grain de riz ; les royaumes, sont comme les arbres, les uns seront fromagers, les autres resteront nains et le fromager puissant les couvrira de son ombre. Or qui peut reconnaître dans un enfant un futur grand roi ; le grand sort du petit, la vérité et le mensonge ont tété à la même mamelle. Rien n'est certain mais, roi, je vois là-bas venir deux étrangers vers ta ville.

Il se tut et regarda du côté de la porte de la ville pendant un moment. Toute l'assistance, muette, se tourna vers la porte.

Le devin revint à ses cauris.

D'une main habile il les fit jouer dans sa paume et les jeta.

— Roi du Manding, le destin marche à grands pas, le Manding va sortir de la nuit, Nianiba s'illumine, mais quelle est cette lumière qui vient de l'Est ?

— Chasseur, fit Gnankouman Doua, tes paroles sont obscures, rends-nous accessible ton langage, parle la langue claire de ta savane.

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— J'arrive, griot. Écoutez mon message. Ecoute roi.

» Tu as régné sur le royaume que t'ont légué tes ancêtres, tu n'as pas d'autres ambitions que de transmettre ce royaume intact sinon agrandi à tes descendants ; mais Beau Maghan ton héritier n'est pas encore né.

» Je vois venir vers ta ville deux chasseurs ils viennent de loin et une femme les accompagne, Oh, cette femme ! Elle est laide, elle est affreuse. Elle porte sur le dos une bosse qui la déforme, ses yeux exorbitants semblent posés sur son visage, mais, ô mystère des mystères, cette femme, roi, tu dois l'épouser car elle sera la mère de celui qui rendra le nom de Manding immortel à jamais, l'enfant sera le septième astre, le Septième Conquérant de la terre, il sera plus puissant que Djoulou Kara Naïni. Mais roi, pour que le destin conduise cette femme jusqu'à toi, un sacrifice est nécessaire : tu immoleras un taureau rouge car le taureau est puissant ; quand son sang imbibera la terre, rien ne s'opposera plus à l'arrivée de ta femme. Voilà, j'ai dit ce que j'avais à dire, mais tout est entre les mains du Tout-Puissant.

Le chasseur ramassa ses cauris et les rangea dans son sassa.

— Je ne suis qu'un passant, roi du Manding, je retourne au Sangaran. Adieu.

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Le chasseur disparut, mais ni le roi Naré Maghan, ni son griot Gnankouman Doua n'oublièrent les paroles prophétiques ; les devins voient loin, leur parole n'est pas toujours pour l'immédiat ; l'homme est pressé et le temps est long, mais chaque chose a son temps.

Un jour donc, le roi et sa suite étaient encore assis sous le grand fromager de Nianiba, devisant comme d'habitude ; soudain leurs regards furent attirés par des étrangers qui entraient dans la ville. La petite Cour du roi, comme stupéfaite, regardait

Deux jeunes chasseurs, beaux et de belle allure marchaient, précédés par une jeune fille. Ils se dirigeaient vers la Cour; les deux hommes portaient à leur épaule des arcs d'argent qui brillaient. Celui qui semblait le plus jeune des deux marchait avec l'assurance d'un Maître Simbon.

Quand les étrangers furent à quelques pas du roi, ils s'inclinèrent et le plus âgé parla ainsi :

— Nous saluons le roi Nare Maghan Kon Fatta et son entourage. Nous venons du Pays de Do, mais mon frère et moi sommes du Manding, nous sommes de la Tribu des Traoré. La chasse et l'aventure nous ont conduits jusqu'au lointain pays de Do où règne le roi Do Mansa Gnèmo Diarra. Je m'appelle Oulamba et mon frère Oulani. La jeune fille est de Do, nous l'apportons en présent au roi car mon frère et moi l'avons jugée digne d'être la femme d'un roi.

Le roi et son entourage essayaient vainement de dévisager la jeune fille. Elle se tenait agenouillée, la tête baissée, elle avait laissé volontairement son foulard pendre devant son visage. Si la jeune fille arrivait à cacher son visage, elle n'arrivait pas toutefois à camoufler la bosse qui déformait ses épaules et son dos ; elle était laide, d'une laideur robuste, on voyait ses bras musclés et ses seins gonflés poussant fermement le solide pagne de cotonnade noué juste sous l'aisselle ; le roi la considéra un moment et le beau Maghan détourna la tête ; il fixa longuement Gnankouman Doua, puis baissa la tète. Le griot comprit tout l'embarras du Souverain.

— Vous êtes les hôtes du roi. Chasseurs, nous vous souhaitons la paix dans Nianiba, tous les fils du Manding ne font qu'un, mais venez vous asseoir, désaltérez-vous et racontez au roi à la suite de quelle aventure vous êtes partis de Do avec cette jeune fille.

Le roi approuva d'un signe de tête. Les deux frères se regardèrent et sur un signe du plus âgé, le plus jeune s'avança vers le roi, il déposa à terre la calebasse d'eau fraîche qu'un serviteur lui avait apportée.

Le chasseur dit : « Après les grandes moissons, mon frère et moi sommes partis du village pour chasser ; c'est ainsi que la poursuite du gibier nous a conduits jusqu'aux approches du pays de Do. Nous rencontrâmes deux chasseurs, l'un était blessé ; nous apprîmes par eux qu'un buffle extraordinaire désolait les campagnes de Do ; chaque jour il faisait des victimes, et après le coucher du soleil personne n'osait plus sortir des villages. Le roi Do Mansa-Gnèmo Diarra avait promis les plus belles récompenses au chasseur qui tuerait le buffle. Nous décidâmes aussi de tenter la fortune et c'est ainsi que nous pénétrâmes dans le pays de Do ; l'oeil vigilant, nous avancions avec précaution, quand au bord d'une rivière nous aperçûmes une vieille femme; elle pleurait, se lamentait, tenaillée par la faim ; aucun passant n'avait daigné jusque-là s'arrêter auprès d'elle. Elle nous pria au nom du Tout-Puissant de lui donner à manger; touché par ses pleurs, je m'approchai et tirai de mon sassa quelques morceaux de viande séchée. Quand elle eut bien mangé elle dit.

— Chasseur, Dieu te rende l'aumône que tu m'as faite.

Nous nous apprêtions à partir quand elle m'arrêta.

— Je sais, dit-elle, que vous allez tenter votre chance contre le buffle de Do, mais sachez que bien d'autres avant vous ont trouvé la mort dans leur témérité, car les flèches sont impuissantes contre le buffle ; mais, ô jeune chasseur, ton coeur est généreux et c'est toi qui seras vainqueur du buffle. Je suis le buffle que tu cherches, ta générosité m'a vaincue ; je suis le buffle qui désole Do, j'ai tué 107 chasseurs, j'en ai blessé 77, chaque jour je tue un habitant de Do, le roi Gnémo Diarra ne sait plus à quel génie porter ses sacrifices.

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— Tiens jeune homme, prends cette quenouille, prends l'oeuf que voici, va dans la plaine de Ourantamba où je broute les récoltes du roi. Avant de te servir de ton arc, tu me viseras trois fois avec cette quenouille, ensuite tu tireras l'arc, je serai vulnérable à ta flèche, je tomberai, me relèverai, je te poursuivrai dans la plaine sèche, tu jetteras derrière toi l'oeuf que voici, un grand bourbier naîtra où je ne pourrai pas avancer, alors tu m'achèveras.

Pour preuve de ta victoire tu couperas la queue du buffle qui est d'or, tu la porteras au roi et tu exigeras la récompense qui t'est due.

Moi j'ai fait mon temps. J'ai puni mon frère, le roi de Do, qui m'avait privée de ma part d'héritage .»

Fou de joie je me saisis de la quenouille et de l'oeuf, la vieille femme m'arrêta d'un geste et dit :

— Il y a une condition, chasseur.

— Laquelle ? dis-je, impatient.

— Le roi promet la main de la plus belle fille de Do au vainqueur ; quand tout le peuple de Do sera rassemblé et qu'on te dira de choisir celle que tu veux pour femme, tu chercheras dans la foule ; tu trouveras, assise à l'écart sur un mirador, une jeune fille très laide, plus laide que tout ce que tu peux imaginer — c'est elle que tu dois choisir. On l'appelle Sogolon Kedjou ou Sogolon Kondouto car elle est bossue. Tu la choisiras, c'est elle mon double ; elle sera une femme extraordinaire si tu arrives à la posséder. Promets-moi de la choisir, chasseur. »

— Je jurai solennellement entre les mains de la vieille femme. Nous reprîmes notre chemin.

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La plaine de Ourantamba était à une demi-journée de là, en route nous vîmes des chasseurs qui fuyaient et nous regardaient tout ébahis. Le buffle était à l'autre bout de la plaine ; quand il nous aperçut il fonça sur nous, les cornes menaçantes. Je fis comme avait dit la vieille et je tuai le buffle, je lui coupai la queue et nous rentrâmes dans la ville de Do à la nuit tombante, mais nous ne nous présentâmes devant le roi que le matin. Le roi fit battre les tambours ; avant le milieu du jour, tous les habitants du pays furent réunis sur la grande place. On avait déposé le corps mutilé du buffle au milieu de la place, la foule délirante l'injuriait tandis que nos noms étaient chantés en mille refrains. Quand le roi parut un silence profond se répandit sur la foule.

— J'ai promis la main de la plus belle fille de Do au valeureux chasseur qui nous débarrasserait du fléau qui nous accablait. Le buffle de Do est mort et voici le chasseur qui l'a tué. Je tiens ma parole. Chasseur, voici toutes les filles de Do, fais ton choix. »

Et la foule approuva par un grand hourrah.

Les filles de Do, portaient toutes ce jour-là leurs habits de fête, l'or brillait dans les cheveux et les poignets fragiles pliaient sous le poids de lourds bracelets d'argent, jamais place ne réunit tant de beauté. Fier, avec mon carquois au dos, je passai crânement devant les belles filles de Do qui me souriaient de leurs dents blanches comme le riz du Manding. Mais je me souvenais des paroles de la vieille femme. Je fis plusieurs fois le tour du grand cercle, j'aperçus enfin à l'écart sur un mirador Sogolon Kedjou. Je fendis la foule, je pris Sogolon par la main et l'entraînai au milieu du cercle. La montrant au roi je dis :

— O roi Gnémo Diarra, voici celle que j'ai choisie parmi les jeunes filles de Do, voici celle que je voudrais pour femme.

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Le choix était si paradoxal que le roi ne put s'empêcher de rire ; alors ce fut un rire général, les gens se tordaient de rire. On me prit pour un fou et je devins un héros ridicule. « Il faut être de la Tribu des Traoré pour agir de la sorte », disait-on dans la foule, et c'est ainsi que mon frère et moi quittâmes Do le même jour sous la raillerie des Kondé.

A suivre...

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13 octobre 2012 6 13 /10 /octobre /2012 01:00

Jessica suite...

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Ecoute…

Valises valises valises… Ouh là ! que c'est lourd pour arriver jusqu'aux wagons verts couleur corps d'armée prêts au transport de bestiaux ! Comme d'habitude ils se retournent sur son passage d'oiseau farouche. Les gens. Oiseau farouche lesté faut voir comment. S'envoler de l'autre côté de la verrière de la gare y a pas de risques.

Son regard mitraillette pointé qui jaillit au plein de son étang vert les démobilise. A cette époque ils ont aucun moyen de se comprendre elle et eux… les gens. A cette époque je n’ai pas encore le goût pour les observer dans leur vie vague qui s’ébroue et recommence. Je me cogne contre eux. Moi aussi que je m’ébroue. J’ai du mal avec ma vie et y va y en avoir des trains qui me coupent avec le ciseau des rails qui me taillent dedans plein ma peur avant que j’arrive à me tirer de ma peau un peu quoi !

Valises ! Un deux trois ! Valises encore quelques pas sur le quai anthracite aux auréoles pétroles. Arc-en-ciel cloué au sol. Si seulement j'avais des baskets aux pieds au lieu des mocassins blancs chiasse de poule malade. Si seulement je pouvais leur tourner le dos et les laisser là. Les valises quoi ! Mais la créature qui fournit les baskets et les plumes d'écriture n'est pas au rendez-vous. Pas encore…

Les baskets je les aurai un jour. Dans une autre histoire je les aurai.

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Valises ! Ma jupe plissée m'arrive aux genoux et le courant d'air froid me gèle. Je suis un brin d'herbe sous son givre. Un deux trois… encore quelques pas… Tout autour de moi une troupe qui bêle emballée dans du treillis couleur chiasse de mouton. Bêlent de joie des types qui ont à peine quelques années de plus que l'aiguille de mon horloge arrêtée. Je n'ai jamais vu ça avant mais là j'apprends vite.

Valises ! Un deux trois ! Dong… dong… dong… J'apprends à faire des tas de croix sur une enfance coloriée arc-en-ciel et surtout la première couleur dont j'ignore encore que c'est celle de la terre. Rouge sanguine. Ocre rouge et vermillon.

Enfance libre qui virevolte au milieu des arbres et des pirouettes. Tu t'arrêtes ici. Tout le monde descend. Terminus. Et s'agenouille sur les dalles glaciales grises de marbre et aiguisées d'une nef inerte. Plus de terre rouge. Plus de rouge. Plus rien.

Valises ! un deux trois ! Posez tout !

Notre-Dame stalag des Anges bienvenue chez les fous… les folles vous préférez ? La première fois qu’elle va être claquemurée derrière les grilles du clan femelle… des femelles corbacs tortillées de rideaux blacks qui couinent quand elles battent des moignons… Croui ! Croui !… Vous maginez l’horreur ?… 

Là où j'entre avec ma jupe plissée à carreaux et mes mocassins couleur chiasse de poule qui mange ses congénères il n'y a pas de corps. Pas de corps sous les robes noires corbac car elles ont pas le féminin. Pas de corps sauf un qui pendouille bizarre et dénudé d’une pose inconfortable. Blanc chiasse de poule aussi à une certaine hauteur afin qu'on n'en rate pas une. Exhibition de chair morte depuis toujours. Obscène.

- Jessica !… Jessica !…

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Oui… Jessica… Je la laisserai venir à la surface de nos lèvres boursouflées par le sel dans les déserts de mots. Des déserts blacks de mots que la première dune est en train de nous sucer… complice… enfin ils viennent… on va les inventer tout nouveaux et leur odeur réglisse… Tout nouveaux et tout frais.

- Jessica !…

Sous les mains des sorciers qui battent sans cesse dans sa savane intérieure des sonorités qui lui sont familières se déroulent aussi souples que de jeunes bambous. C’est elle qui les retient entre ses cuisses gainées de noir et son sexe que le nylon rouge des allumettes qu’on frotte pour un brasier aussi bref et joyeux dissimulera toujours… Jessica… Sous les mains des sorciers tu bats ton incendie d’enfance une dernière fois… Déjà tu n’y es plus aussi brutale Jessica… Déjà tu n’y es plus…

- Jessica !… Jessica !…

Oui… C’est ça… Ils veulent te voir brûler jusqu’au cœur… Jessica… Le temps sauvage qu’ils t’offrent se mêle aux langues barbares de la Cité… Jessica… Oui… lorsque tu veilleras entortillée dans ton croissant de lune sur les mots que j’écris avec deux doigts dessus le clavier bancal de Calamity Jane tu sauras que l’écriture a triomphé de ton enfance fracassée… Et tu en auras terminé avec elle…

- Jessica !…

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 21:26

Ir ma koï ma Allez écouterla-proie2000overblog

L’histoire de l’Empire du Mali et de l’Empire Songhaï racontée par Gao le Jeli fils de tribu des Kel Tamashek

      L’Empire du Mali a succédé en Afrique de l’Ouest à l’Empire du Ghana. Il a été créé au XIIIesiècle par Soundiata Keita et a connu son apogée au XIVe siècle. Au Mali aujourd’hui encore ce sont les Jeli ( conteurs ) qui racontent l’histoire du pays par la tradition orale. Un des récits les plus connus est celui qui relate l'ascension au pouvoir de Sunjata Keita le fondateur de l’Empire mandingue du Mali. A la fin de cet Empire va naître l’Empire Songhaï appelé parfois aussi Empire de Gao fondé par les pêcheurs Sorko sur une île du fleuve Niger, l’île de Bentia ou Koukia et déplacé ensuite plus au Nord sur la dune magique de Koïma. La croyance dit que la dune de Koïma est le lieu nocturne de réunion d’un grand nombre de magiciens venant des quatre coins du monde.

Koïma signifie en Songhoï : allez écouter

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Les Jeli disent que le mot Mali qui signifie hippopotame en Mandingue, en Bambara et en Dioula vient du nom de l'hippopotame car la tradition veut que le père fondateur de l'empire Soundiata Kéïta se soit noyé dans le Sankarani et se soit réincarné dans la peau de cet animal sacré. Les hippopotames et les crocodiles sont les animaux fétiches du grand fleuve Niger qui traverse tout le Mali sur une longueur de 1700 kilomètres et c’est par lui et avec lui que les grandes cités se sont fondées, reliées entre elles de Bamako au Sud à Tombouctou au Nord par les pinasses et les bateaux bleus et blancs de la Compagnie malienne de navigation. Le Niger nommé Joliba le fleuve de sang en Bambara en raison de ses boues ocre rouge inonde généreux de ses crues les bourgoutières des rives.

L'empire du Mali s’étendait entre le Sahara et la forêt équatoriale, l'Océan Atlantique et la Boucle du Niger. Il couvrait cette époque les actuels Mali, Burkina Faso, Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Mauritanie et une grande partie de la Côte d'Ivoire. C’était un carrefour entre les peuples nomades du Sahara et les peuples de l'Afrique noire équatoriale. Son économie reposait sur l'agriculture, l'artisanat, l'exploitation des mines d'or et de cuivre, le commerce de l'ivoire vers le bassin méditerranéen ainsi qu’un grand commerce transsaharien. Cette prospérité rejaillissait sur les villes de Oualata, Tombouctou, Djenne et Niani.

 Les Jeli disent que Soundiata Keïta ou Soundjata Keïta  le fondateur de l’Empire mandingue du Mali est né en 1190 à Niani dans leRoyaume du Manding l’actuelle Guinée et mort en 1255. Il était le fils de Naré Maghann Konaté et de Sogolon Kondé. Soundiata Keïta né handicapé n’a pu marcher que bien plus tard. Persécuté par son frère aîné Dankaran Tuman il s’est exilé Néma avec sa mère. Son père Maghann Konaté avait reçu un jour la visite d’un chasseur devin qui lui a prédit qu’une femme laide lui donnerait un jour un fils qui deviendrait un grand roi. Naré Maghann Konaté était déjà marié à Sassouma Berté et avait un fils Dankaran Toumani Keïta. Quelques années plus tard deux chasseurs venant du pays de Do lui ayant présenté une femme laide et bossue, Sogolon Kondé se rappelant la prédiction a décidé de l’épouser. Sa deuxième épouse lui avait donné un fils baptisé Soundiata Keïta. Celui-ci est resté infirme pendant toute son enfance incapable de se tenir debout.

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 Récit des Jeli : LE LION-BUFFLE, LES ORACLES

Le Manding était ravagé par un buffle qui avait fait de gros ravages parmi les chasseurs. Un jour deux chasseurs ont secouru une vieille femme mourant de faim et pour les remercier elle leur a confié son terrible secret. C'est elle qui prenait la forme d'un buffle le soir et elle leur avait révélé comment la tuer à la condition qu'ils aillent chercher son double, une femme bossue et très laide afin qu'elle se marie avec Nare Maghan Konaté. Quand ils ont amenés la femme en question, Sogolon Koudouma Sogolan la bossue au village beaucoup ont été effrayés par sa grande laideur mais des devins interrogant les ancêtres ont appris que cette femme enfanterait d'un garçon qui sauverait le Manding.

Les Jeli ont l'habitude d'appeler Soundjata Kéïta le “ Lion-Buffle ” parce que du côté de sa mère le totem familial est un Buffle et le protecteur de la famille de son père est un Lion.

 Le plus fascinant de toute cette histoire que les Jeli racontent et qui retrace la fondation du Mali actuel c’est que toutes les légendes comme l’ont observé les premiers voyageurs d’Occident qui sont devenus les fils de sang de cette terre aux eaux rouges c’est que la grande épopée du pays des Mandingues des Bambaras des Pheuls des Bozos des Dogon des Kel Tamashek… dont une majeure partie est située dans la zone du désert sahélien est née sous le signe de l’eau. Marcel Griaule l’ethnographe en pays Dogon suggère le rôle essentiel de Nommo le génie de l’eau dans la cosmogonie Dogon, le demi­‑frère de Yurugu le renard pâle, qui tous deux se battront pour être les maîtres de la parole. Son récit Dieu d’eau que lui a confié le sage Ogotemmêli reflète cette étrangeté. Le cinéaste ethnographe Jean Rouch filme quant à lui au Mali et au Niger où il remonte le fleuve à bord d’une pinasse les documentaires Au pays des mages noirs et Bataille sur le grand fleuve, la préparation et les rituels d’une chasse à l’hippopotame sur le fleuve Niger et plusieurs années après avec Yenendi, les hommes qui font la pluie il se relie aux rites de possession des peuples Songhaï.

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L’Empire Songhaï qui prend la suite de l’Empire du Mali ne déroge pas à cette passion pour le grand fleuve Joliba puisque toute son épopée s’arrime à ses rives. Les Jeli racontent qu’au VIIe siècle des Berbères se seraient fait reconnaître comme chefs par une petite population de pêcheurs les Sorkos ou “ Maîtres des eaux ” résidant à Gounguia ou Koukia, dans l'île de Bentia ou en face de cette île, à quelque 150 kilomètres en aval de Gao en direction du Niger près des rapides d’Ansongo dans la région de Tilabery.

Les Songhaïs étaient alors divisés en trois groupes : les Sorko Sonhrais pratiquant la pêche, les “Maîtres des Eaux ” qui étaient les plus puissants, les Do ou Gabibi, les Songhaïs pratiquant l'agriculture et l'élevage, les “ Maîtres de la Terre ”, puis les Gow, les chasseurs. Ces différents groupes de Songhaïs entretenaient de mauvais rapports. Les princes berbères les ancêtres des Kel Tamashek seraient arrivés sur les bords de la boucle du Niger et là ils auraient débarrassé les riverains pêcheurs Sorko et paysans Gabidi de la terreur d’un poisson fétiche dont les Sorko se servaient pour effrayer les Gabidi. Za Aliamen l’auteur de cet exploit monte alors sur le trône. Et les Za ou Dia auraient régné jusqu’en 1335 à Koukya sur cette île du Niger.

Les Dia chassent les Songhaïs Sorko et ceux‑ci vont remonter le fleuve Niger à la recherche de terres nouvelles et c’est ainsi qu’ils découvrent la dune rose de Koïma sur la rive gauche du fleuve où ils se fixent et fondent la ville de Gao. La dune rose de Koïma sur la rive du Gourma au Nord de Gao est située à l’emplacement initial où les Sorko ont fondé Gao. La croyance dit que la dune de Koïma est le lieu nocturne de réunion d’un grand nombre de magiciens venant des quatre coins du monde.

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La dune rose de Koïma “ Koïma Hondo ” dans la langue Songhaï était le lieu de rassemblement des hommes de science du temps de l'empire Songhoï. Une fois par an les savants mais aussi les magiciens, sorciers, prédicateurs et prêcheurs se réunissaient pour prédire l'avenir de  toute une année. Cette dune étant le point le plus haut du royaume et située en bordure du fleuve qui sert de caisse de résonance c'est ici que le grand tambour tabalé est battu pour envoyer les messages importants du royaume qui sont entendus jusqu'à une centaines de kilomètres. “ Kaw ! Kaw ! ” sonne le tabalé… “ Gaw ! Gaw ! répond la cité qui vient de surgir du fleuve…

 Koïma signifie en Songhoï : allez écouter

 

Gao Ir ma koï ma

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Yurugu ! Ah Yurugu !

Comme toi Yurugu moi Gao l’enfant d’Irani au pied de Bandiagara j’ai marché le long des pistes de traverse où tout n’est qu’ivresse de solitude et de désenchantement à la rencontre des étrangers à nos tribus de paysans qui montions la terre sur nos têtes en haut de la falaise…

Au village d’Irani en bas de la falaise de Bandiagara Yurugu tu n’es revenu que pour repartir à Madougou où tu as embarqué sur la piste du Nord en direction de Douenza lové au creux d’un des anneaux du fleuve. Yurugu le renard pâle a retrouvé l’odeur du sable frotté par le ghibli le plus chaud de tous les souffles d’as‑Sahara et le temps a marqué son passage. Rien ne s’efface ici rien… c’est la terre de l’usure que le totems de pierre ont tatouée hein ? 

Ah ! Yurugu ! Le désert par là ce sont grosses roches rose foncé petits acacias nains et touffes d’alpha tout un travail à se retrouver ! Mais Yurugu le fils d’Amma maître des mondes et de sa femme la Terre n’appartient ni au temps ni à la trace non… Yurugu est la créature des devins du Mali les jeli et des tables de poussière. Ah oui ! Yurugu sait que partout où il marche et qu’il laisse l’empreinte par quatre de sa course lente naît la langue des hommes cachés du désert.

De Douenza à Gao la ville des Kel Tamashek au bord du fleuve la citadelle de l’Empire Songhaï qu’il n’a pas envie de fréquenter plus d’une journée car l’eau qui tarit la soif le traque il y a loin. L’eau des mares et des puits sacrés de son demi‑frère haï le Nommo femelle et mâle c’est possible ? à qui il a réussi à voler la parole aux premiers instants du monde Yurugu le renard pâle la fuira toujours. Mais loin pour celui qui avance bondit avec les pattes du sable ça ne veut rien dire… les pierres écrivent… le temps est à l’envers… les royaumes culbutent et les hommes retournent déjà enfin à leur demeure de boue. Ah ! Yurugu !ogotememli.jpg

Après Douenza Yurugu sait qu’il faut prendre la piste des éléphants du Gourma. Alors eux des trouées s’ils en laissent les énormes ! jusqu’à Hombori et ses troupeaux de roches dressées en arrêt et la mare de Gossi de l’émeraude plein leurs plis encore pour redescendre direction du Burkina alors il les abandonne à la savane de géants baobabs et de palmiers doums. A Gossi l’eau est là qui ne manque jamais et les bourgoutières inondées débordent de partout de jeunes plants de balanzans de moringas et de toutes les plantes médicinales qu’on veut. On les voit de passage les pintades les autruches au cou sanglant de plumes et les oies venues de Nahr-el-Azrak qui s’éclaboussent et se battent en criant entre les jeunes pousses des baobabs. Les Kel Tamashek qui connaissent les éléphants du Gourma aussi bien que les chameaux de leurs caravanes ont installé leur campement derrière l’assabeur de roseaux un peu plus loin contre la mare Tin Badiawane… Ah Yrugu ! Ah Yurugu !

Toi Yurugu tu remontes vers le Nord toujours le Nord avec le souffle et les grognements halètements d’As‑Sahara qui éparpillent les caillasses et les touffes brûlées autour des cases peuhl rares qui grattent le sol de leurs branchages de balanzans bleus… de plus en plus rares… plus en plus rien et puis la savane c’est tout. Le Gourma… des ombres rousses qui bougent un peu fument s’effarent… les caravanes des Kel Tamashek et leurs troupeaux qui ont quitté Gossi où ils ont animé le marché pendant deux jours remontent aussi vers Gao. S’il y a des gens au milieu de ce nulle part c’est autour des puits. L’eau Yurugu le sorcier qui n’en a pas besoin la redoute car elle apaiserait sa soif qui ne doit pas cesser. Un puits avec des formes orange et violettes qui flottent dans la buée de chaleur égratignées par l’écume qui bout et les troupeaux massés qui ne le voient pas. Ah Yurugu !

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Toi Yurugu tu vas à la rencontre du Royaume de Songhaï de l’autre côté du voile brûlant tendu de formes floues des forteresses aux portes haletantes. Les hommes de la première Dynastie des Dia les peuples des agriculteurs et des éleveurs Do de l’île de Kokia maîtres de la terre mêlés aux nomades berbères les ont installéées un jour à Gao. Un royaume né de la chaleur ? Les bassines plastiques et les seaux multicolores entre les pieds des femmes assises. Elles attendent en dessous d’un grand acacia que la peau de mouton nouée sorte du trou gonflée et que l’homme verse à boire.

Ah ! Yurugu ! A boire aux animaux que les nomades mènent d’une mare à l’autre à travers le Gourma jusqu’aux bourgoutières de la plaine inondée d’Hondou Bomo Koyna tout près de la sublime Tombouctou où tu n’iras pas cette fois‑ci renouer avec la parole des peuples anciens car elle se trouve beaucoup plus à l’Ouest de la piste. 

Toi Yurugu fils du sable et de la lumière tu connais par cœur les cairns qui marquent les territoires mouvants aux ombres ocre où se déplacent les assabeurs des Kel Tamashek que tu accompagnes sans qu’ils s’en doutent. Tu suis à l’écart leurs caravanes avec les chameaux de tête aux amagagou harnachés de cuir rouge cloutés d’or et recouverts de longs tapis de selle tissés de vert et d’indigo ou de bandes écarlates et noires. Aux campements les jeunes chamelles blanches montées par des adolescents qui les dressent à la longue transhumance sont entravées et elles guettent impatientes la formation de la caravane qui partira bientôt à travers le Gourma pour s’étirer dans le Tanezrouft jusqu’à Tamanrasset.

Ah ! Yurugu ! Cette fois‑ci l’homme que tu vas rejoindre dont l’histoire est écrite dans une des tables de sable que tu as traversée au pied de la falaise de Bandiagara porte le nom de la cité assiégée qui a été la capitale de l’Empire du Songhaï et dont le cri appelle les jeli à sa suite : Kaw‑Kaw… Kaw‑Kaw !

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Ah Yurugu ! celui qui surveille là‑bas de l’autre côté du fleuve ton passage au bas de la dune des paroles est un des fils des rois de Gao dont les ancêtres les pêcheurs Sorko avaient pour totem le poisson géant du fleuve Djoliba couleur de sang. Le sorcier Faran Makan Boté père des pères de sa mère est sorti du ventre d’une femme génie et d’un maître des eaux au temps où les chasseurs Gow et les paysans Do de Koukia chassaient les Sorko en amont du fleuve… C’est en aval du fleuve à Koukia au‑delà des rapides d’Ansongo dans la région de Tilabéry que commence l’épopée du peuple Songhaï. C’est en amont du fleuve que s’éveille Gao la métisse capitale de tous les empires et fille des transhumances du sel et des troupeaux… à ses pieds que s’écoulent l’or et les épices et les corps enchaînés des esclaves nègres.  

Ah Yurugu ! celui qui t’attend là‑bas sur les flancs de la dune rose de Koïma la première de la caravane arrêtée fossile au‑dessus du fleuve au point exact où le peuple Sorko a fondé la citadelle dont celui‑ci porte le nom retient au‑dedans de sa chair l’Empire Mandingue et l’Empire du Songhaï. Le père de ses pères appartient à la lignée de Soundjata Keïta fils de Sogolan la bossue qui avait le pouvoir de se transformer en buffle et de Nare Maghan Konaté roi du Manding dont le totem protecteur était un lion. Le roi avait lu dans le sable la destinée du royaume du Mali qui après la mort de Soundjata son second fils noyé dans les remous du Sankarani enfant de Djoliba ressurgirait des eaux et de la terre rouge de ses berges sous la forme de l’hippopotame blanc Bangawey. Ah Yurugu ! Ainsi Mali le pays du sable et de la terre rouge marche lentement au creux du fleuve sorti du ventre du Mont Tingi et ainsi Soundjata est vivant dans la mémoire des jeli.

JRouch-Gao.jpg

Ah Yurugu ! le Gourma là… dans un des replis de Ngher délivre sa peau tannée d’ocre et de paillis jaune à Tin-Adjaroff ta dernière étape où les campements ne sont pas comme au cœur d’as‑Sahara des toiles tendues rouge sang. Au‑­delà de l’assabeur qui forme l’enclos resserré autour des tentes les demeures rondes sont des murailles aux toits recouverts de tapis de peaux de chèvres claires et de tissages crème avec les signes bleus des Kel Tamashek. Et leurs taguelmoust indigo quasi noir appelant la nuit se rejoignent aux abords des feux qui préservent longtemps l’odeur du thé vert… l’odeur des hommes de la grande transhumance. Arrivé à la mare de Tin‑Essamed grouillante de petits ânes et de chèvres à cette heure écarlate tu sais que Gao ne sera jamais une ville comme les autres.Ogotemmeli.jpg

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 20:35

   la-proie2000overblogIl y a des jours et des jours que je n'ai rien écrit ici ou peut-être rien écrit du tout... ce monde n'est pas un espace de bonté ni de grandeur et c'est ça avec la poésie qui porte les mots... Oui c'est ça...

    Après la Libye et la Syrie ils s'en prennent au Mali le pays de tous les rêves et de tous les voyages des Kel Tamshek mes frères en bourlingue et en conterie les premiers créateurs d'un monde d'eau et de sable comme vous savez vous qui suivez la piste de Yurugu le renard pâle depuis des jours...

   Alors j'ai pris mon courage comme une boule de terre rouge du fleuve Niger le Joliba couleur de sang et j'ai écrit pour que vous sachiez ce qu'était ce pays avant qu'ils le tuent et qu'ils massacrent son peuple ou ses peuples plutôt... 

    Vous qui me lisez depuis... hein ? vous savez déjà mais les autres... Alors voici un petit bout de l'histoire de l'Empire du Mali et de l'Empire Songhaï et puis le début de mon récit-conte...

    Pour tous les Maliens mes frères...

la mosquée Al Sheikh Abdel Salam Al Asmar à Zliten 

La mosquée Al Sheikh Abdel Salam Al Asmar à Zlinten en Libye détruite par les salafistes de la brigade du 17 février il y a deux mois

 Mosquée détruite à Zliten par les salafs.j 2pg

Voilà ce qu'il reste après le passage des tueurs de civilisation et des rêves de tout un peuple... joli non ?

Bâtiment de l'Assemblée libyenne à Syrte

Le bâtiment de l'Assemblée libyenne à Syrte que Mouamar Khadafi avait fait construire à l'image d'une tente bédouine blanche avant la guerre

Al Mathaba Al Tawriya détruite par les salfs

Ce qu'il restait de Al Mathaba Al Tawriya il y a un mois et maintenant plus rien on s'en doute... détruit rasé par les nouveaux maîtres de la Libye

FONTAINE à Tripoli avant d'être détruite par le-copie-1Fontaine à Tripoli avant destruction par les salafistes 

Sirte avant et après

La ville de Syrte avant et après... Il y a presque un an que Mouamar Khadafi a été assassiné et massacré par la violence de l'Occident colonialiste parce qu'il voulait rendre aux peuples d'Afrique leur dignité et leur liberté... On n'oublie pas !Mouamar Kadhafi

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 23:08

Ce que les gourmands disentPetite pomme main

On a chaussé des bottes de sept lieues

Pour partir loin des ennuyeux

Des vieux grincheux des vieux baveux

Qui traînent l’hiver derrière eux

Dans des gros sacs plein de chaussettes

Trouées ça leur monte à la tête

Tiens ! Les escargots font la fête

A des salades en goguette

Pour accueillir les pâquerettes

Au bal musette où vont les gueux

On a chaussé des bottes de sept lieues

 

On a chaussé des bottes de sept lieues

394px-Carnaval_Venise_1.jpg

Pour les laisser ronger entre eux

Les freins de leurs trains de fâcheux

Ça lâchera un jour tant mieux

Et à fond de train les charrettes

Aux roudoudous et aux sucettes

Dévaleront dans nos mirettes

Avec des chats faisant la quête

Pour que profitent les poètes

Les doux amants et tous les gueux

De gourmandise à qui mieux mieux

On a chaussé des bottes de sept lieues.

 

 

Les dieux d’or

iguane-jaune-p.jpg

Là comme deux grands iguanes bleus du désert

Leur épine hérissée d’émeraudes entières

Leur armure d’acier au reflet d’argent vert

Contemplant immobiles et royaux amants

Fiers la cité d’écarlate aux désirs de pierre

Taillés à même le ventre dur de la terre

Laves livrées aux rouges joyaux de l’enfer

 

Là comme deux grands iguanes bleus se chantant

Le chant fou d’amour des dieux d’or nés des torchères

Mais nus là sous l’illusion des écailles claires

Et s’ouvrant blessures tels d’amoureux cratères

Nous livrons au désert nos cris royaux vibrant

De jouissance épluchés par ton épée nos chairs

Que le jus généreux la pulpe chaude éclairent

Là debout seuls face au pipe‑line de verre

Nous dansons la danse d’amour des dieux du temps

 

Là comme deux grands iguanes nés du désert

Secouant leur côte d’émeraudes entières

Pour s’accoupler légers maîtres de la lumière

Petits dieux immortels ruisselant de rivières

Au loin des temples d’or notre plaisir s’étend.carnaval-venise-masques-et-costumes-040.jpg

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27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 14:50

Jessica suite...

Gare.jpg

Il s’en est passé des choses depuis ce temps de nos courses anciennes Jessica… Après des heures entortillées aux toiles d’araignées quand on traquait les hommes dans des bouquins trop gros. Des piles des colonnes qui tenaient les toitures des bibliothèques. On croyait qu’ils créchaient là-dedans là-dessous les burnous de carton rouge entassés au long des pièces et des pièces chacun à l’intérieur de son livre bien planqué. Y avait c’est forcé là-dedans tout au fond les histoires des gens qu’on frôlait dehors au creux de la bouillasse ocre rose de l’aube qu’on se disait. Tu sais comme on a fouillé Jessica… On a fouillé parce que pour nous dans nos quartiers d’où on venait les livres c’était des coffres aux trésors où y avait tout ce qu’on aurait pas nous autres. Et on a jamais rien trouvé.

Fallait aller fouiner ailleurs Jessica hein ? Les Musées les bouquins les choses comme ça c’était l’affaire de ceux qui ne bougeraient pas… ceux qui habitaient quoi… C’était l’affaire des rois confits qu’on aurait dit des canards au creux de leurs palais. Mais le populo lui il tenait pas en place… la raison qu’ils ont inventé les ghettos pour l’enfermer. 

‑ Tu vois… faut  surtout pas qu’on finisse par leur ressembler aux rois…

‑ Mais Jessica… je t’ai répondu et toi tu n’écoutais pas tu avais déjà décidé… c’était comme ça tu partais et je te suivais… Mais Jessica on a trop bougé… tu n’veux pas qu’on se pose… un peu quoi…

‑ Ah bon ! tu as répliqué les mains sur tes hanches et ton ventre dans sa ceinture de petites lunes d’argent autour de ton nombril qui dansait… tu trouves qu’on a bougé toi ! Et les pensionnats… et les asiles et les ghettos… t’as oublié ?

‑ Non Jessica… non… j’ai pas rien oublié… et j’avais envie de saisir tes mains et de les mettre autour de mon cou comme un collier d’oiseaux sauvages…

Il s’en est passé des choses depuis notre rencontre Jessica…

‑ Les gens qu’ont une histoire c’est dans la rue qu’ils sont… tu as dit en haussant les épaules.

Et tu as enfilé tes cuissardes noires du geste que je connaissais et c’était le signe du départ… Un de plus… une gare… un train… nomades encore… Hop ! Hop !

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 Ecoute… écoute…  

Notre époque c’est celle d’un Far West qui est venu s’éclater sur les pavés de la vieille histoire où on ne faisait que barboter de ce côté‑ci du monde. Des siècles alors qu’on barbote et de manière dégoûtante encore à part deux trois mois de la Commune qui nous a un peu sauvés de la honte. Ah ouiche ! la tête bien dedans la vase… Blouh… Blouh… La honte… la honte qu’on a alors ! 

Notre époque… la grande tournée fabuleuse… ne pas rester en place… redevenir des baladins des montreurs d’ours blancs. Des visiteurs… Le seul moyen qu’ils nous lâchent les aboyeurs chiens en laisse et les autres ! Nous mettre à l’attache ce qu’ils voulaient tu penses… si on va se laisser faire sûrement pas ! Zouh ! Les caravanes des voyageurs à côté de nous autres c’était pas grand‑chose. Eux ils avaient toujours fait ça de bouger… dans le temps je veux dire. Un peuple nomade quoi il va il vient… c’est son ordinaire. Et puis pour la liberté merci ! Les endroits qu’ils lui fadent les proprios du coin c’est pas la plage qui grignote le bitume de ses petites dunes mamelles dorées. Oh non ! Nous il fallait qu’on invente ouais ! il a fallu… les hoboes qui sautaient bondissaient en fraude en haut des wagons de tous les trains de marchandises du Grand Ouest ça nous est venu parce qu’on était les mômes des ghettos modernes et qu’on ne voulait pas de ça ma Jessica rien du tout ! Nous ce qu’on avait dedans nos nippes c’était la liberté et la route ah ouiche !

Nos vieux ils n’allaient pas nous tenir à l’intérieur de leurs gourbis à coups de tatanes sur la touffe… Han ! han ! ils se dérangeaient pas ils nous corrigeaient le matin au soir et vlan ! et zouh ! Qu’on n’avait rien à dire et pas à en moufter une sinon c’était la chaise qui te volait en plein museau et les insultes ils nous les mettaient avec les fleurs et les bonbecs autant qu’on en voulait… tiens et retiens ! Alors forcé nous on s’en tirait sitôt qu’on ne les avait plus dans les arpions vadrouiller du côté des décharges grasses pourries de rats les dessous des ponts du chemin de fer et compagnie les échangeurs des voix express… Le ghetto du bidonville comme un gros iguane de tôles c’est par là qu’il s’étire et demain ça ne sera pas mieux hein ? 

Alors si vous ne voulez pas vous raciner profond à la terre de chez nous eh ben allez‑y aux recoins qui puent joli tous les gogues de la ville rien que pour eux les zoiseaux migrateurs ! Eux longtemps ils ont fait que passer. Ils ont calté ailleurs plus loin encore. Pourtant leur histoire elle est bien ancienne et que ça remonte joliment si on cherche des civilisations des cultes des légendes… Nomades ma Jessica les peuples du voyage ils nous ont faites on peut pas les renier ! Ouaouf ! Ouaouf ! Les premiers qui nous ont épatés je le jure bien ma Jessica… tu ne diras pas le contraire toi qui as la chevelure sanguine des femmes de leurs tribus.

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Il s’en est passé des choses… Notre époque… pour sûr que c’était celle des Indiens rouges qui sortaient de leurs réserves à cirrhoses où les autres les avaient bouclés avec leur Far West et les Black Panthers qui déchiraient les papiers où était tamponnée la liste de ceux qu’attendaient sur la quai d’embarquement du côté de Gorée leurs pieds nus figés dedans l’asphalte black coulé au désespoir. La Californie 1962 direction Oakland… l’Alabama… le Mississipi… et dix ans après l’American Indian Movement de Minneapolis qui fait sauter le comptoir d’échange de Wounded Knee… Pan ! Boum ratataboum ! Ouaouf ! Geronimo et ses tribus fières… ils leur donnaient à tondre la pelouse de leurs petits jardin ma Jessica ! 

 Ce sont eux et leurs rites de la terre et des arbres au creux de leur bouche muette qui nous balancent leur purée de légendes en cavale. Rien que le Katapok ! Katapok ! des chevaux d’abord… Ces galopeurs qu’ils étaient les bougres ! On ne pouvait pas suivre… Les Indiens on les entendait ma Jessica au fond de nos nuits de lave indigo leurs tambours de guerre qui dévoraient les kilomètres de fils barbelés de leurs réserves… Ils l’avaient trouvée eux l’échappée… Ils l’avaient inventée.

Tam Tam Ratatatatam ! Boum Boum Ratatatatboum ! Tam Tam Tam Tam !…

Les Indiens ouais… Katapok ! Katapok ! les chevaux d’abord… la fierté des chevaux libres qui avancent qui avancent… Ils avaient gardé les chevaux Jessica ! Grands ! Les jambes longues fines qui creusaient les drailles tu te souviens ? Nous on montait à cru nos petits chevaux emmêlés aux crinières noires et les paysans les petits fils des Camisards avec leurs chemises blanches tout en haut de la montagne du Bougès en croyaient pas leurs yeux. Ils avaient les fusils aussi les Indiens et les aigles des canyons incendiés étaient de leur côté. Les aigles chassaient pour eux dans les troupeaux des voleurs de terres. Ils buvaient le jeune sang des racines et l’eau de pluie. Ils avaient les fusils qui claquaient comme des fouets. Les fusils pour faire descendre l’âme des dieux et les tambours de guerre…

Tam Tam Ratatatatam ! Boum Boum Ratatatataboum ! Tam Tam Tam Tam !…

Les nôtres d’Indiens ils nous sont venus du Sud après plus tard. Les chevaux arabes petits aussi racés au sang brutal qui menaient les fantasias… Katapok ! Katapok ! Et les fusils pareil pour les cérémonies et les bendir les derboukas et les chants furieux et les chants de noces… ils ont pris la suite c’est tout. Ce qu’ils ont appelé notre délire Jessica… ils ont cherché à nous boucler dès qu’on est tombés du ventre rond et laiteux de la lune avec les grands Youyous de la bonne naissance. C’est l’âme des peuples libres et joyeux qui nous déambule et qui court et qui court…

Il s’en est passé des choses hein Jessica ?

Nous c’était une génération entière… la première génération qu’à voulu vraiment prendre la route Hop ! Hop !

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Ecoute… écoute…

Valises ! Un deux trois ! Valises encore !

Gare de l'Est. Treize ans viennent de sonner à l'horloge du mois d'août. A l'horloge de la gare du mois d'août. Dong… dong… dong… Un mois d'août qui a marqué la fin de sa vie en liberté. Mais elle ne le sait pas encore. Un mois d'août qu’elle n'arrivera jamais à aimer par la suite. Mais elle ne le sait pas encore. Diable de destin auquel elle va tenter de tordre le cou en lui faisant porter le masque d'une rencontre lumineuse… Dong… dong… dong…

Gare de l’Est… De là qu’il partaient les trains d’Orient mais elle l’a oublié. Sa main dans celle du vieil Antonin son grand-père à la ramasse conducteur des locos les chevalières black métal panachées bleu et mauve direction les steppes du Nord et de l’Asie et leurs cavales Ouah ! Gare d’Orient Gare aux rêves…

Et puis voilà… Les familles ça prépare ses coups dans l’ombre et Tac ! ça frappe sec et ça touche pile et ça t’enlève pour toujours l’innocence de l’aube…

Tac ! Les trains de bidasses des années 70 avec ces p’tits soldats contingent crétins comme le troupeau qu’hurlait y’a pas loin de ça :

‑ A Berlin ! Nach Berlin !…

‑ Ha ha ha ha ha ! le rire de l’exciseuse au manteau rouge qui les voit rappliquer et se lèche les doigts… P’tits soldats… P’tits soldats…

‑ Nach Troies Bar‑sur‑Aube Chaumont… Kaserne… elles glaviote la voix fantôme du haut‑parleur… 

Gare de l’Est… Treize piges et dans la tronche le vide vertige et des mains à charpie qui se magnent de boucher ça… pas d’hémorragie hein !… Du sang à souvenirs c’est mauvais l’en faut pas… Les guerres c’est fini la bidasserie en foire qui reluque ses cuisses d’enfance on en cause pas… 

‑ La quille ! La quille !… hurlent bavent s’appellent et se marrent quand elle entre toute seule dans le wagon… Terreur d’abattoir… La guerre… des femmes des vieux des p’tits en rang qui giclent écarlate… Des civils coincés traqués zoo une toute petite bande de terre et Pan Pan Pan… La neige la protège de l’exciseuse qui les lèche goulue… ravie… descend leur braguette… La neige remplit son crâne de l’oubli manteau épais sa laine blanche qui chasse la mémoire en charpie rouge… Ah ! ouais…

Valises… Un deux trois ! Valises ! Gare de l’Est… Treize ans hein ?

Jessica… son nom… la violence et l’oubli… Seule…

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 - Jessica ! Jessica !…

 Quelqu’un crie son nom dans la courant d’air des gares…

- Jessica !…

Oui… C’est elle… C’est bien elle qui n’en a pas encore fini de revenir… Pas encore fini Jessica… Oui… Mais cette histoire… celle-là justement… Cette histoire comment la dire sans se servir des mots qui montent d’habitude comme des fruits aux lèvres ?

- Jessica !…

Oui… Oui… Jessica… je sais bien que c’est son nom…

- Jessica !… Jessica !…

- Oui… ils hurlent son nom dans le courant d’air des gares… ils l’appellent… elle ne peut pas se dérober… Ça serait vraiment dégueulasse !… Oui…

Oui Jessica… je te laisserai encore… encore dire l’histoire à ma place…

C’est Jessica qui a décidé il y a… il y a longtemps… de les laisser choisir leur rythme… leur rythme de danseurs africains… Jessica qui a posé la question…

- Jessica !… Jessica !…

Oui… la question de cent tambours là-bas qui ne la laissent pas dormir entre les draps légers amants de la nuit bleue…

- Jessica !…

La nuit bleue des gares… l’été… Jessica tu le sais… ils t’attendent avec la clope de la dernière fatigue au bec pour que tu la leur fumes… et pour que tu la leur rendes toute neuve… pas mouillée de tes lèvres où souffle le souffle de leur tragédie. L’allumette qu’ils te craquent Jessica n’a rien à voir avec la noirceur de tes bas dans le rouge rouge géant du feu… De ton feu… Rien… Oui… Rien du tout… C’est ça Jessica… c’est bien ça…

- Jessica ! aaaaaaaaaaaa !…

itinerant-men-aka-hoboes-waiting-w-their-bindles-to-illegal.jpg  A suivre...

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